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Le mystère des cerfs tués de Moselle

Qui en veut aux grands cerfs de Moselle? Depuis le mois de septembre, plusieurs d’entre eux ont été retrouvés morts dans le même secteur. Les autorités ne réagiraient pas assez vite au goût des chasseurs. L’oeil du 20H s’est rendu dans ces bois où séviraient de mystérieux braconniers.

Le massif de la Canner, 30 000 hectares de forêt: c’est le sanctuaire des cerfs de Moselle. Mais ces derniers mois, c’est devenu un cimetière. 7 cerfs y sont morts dans d’étonnantes circonstances: ni les bois, ni la viande n’ont été emportés. Et certaines bêtes présentent des plaies par balle.

« Le premier on était surpris, le deuxième on est inquiets. Mais au troisième ou au quatrième, là c’est plus possible« , raconte André Boudinet, garde-chasse à Hombourg-Budange.

« On en a trouvé quelques uns mais combien sont morts dans la forêt? On ne le sait pas exactement, abonde Jean-Christophe Hamelin, président de l’association de chasse de Thionville. Est-ce que ce sont uniquement les animaux qui auraient été tirés et pas récupérés par les braconniers? Peut-être… J’espère que l’enquête le dira exactement ».

Des braconniers aux armes qui interrogent

A une heure de là, au Sud du département, des braconniers présumés ont été repérés par les chasseurs à l’aide d’un piège photo. En treillis militaire, l’un des deux hommes porte un pistolet semi-automatique, une arme interdite à la chasse. C’est à la nuit tombée que les braconniers opèreraient en toute discrétion selon le président de l’association des chasseurs locaux, Thierry Jung: « C’est une pratique courante: ils se promènent de nuit en général à deux dans une voiture, et ils tirent depuis la route sur des animaux qui sont a portée« .

A l’aide d’une caméra thermique montée sur un fusil de chasse, ils tireraient sur les animaux, dans le noir au mépris de toute réglementation. Les associations de chasseurs ont alerté les autorités dont ils dénoncent l’inaction. Ils envisagent même d’organiser des patrouilles pour traquer eux mêmes les braconniers: « il faut que ça s’arrête maintenant, s’agace Thierry Jung, on n’en peut plus, les chasseurs n’en peuvent plus donc on ne voudrait pas en venir là mais si on y est obligés, on le fera« .

Une police de la chasse en perte de vitesse ?

Il existe pourtant bien une police de la chasse: l’Office français de la biodiversité. L’organisme public a refusé de répondre à nos demandes d’interview et ne souhaite pas communiquer de chiffres. Mais par téléphone, un agent estime que le braconnage serait bien en augmentation: « Est-ce que c’est dû à la crise où les gens ont besoin de faire un peu de sous? Est-ce que c’est dû au fait qu’on est moins sur le terrain parce qu’on est appelés à faire d’autres choses? On fait moins d’opérations de terrain, de surveillance comme on pouvait faire dans le temps où on passait des nuits entières sur le terrain à essayer d’attraper les braconniers« .

Un discours corroboré par un document que nous nous sommes procuré. Un compte rendu d’une réunion organisée par les services de l’Etat en décembre dernier entre chasseurs et membres de l’OFB. l’un d’entre eux explique que “La lutte contre le braconnage ne fait plus partie des missions prioritaires […] L’OFB ne dispose plus de moyens suffisants pour organiser une mission de surveillance”.

Une situation alarmante selon l’association Robin des bois qui documente les faits de braconnage. Selon son responsable, Jacky Bonnemains, le trafic de cerf générerait des millions d’euros chaque année en Europe: « il y a une vraie valeur marchande. Aujourd’hui, par exemple, il y a un guéridon en bois de cerf qui se vend 2000 euros, 52 crocs de cerf qui se vendent 600 euros ».

Face à ce constat, les chasseurs de Moselle disent avoir contacté le parquet de Metz. En attendant, ils veulent  proposer des primes de plusieurs milliers d’euros à quiconque leur fournirait la moindre information.