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Le gypaète barbu, plus grand rapace européen, bientôt réintroduit dans les Alpes bavaroises

Par Sara de Lacerda le 02.04.2021

 

La Revue de presse Allemagne évoque la faune sauvage allemande, avec la réintroduction du plus grand rapace européen, le gypaète barbu, dans les Alpes bavaroises, puis l’arrivée d’une nouvelle espèce, le chacal doré, qui s’aventure jusqu’à la mer du Nord, et la surveillance minutieuse de la population de lièvres bruns, qui ont pratiquement disparu du paysage champêtre. Ces espèces étant protégées, il est impossible de les chasser, mais dans le même temps, les amateurs de gros gibier arrivent à contourner la loi en rapportant de l’étranger des espèces protégées… sous forme de trophées.

gypaète barbu

 
   

Gypaetus barbatus aussi appelé Gypaete barbu Leemage via AFP

 

Le gypaète barbu bientôt réintroduit dans les Alpes bavaroises

 

Après le loup, le lynx et l’ours, c’est au tour du plus grand rapace européen, le gypaète barbu, de retrouver son ancien habitat dans le parc national de Berchtesgaden, dans les Alpes bavaroises, annonce le magazine Spektrum der Wissenschaft. Le grand saut est prévu pour juin, lorsque les jeunes vautours amenés sur place à la mi-mai voleront enfin de leurs propres ailes. Issus de différents couples sélectionnés au sein d’un programme d’élevage de conservation dans toute l’Europe, ces oiseaux devront provenir de lignées génétiques compatibles, car l’objectif est d’augmenter la diversité génétique de la population, alors qu’il n’existe qu’une quarantaine de couples reproducteurs.

Comme le gypaète barbu a déjà été réintroduit avec succès dans les Pyrénées et dans d’autres régions alpines, on sait qu’il faut attendre plusieurs années avant de voir éclore une nouvelle génération, car les oiseaux n’atteignent leur maturité sexuelle qu’à l’âge de 6 ans environ. Au cours des trente-cinq dernières années, les quelque 230 gypaètes nés en élevage et relâchés dans les Alpes ont ainsi donné naissance à près de 270 oiseaux, cette croissance de la population étant considérée comme un succès, même si elle n’est pas de très grande ampleur. Pour Norbert Schäffer, vice-président de la Vulture Conservation Foundation (Fondation pour la conservation du vautour, VCF) et président de la Fédération régionale de protection des oiseaux (LBV) du Land de Bavière, « le gypaète barbu est une espèce clé de l’écosystème de haute montagne » ; c’est pourquoi le projet établi sur dix ans vise non seulement à recréer une population stable dans les Alpes orientales, mais aussi à encourager la recolonisation d’autres zones de reproduction en une chaîne continue depuis le Maroc jusqu’aux Balkans, puis vers la Turquie et jusqu’en Asie centrale.

Souvent confondu avec l’aigle royal, le gypaète barbu a été exterminé par l’homme en raison de fausses croyances. Soupçonné de voler les agneaux et les enfants, il se nourrit pourtant à 90% de moelle et d’os d’animaux retrouvés morts, à la différence des autres espèces de vautours vivant en Europe, qui en mangent la chair. Il adopte d’ailleurs une technique à laquelle il doit son surnom de « briseur d’os » : lorsqu’ils sont trop gros, il les laisse tomber d’une hauteur pouvant atteindre 80 mètres pour en ramasser les éclats. Les ornithologues sont impatients de le voir évoluer dans le ciel bavarois.

Le chacal doré s’aventure en Allemagne

 
   

Depuis plusieurs années déjà, la faune sauvage nord-européenne s’est discrètement enrichie d’un nouvel arrivant : le chacal doré. Traditionnellement présent dans la péninsule balkanique, son aire de répartition progresse depuis quelques années à la faveur du changement climatique, puisque sa présence est attestée en Autriche, en Suisse, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark, en Pologne, en Finlande et dans les pays baltes. Dans tous ces pays, l’espèce Canis aureus est totalement nouvelle, ce qui induit de notables conséquences prévient la Tageszeitung. Il est indispensable de savoir identifier ce prédateur et de le différencier du renard et du loup, car la directive Habitats-Faune-Flore de l’Union européenne indique que les Etats membres doivent garantir le maintien de ses populations ; il est donc interdit de le chasser comme de le piéger. Les scientifiques qui suivent le cheminement des individus détectés sur le territoire allemand lancent donc une campagne d’information à son sujet. Il ne faut pas le craindre, rassurent-ils, car il est lui-même si farouche qu’il ne s’aventure pas chez les humains et ne se déplace que la nuit ou au crépuscule. Il est cependant certain qu’il va modifier l’écosystème des nouveaux territoires où il a pénétré et que des conflits avec le loup sont à prévoir. L’écologiste Jörg Tillmann de la Fondation fédérale allemande pour l’environnement (DBU) souhaite que soit rapidement mise en place une base de données fiable pour suivre son évolution. Il préconise une surveillance active de la part des associations de protection de la nature, des agriculteurs et des chasseurs, car il faut très précisément pouvoir déterminer le moment où un couple élèvera une progéniture, ce qui est déjà le cas en Autriche, en Pologne et en Italie. La vingtaine d’animaux jusqu’à présent recensés en Allemagne sont pour l’instant des individus isolés ; mais les chercheurs savent qu’ils ne représentent qu’une fraction seulement des animaux qui ont migré ou qui ne sont que de passage.

