Quand les arbres jouent avec le feu

Loïc Chauveau

Les arbres peuvent développer deux stratégies pour survivre aux incendies

Comment survivre aux flammes quand on ne peut pas s’enfuir devant l’incendie ? Lorsque, par exemple, on est un arbre ? « Deux stratégies émergent, résume Anne Ganteaume, chercheuse à l’Inrae. L’une consiste à déployer des armes de résistance, l’autre à profiter du feu pour assurer la survie de l’espèce. » Pyrophiles et pyrophytes. Comparons deux pinèdes. La première est peuplée de pins sylvestres dont le tronc, protégé par une écorce épaisse, ne comporte aucune branche basse. La canopée, ramassée, domine à plus de dix mètres de hauteur. Au pied, une litière dense. « L’espèce diminue ainsi ses risques d’inflammabilité en offrant le moins de matière possible au feu et en isolant sa cime », décrit Anne Ganteaume.

Peu importe que les incendies soient fréquents pourvu qu’ils restent mesurés

La seconde pinède est composée de pins d’Alep – des « résilients ». Sa canopée est peu élevée et aérée, ses troncs parsemés de branches mortes, sa litière clairsemée. « Ces espèces émettent par ailleurs des composés organiques volatils très inflammables qui assurent une combustion totale », souligne Marc-André Selosse, biologiste au Muséum national d’histoire naturelle. Et des flammes jaillira leur descendance ! « Juste après l’incendie, une molécule chimique, la butanolide, provoque l’ouverture des pommes de pin jusqu’ici restées fermées. Les graines tombent sur un sol refroidi et “nettoyé” de toute concurrente qui l’empêcherait de pousser, et bénéficient d’un lit de cendres très nourrissant », poursuit Marc-André Selosse.

Une stratégie menacée par le changement climatique

Pour les espèces « résistantes », peu importe que les incendies soient fréquents pourvu qu’ils restent mesurés. En revanche, pour que la stratégie des résilients fonctionne, il faut impérativement qu’il n’y ait aucun sinistre pendant quinze ans, temps nécessaire aux jeunes pousses pour arriver à maturité. Une stratégie que le changement climatique pourrait mettre à mal, car on constate une fréquence accrue des mégafeux en Californie, Afrique du Sud, Australie, et sur le pourtour méditerranéen.