Le mamba noir, l’un des serpents les plus dangereux du monde

mamba noir

Dans le monde des serpents, certains sont inoffensifs, mais d’autres n’hésitent pas à charger en cas de provocation. Et parfois, ça fait mal. Le taipan côtier australien, le cobra royal asiatique ou encore la vipère à cornes d’Afrique figurent parmi les plus dangereux. Cependant, l’un d’eux l’est peut-être encore plus : le mamba noir. Que sait-on de ce prédateur africain ?

Le mamba noir (Dendroaspis polylepis) est un serpent originaire d’Afrique subsaharienne. On le retrouve notamment en Afrique du Sud, en Namibie, en Angola, en Zambie, au Zimbabwe, en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda. Il peut mesurer jusqu’à 4,5 m de long et se déplacer à des vitesses allant jusqu’à 20 km/h. À titre de comparaison, la vitesse de course moyenne d’un humain se situe généralement entre 8 et 16 km/h.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces serpents ne tirent pas leur nom de la couleur de leur peau, qui tend à être olive ou grise, mais de la couleur bleu-noir de l’intérieur de leur gueule, qu’ils ouvrent lorsqu’ils sont menacés.

Ce serpent est par ailleurs capable de mordre plusieurs fois en une seule attaquesans avertissement et son venin est extrêmement toxique. Il affecte en effet le système nerveux, occasionnant des symptômes tels que des douleurs musculaires, des spasmes, des vomissements et des difficultés respiratoires. Il peut alors provoquer la mort en quelques heures.

Existe-t-il un anti-venin ?

Il existe un anti-venin spécifique pour le mamba noir qui est fabriqué à partir de sérum de cheval. Il s’agit d’un liquide jaune clair qui est extrait du sang de ces animaux. Lorsqu’un cheval est injecté avec des petites quantités de venin, son système immunitaire produit en effet des anticorps qui sont capables de neutraliser le venin. Ils sont alors extraits du sang du cheval et utilisés pour produire des traitements.

Photo : Mike_68/Pixabay

Source : Brice Louvet, expert espace et sciences, Sciencepost

Vipère heurtante : quel est le secret du serpent le plus rapide du monde ?

vipere heurtante

Son attaque d’une vitesse éclair fait de la vipère heurtante le serpent le plus rapide du monde. Néanmoins, contrairement aux préjugés qui lui collent à la peau, ce serpent que l’on retrouve dans presque toute l’Afrique subsaharienne et dans le sud de la péninsule arabique n’est pas un dangereux prédateur… sauf lorsqu’il se sent en danger !

Qui est la vipère heurtante, le serpent le plus rapide du monde ?

Un quart de seconde. C’est le laps de temps nécessaire à la vipère heurtante (Bitis arietans), un serpent appartenant à la famille des Viperidae, pour tuer sa proie. Cela fait d’elle le serpent à l’attaque la plus rapide du monde !

On la trouve dans presque tous les pays d’Afrique subsaharienne, ainsi que le sud de la péninsule arabique. La taille des individus varie selon leur lieu de vie. La taille moyenne est d’un mètre, et elle ne dépasse par les 1,9 mètre.

Cette espèce présente un aspect trapu, avec une tête triangulaire et un museau arrondi. Grâce à ses larges écailles, elle se déplace généralement en ligne droite, même si elle peut aussi avancer en S, comme la plupart des serpents.

Cette vipère préfère attendre ses proies en embuscade, plutôt que de les traquer. Elle se nourrit principalement de rongeurs, d’oiseaux, de grenouilles et de lézards. Et il faut le dire : face à elle, ses proies n’ont que peu de chances de s’en sortir. Une fois l’attaque lancée, ses crochets s’enfoncent alors profondément dans la chair, et peuvent même perforer du cuir !

Son nom n’est d’ailleurs pas dû au hasard : la force de l’impact est si grande que la proie meurt souvent à cause du traumatisme physique, plutôt qu’à cause du venin.

