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Les oiseaux marins sont touchés de plein fouet par la grippe aviaire

Depuis quelques semaines, le virus H5N1 décime des milliers d’oiseaux marins dans le monde. L’ampleur du phénomène est inédite et menace des espèces déjà vulnérables

« Sur le littoral, nous n’avons jamais observé une telle hécatombe d’oiseaux sauvages. » Sternes, mouettes, goélands, oies cendrées… Pierre Thellier ne s’en remet toujours pas. Ce chargé de mission à la réserve naturelle nationale du Platier d’Oye, dans le Nord-Pas-de-Calais, compte les cadavres qui s’accumulent depuis le début du mois. “La semaine dernière, nous comptions déjà 1.433 sternes pour un total de 1.671 oiseaux, toutes espèces confondues” témoigne-t-il à Sciences et Avenir. La faute à la canicule ? Même pas. Le coupable de ce carnage n’est autre que le virus H5N1. Il est connu pour son rôle dans la grippe aviaire, appelée par les spécialistes « influenza aviaire ». Cette maladie virale hautement contagieuse affecte les oiseaux domestiques et sauvages. Depuis octobre 2021, elle a tué pas moins de 383.000 oiseaux sauvages dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé animale. Et le chiffre est probablement sous-estimé : les oiseaux malades et morts sont difficiles à suivre.

Pourtant, cette épidémie d’influenza aviaire n’est pas la première à laquelle les oiseaux marins doivent faire face. « Il pouvait arriver de temps en temps qu’un canard ou un cygne soit contaminé mais ça restait assez anecdotique et c’était toujours en période hivernale » note Pierre Thellier. Mais cette année, la grippe aviaire a duré beaucoup plus longtemps que d’habitude, jusqu’à la période printanière et estivale. Or, le printemps et l’été correspondent à la période de reproduction chez les oiseaux. C’est donc un moment où les individus sont très proches les uns des autres. Problème : un simple contact avec un individu infecté par le virus H5N1 suffit à contaminer un autre individu. « C’est catastrophique puisque les individus sont en colonies et vivent en promiscuité. La transmission du virus est donc très forte. A partir du moment où vous avez quelques individus malades, le virus ne va faire que se diffuser entre les oiseaux. On assiste à une vraie épidémie d’influenza aviaire », alarme le gestionnaire de la réserve. Pour limiter la diffusion du virus, le chargé de mission et son équipe ont envoyé un maximum de cadavres en équarissage (abattage d’animaux impropres à la consommation). Mais ils n’ont pu faire bien plus.

Un phénomène inédit

La France n’est pas le seul pays touché : “en Belgique aussi c’est la catastrophe” affirme le chargé de mission. Le virus a également tué des grues en Israël, des pélicans dalmates en Grèce ou encore des Fous de Bassan au Canada et au Royaume-Uni. Et ce n’est pas près de s’arranger : « nous allons bientôt rentrer dans la période de migration post-nuptiale et les oiseaux infectés venus du Nord risquent d’infecter les oiseaux du Sud ».

Pour la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB), la plus grande organisation pour la protection des animaux en Europe, il s’agirait de la pire épidémie de grippe aviaire jamais recensée. Les années précédentes, les éclosions de H5N1 restaient localisées. Mais cette année, la maladie se répand comme une traînée de poudre. L’Organisation mondiale de la santé animale constate, elle aussi, que le phénomène est inhabituel en termes de taux de mortalité, du nombre d’espèces touchées et de la diversité des zones géographiques atteintes.

 

 

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