Des centaines d’animaux protégés importés sous forme de trophées

 

 
   

 

La chasse est une tradition allemande encore bien vivante, puisque les Allemands sont les troisièmes plus grands chasseurs de gros gibier à l’échelle mondiale, après les Américains et les Espagnols. Et ils sont prêts à partir loin et à payer cher pour pratiquer leur hobby et rapporter la preuve de leurs exploits. En réponse à une question posée par la porte-parole des Verts au Bundestag sur la protection de la nature, Steffi Lemke, le ministère de l’Environnement indique ainsi qu’en 2020 543 trophées de chasse (dont 164 zèbres, 109 babouins, 8 éléphants, 14 lions, 3 rhinocéros blancs, un ours polaire et 40 girafes, précise le Spiegel) ont été rapportés du Canada, des Etats-Unis, d’Argentine, de Namibie, de Tanzanie, du Tadjikistan, de Russie et de Mongolie. Ce qui correspond, selon la députée, à l’importation légale de parties d’animaux figurant pourtant sur la liste de la Convention de Washington réglementant le commerce international des espèces menacées d’extinction, situation qu’elle juge « complètement absurde », alors même que les espèces en question souffrent déjà bien assez de la destruction de leur habitat, de la crise climatique et du commerce, légal ou illégal. Pourtant, le Conseil international de la chasse et de la conservation du gibier (CIC), tout comme l’Association allemande de la chasse (DJV), revendiquent l’utilité de la chasse au trophée, qui pourrait jouer un rôle important dans la préservation de la faune sauvage et les moyens de subsistance locaux. En octroyant de la valeur à la faune, elle permettrait de maintenir l’écosystème de la savane qui serait sinon convertie en pâturages. Les chasseurs se contenteraient également de tirer sur les vieux animaux, sans nuire à la préservation de l’espèce. Mais pour les défenseurs des animaux sauvages, comme l’association Pro Wildlife, les clients paient plutôt pour rapporter des trophées prestigieux et donc tuer des animaux en bonne santé. Autre point de discorde : les populations indigènes ne sont pas toujours suffisamment rémunérées par les voyagistes qui organisent ces safaris de luxe sur leur territoire, et certaines, comme les Inuits, doivent en sus vendre leur droit de chasse pour pouvoir subsister.

Le lièvre est une espèce menacée en Allemagne

 
   

Le lièvre brun est une espèce en voie de disparition en Allemagne. Autrefois omniprésent, sa population a tellement régressé qu’il est classé sur la liste des espèces menacées. Depuis près de quarante ans, les associations de chasseurs sont donc chargées de les compter, comme en Hesse où une augmentation de plus de 20% de leur nombre entre le printemps et l’automne 2020 a été enregistrée, rapporte l’hebdomadaire Die Zeit. Alors que la moyenne nationale est de 14 lièvres par kilomètre carré, dans trois districts, leur nombre est même estimé à plus de

  1. Cette performance serait autant le résultat de mesures d’amélioration de leur habitat que de la chasse intensive à leurs prédateurs : renards, corbeaux, ratons laveurs et martres.

 

La disparition du lièvre résulte en effet en premier lieu de l’intensification de l’agriculture et de la détérioration de ses conditions de vie, car il élisait domicile dans les champs cultivés en petites parcelles où il pouvait à la fois trouver un abri contre les intempéries et les prédateurs, mais aussi une nourriture suffisamment variée. Le passage à une agriculture intensive au cours des cent cinquante dernières années a privé le lièvre de son habitat, comme des plantes qui lui apportaient les nutriments nécessaires. Plus exposé à ses ennemis naturels et au temps humide et froid, il est également devenu plus vulnérable aux maladies infectieuses et sa population a fortement diminué. La chasse au lièvre est donc déconseillée, sauf si elle garantit la durabilité de l’espèce en s’accompagnant par exemple d’une amélioration de la structure de son habitat, par la création de bandes fleuries, de jachères, de haies ou de bosquets dans les champs. Les chats domestiques en liberté et les chiens non tenus en laisse représentent également un danger non négligeable pour les jeunes lièvres.

 

Allemagne Revue de presse