Source : GEO.fr

Sans prédateurs, les caméléons de Jackson se la pètent

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Une étude scientifique sur une espèce africaine introduite à Hawaï montre que la quasi-absence de prédation a permis aux réptiles une expression plus franche de leurs couleurs en comparaison de leurs congénères kenyans.

Le caméléon est associé dans nos esprits au camouflage : avec sa capacité incroyable à changer de couleur en un clin d’œil, il peut se fondre dans le décor en devenant vert comme les feuilles ou marron comme une branche. Mais en réalité, le besoin de se camoufler est assez secondaire. Les caméléons changent surtout de couleur selon leur humeur et les messages qu’ils veulent faire passer à leurs congénères, en arborant des robes les plus éclatantes possible quand il s’agit de se montrer impressionnant. Des chercheurs australiens ont même montré que les reptiles sont d’autant plus extravagants à l’abri du danger : ils affichent des couleurs plus vives en l’absence de prédateurs.

Les biologistes ont choisi d’étudier les caméléons de Jackson, car on en trouve sur deux territoires bien distincts. Une partie de cette espèce vit toujours dans les forêts d’altitude au Kenya et en Tanzanie, d’où elle est originaire, tandis qu’un autre groupe a été introduit sur l’île d’Oahu, à Hawaï, en 1972. Arrivés par bateau pour être vendus à des amateurs de reptiles, ces beaux caméléons verts à trois cornes se sont dispersés sur l’île et se sont rapidement reproduits. «Sur Oahu, il y a peu de prédateurs potentiels de caméléons», expliquent les chercheurs dans leur étude, parue ce mercredi dans Science Advances. «Il n’y a pas de serpents ni de rapaces mangeurs de lézards», et très peu d’autres oiseaux susceptibles de s’intéresser à ces bêtes de 30 centimètres de long, «tandis qu’au Kenya ils sont chassés par un ensemble d’oiseaux, de serpents et occasionnellement de mammifères». Dans ce paradis pour caméléons qu’est Oahu, la quasi-absence de prédation a-t-elle permis une expression plus franche de leurs couleurs ? C’était l’hypothèse que voulaient tester les chercheurs australiens, et ils n’ont pas lésiné sur les moyens pour le vérifier de façon scientifique.

Des chercheurs australiens ont mis en scène l’affrontement de deux caméléons de Jackson mâles. A gauche, le mâle dominant en couleurs vives d’apparat. A droite, le mâle perdant en couleurs ternes de subordonné. (Photo Martin J. Whiting, Macquarie University)

Ils se sont rendus à Hawaï et au Kenya pendant la saison de reproduction des caméléons, en 2006, et ont cueilli quelques individus dans les forêts tropicales avec des perches de six mètres de long. Ils leur ont installé un petit laboratoire de branches et de feuillages ressemblant à leur environnement naturel, et les ont placés en situation avant de mesurer la réflectance de leur peau (la quantité de lumière réfléchie) avec un spectrophotomètre et une source de lumière toujours identique. La réflectance de leurs couleurs a été mesurée en plusieurs endroits de leur corps : à la base de la queue, au milieu du flanc, en haut du flanc et dans leur cou.

La couleur reflète l’issue de l’interaction sociale

Place au spectacle ! Pour la première mise en scène, les chercheurs ont posé sur les branches deux mâles, face à face. Ils n’ont pas tardé à endosser leurs couleurs d’apparat pour se provoquer : un éclatant vert pomme, tirant sur le jaune vif au milieu du flanc et dans le cou. Les mâles s’affrontent, entremêlant leurs cornes comme de jeunes cerfs fougueux, et à mesure que s’établit le rapport de domination, le caméléon le plus faible change de couleur. Il délaisse les teintes vives et passe progressivement aux couleurs du subordonné, d’abord un vert plus sombre puis une robe marron terne. Les mesures de réflectance sont sans appel : quelle que soit la zone du corps, les couleurs des caméléons hawaïens sont plus vives (elles reflètent plus de lumière) que celles des caméléons kenyans.

