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Pesticides : la France, l’un des pires pays d’Europe: France 3° Belgique 4°

La France est le 3e pays européen autorisant le plus grand nombre de pesticides, selon une étude de Générations futures. Le syndicat agricole majoritaire et le gouvernement assurent pourtant qu’elle fait partie des bons élèves.

C’est une petite musique qui retentit de plus en plus fort dans la presse et l’arène politique : en matière de pesticides, la France ferait du zèle, et irait au-delà des préconisations européennes. C’est faux, assure l’ONG Générations futures, étude à l’appui — la France est même l’un des pires pays du continent.

Dès septembre, un rapport sénatorial portant sur la « compétitivité de la ferme France » affirmait pourtant que les agriculteurs français n’avaient accès qu’à 309 produits phytosanitaires, contre 454 pour leurs pairs polonais. Christiane Lambert, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) enchérissait en février à l’occasion de l’ouverture du Salon de l’agriculture : « 30 % de produits phytos en moins, c’est comme faire jouer le PSG avec 30 % de joueurs en moins, déplorait-elle dans les colonnes de Plein Champ. On est disqualifié d’emblée. »

Ces craintes ont fait leur chemin jusqu’à l’Assemblée nationale : le 28 février, la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a déposé une proposition de résolution visant à lutter contre les « surtranspositions » en matière agricole, c’est-à-dire l’adoption de règles plus exigeantes que celles édictées par l’Union européenne.

La France est l’une des pires élèves du continent.

La France joue-t-elle véritablement aux premiers de la classe ? Non, ont tenu à rappeler les représentants de Générations futures lors d’une conférence de presse, le 8 mars. L’association a vérifié les chiffres avancés par la FNSEA et les sénateurs en utilisant la base de données officielle de la Commission européenne sur les pesticides. Résultat : 291 des 453 substances autorisées sur le sol européen sont utilisées légalement en France. Le pays se place ainsi à la troisième place de ceux autorisant le plus grand nombre de substances actives, derrière la Grèce et l’Espagne. Selon les calculs de Générations futures, le nombre de substances autorisées en France est supérieur de 32 % à la moyenne européenne.

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L’association a vérifié les chiffres avancés par la FNSEA et les sénateurs en utilisant la base de données officielle de la Commission européenne sur les pesticides. Générations futures

L’allégation selon laquelle les agriculteurs français auraient accès à moins de pesticides que leurs concurrents européens relève donc de l’« imagination », selon le porte-parole de l’association, François Veillerette. « Nous avons un très large accès aux pesticides en France. Ce que l’on regrette, car certains sont dangereux, et mériteraient d’être interdits. » D’un point de vue légal, parler de « surtransposition » est par ailleurs inadéquat, complète maître François Lafforgue. La politique européenne en matière de pesticides est en effet définie par des règlements. Contrairement aux directives, qui doivent être transcrites dans le droit national, les règlements « s’appliquent directement, explique l’avocat spécialiste de l’environnement. Ils se suffisent à eux-mêmes, et n’ont pas besoin de textes de transposition. »

« On craint un retour en arrière »

L’association se dit « inquiète » des conséquences de ce discours « caricatural » sur la politique française en matière de pesticides. « On craint un retour en arrière », dit François Veillerette. Le porte-parole cite en exemple la proposition de résolution portée par Aurore Bergé, qui propose notamment, pour limiter la concurrence avec les autres pays européens, de « conditionner toute interdiction de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques […] à l’existence de solutions alternatives efficaces, n’entraînant pas de perte de rendement, ni de surcoûts de production inacceptables pour le producteur ». « Ça nous semble exagéré », estime François Veillerette.

Générations futures est d’autant plus préoccupée que le gouvernement doit présenter, dans les prochains mois, son plan Ecophyto 2030. Lancé pour la première fois en 2008, ce programme de réduction de l’usage des pesticides a jusqu’à présent été un échec. Alors qu’il devait réduire de 50 % l’utilisation des produits chimiques agricoles, leur usage a bondi de 20 % entre 2009 et 2018. François Veillerette craint un « Ecophyto light » en 2023. « C’est aussi pour ça que l’on publie ces chiffres. On préfère partir sur de bonnes bases plutôt que sur des bases biaisées. »