réflectance

Une autre mise en scène impliquait un mâle et une femelle pour un exercice de séduction. Là aussi, l’issue de l’interaction sociale s’affiche sur la peau des reptiles, puisque la femelle devient vert foncé lorsqu’elle choisit de rejeter son prétendant, et là aussi, les couleurs étaient plus vives chez les caméléons d’Oahu. Deux autres tests des chercheurs australiens simulaient la rencontre d’un caméléon et d’un prédateur : ils ont agité au-dessus du reptile un serpent et un rapace factices (mais hyperréalistes) et l’ont vu enfiler sa tenue de camouflage avec des motifs contrastés imitant le feuillage. Là encore, les caméléons africains étaient plus discrets que leurs copains des îles.

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Contraste de luminosité (en ordonnée) entre les caméléons de Jackson et leur environnement, selon qu’ils viennent d’Hawaï ou du Kenya (en abscisse). Le tableau à gauche montre les mesures des interactions sociales (affrontement et séduction) tandis que celui de droite montre les rencontres avec un prédateur. (Whiting et al, Science advances, 2022)

Contraste et luminosité

La réflectance de la peau est une information intéressante, mais pas suffisante en elle-même, car qui nous dit que la végétation d’Oahu n’est pas elle aussi plus claire que celle des forêts africaines ? Dans ce cas, les caméléons îliens ne paraissent pas plus flashy quand ils sont dans leur environnement naturel, et la démonstration est ratée. Il faut donc aussi prendre en compte l’aspect de leurs forêts respectives, et mesurer le contraste de couleur et de luminosité entre les caméléons et les feuilles en arrière-plan. Mieux encore, les chercheurs ont simulé le système visuel des serpents et des oiseaux pour calculer le contraste vu par leurs yeux, différents des nôtres. Les résultats sont restés nets : le contraste entre le caméléon et le fond feuillu est plus prononcé chez les Hawaïens que chez les Africains.

Les biologistes ont donc pu conclure que les caméléons hawaïens se montrent à la fois plus voyants quand ils sont entre eux, en situation sociale d’affrontement et de séduction, et moins «cryptiques» (camouflés) face à des prédateurs. Après cinquante ans passés sur l’île d’Oahu, libérés de la crainte d’être chassés, les caméléons de Jackson se sont adaptés et ont délaissé la discrétion pour concentrer leurs efforts chromatiques sur les activités les plus importantes de leur vie : se bagarrer et draguer.

photo : Une partie des caméléons de Jackson vit dans les forêts d’altitude au Kenya et en Tanzanie, d’où elle est originaire, tandis qu’un autre groupe a été introduit à Hawaï en 1972. (Matthijs Kuijpers/Biosphoto)

Libération/Camille Gévaudan/11 mai

Un reptile sur cinq est menacé d’extinction

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L’étude publiée est une évaluation globale du risque d’extinction des reptiles, réalisée sur « plus de 15 ans » et co-signée par une cinquantaine d’auteurs, épaulés dans la collecte d’informations par des centaines de scientifiques répartis sur six continents.

Un reptile sur cinq dans le monde est menacé d’extinction, révèle le 27 avril 2022 une étude publiée dans la revue Nature, portant sur plus de 10.000 espèces existantes de tortues, crocodiles, lézards ou serpents. Cette même étude fait ressortir que les efforts de protection visant d’autres animaux « à poils ou à plumes » bénéficient aussi aux reptiles et ces derniers « méritent la même attention« , souligne Bruce Young, zoologiste en chef pour l’ONG NatureServe et co-auteur de l’article paru dans Nature. « Ce sont des créatures fascinantes qui jouent un rôle indispensable dans les écosystèmes de la planète« , prédateurs d’espèces nuisibles ou proies pour des oiseaux et autres animaux, insiste son collègue Sean O’Brien, président de NatureServe, cité dans un communiqué.

Une étude menée sur six continents

L’étude publiée est une évaluation globale du risque d’extinction des reptiles, réalisée sur « plus de 15 ans » et co-signée par une cinquantaine d’auteurs, épaulés dans la collecte d’informations par des centaines de scientifiques répartis sur six continents, ont expliqué trois des rédacteurs lors d’une conférence de presse. Les espèces « menacées » sont classées dans trois catégories : « vulnérable », « en danger » ou « en danger critique » selon la classification de la liste rouge de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’une des principales ONG dans ce domaine.

L’étude montre que les reptiles sont proportionnellement moins menacés au niveau mondial que les mammifères ou les amphibiens mais davantage que les oiseaux. Certaines régions sont plus exposées : le sud-est de l’Asie, l’Afrique de l’Ouest, le nord de Madagascar, le nord des Andes, les Caraïbes. Et les reptiles vivant dans les forêts sont les plus menacés : 30% d’entre eux, contre 14% de ceux qui vivent en milieu aride.

« La perte de l’habitat (…) continue d’être la principale menace« , souligne Neil Cox, de l’UICN. Parmi toutes les espèces étudiées, les tortues et les crocodiles sont encore plus particulièrement concernés, victimes de surexploitation et de persécution. Source de nourriture et victimes des croyances liées à leurs vertus médicinales, elles sont aussi capturées pour devenir des animaux domestiques pour les premières. Mais aussi chassés pour leur dangerosité pour les seconds. Autre exemple : le cobra royal, animal iconique, qui était répandu en Inde et dans le sud-est de l’Asie. « On soupçonnait qu’il était en déclin, il est maintenant classé comme vulnérable« , note Neil Cox. Il est pénalisé par la disparition de la forêt dans laquelle il vit, à cause de l’exploitation des forêts ou de leur conversion en terres agricoles.

Ces serpents de mer ne s’attaquent pas aux plongeurs, ils leur font la cour

serpent de mer

Un serpent de l’espèce Aipysurus laevis photographié dans la Grande barrière de corail.

Jeffrey Rotman / Biosphoto / Biosphoto via AFP

 

Par Anne-Sophie Tassart le 24.08.2021

Certains mâles Aipysurus laevis s’attaquent, sans raison apparente, à des plongeurs. Des chercheurs australiens ont tenté de comprendre cet étonnant comportement

Les serpents marins mâles de l’espèce Aipysurus laevis s’attaquent parfois aux plongeurs. Mais si leurs intentions étaient mal comprises ? C’est ce que supposent des chercheurs australiens qui ont avancé, le 19 août 2021 dans la revue Scientific Reports, une explication pour le moins étonnante.

L’humain, trop gros pour être une proie

Les plongeurs qui visitent les récifs coralliens tropicaux ne sont pas tranquilles : nombreux sont ceux qui rapportent avoir été attaqués, sans raison apparente, par des serpents de l’espèce Aipysurus laevis. Ils nagent directement vers les plongeurs, en effectuant des zigzags rapides, et s’enroulent parfois autour des membres puis mordent, expliquent les chercheurs. Ils sont extrêmement venimeux. Mais quelle mouche les pique ? Voient-ils en l’humain une proie potentielle ? Les biologistes n’y croient pas. « Comprendre les causes de telles ‘attaques’ présente un intérêt à double titre. Premièrement, pourquoi un serpent en liberté s’approcherait et mordrait une personne qui ne l’a pas harcelé, et qui est trop grosse pour être une proie ?« , s’interrogent-ils. « Deuxièmement, comprendre le contexte de ces approches pourrait suggérer comment les plongeurs devraient réagir à l’approche rapide d’un serpent potentiellement mortel« . Une information intriguait les chercheurs : les attaques de ces serpents sont plus fréquentes en période de reproduction. Ils ont donc mené une étude au large de la côte est de l’Australie, au sein de la célèbre Grande barrière de corail. Grâce à 188 plongées, ils ont pu réaliser des observations de cet étonnant comportement.

Des comportements liés à la parade nuptiale

« Nos données confirment les rapports selon lesquels les serpents de mer Aipysurus laevis s’approchent souvent des plongeurs et que ce comportement est particulièrement courant pendant la saison des amours et est présenté principalement (mais pas exclusivement) par les mâles« , remarquent les chercheurs. Les auteurs de cette nouvelle étude ont donc développé une nouvelle théorie : ces reptiles « attaquent » les humains car ils se trompent sur leur identité. Il est probable que les mâles voient dans le plongeur un rival… ou une femelle. En effet, ils ont adopté certains comportements – par exemple ils s’enroulent autour d’un membre – propres à la parade nuptiale de cette espèce. « Les approches rapides et agitées des mâles, facilement interprétées comme des ‘attaques’, se produisaient souvent après qu’un mâle en train de faire la cour a perdu le contact avec une femelle qu’il poursuivait, après des interactions entre des mâles rivaux, ou lorsqu’un plongeur a tenté de fuir un mâle« , souligne l’étude. Nombreuses sont les femelles qui fuient les parades nuptiales de leur prétendant. Un plongeur qui prend peur peut donc reproduire exactement le même comportement, encourageant le serpent à poursuivre sa tentative. La meilleure stratégie lors d’une telle rencontre, est de laisser le reptile comprendre son erreur en se laissant « scanner », immobile. Tenter de fuir ce prétendant est futile, assurent les biologistes.

 

À pas de tortue, la cistude d’Europe reprend ses droits dans nos mares

Chélonien aux aguets, la cistude d’Europe barbote depuis longtemps dans les mares et cours d’eau de France. Mais l’urbanisation et l’agriculture qui détruisent prairies et zones humides ont rogné son habitat, suscitant des inquiétudes sur les possibilités de reproduction de cette jolie tortue tachetée de jaune.

Manciet (Gers), reportage

Silencieux, courbé en deux, Jean-Michel se faufile discrètement entre les joncs. De loin, Simon lui fait de grands gestes pour le guider. D’une main experte, il plonge son épuisette dans le bassin… et en ressort une tortue. Points jaunes sur tout le corps, carapace presque noire : c’est bien une cistude d’Europe. « Il faut être très discret, car la tortue entend et voit très bien. Au moindre bruit, elle disparaît dans l’eau. » Jean-Michel Catil est naturaliste chez Nature en Occitanie. Chaque semaine, il sillonne les routes du Gers à la recherche de la cistude d’Europe.

En ce lendemain d’orage, les prairies sont gonflées d’eau. Il n’est que neuf heures, le ciel est couvert mais il fait déjà chaud. Alors qu’autour de nous les champs de maïs coupent le paysage, nous nous arrêtons dans une prairie où centaurées, potentilles, trèfles, pissenlits et graminées poussent en désordre. Les grillons des marais stridulent. « C’est un beau terrain de jeu pour les animaux. Regardez ! Cette sauterelle, par exemple, n’existe que dans les Landes. Elle est bruyante, mais difficile à repérer. » De l’herbe jusqu’aux genoux, bottes aux pieds et filet à papillons en main, Jean-Michel se démène pour attraper des insectes. Ici, une libellule cordulégastre annelé. Là, une piéride du chou. Plus loin, sa cousine, la piéride du navet. « Amenez un naturaliste dans une prairie, il peut passer des heures à sauter pour observer les papillons », s’amuse Simon Rizzetto, ingénieur forestier spécialiste des zones humides, qui a rejoint l’association quelques semaines auparavant.

tortue aux sens aiguisés

Il faut être discret pour surprendre cette tortue aux sens aiguisés. © Maxime Reynié/Reporterre

Il y a seulement un an, cette prairie n’existait pas. C’était un champ de maïs. Yann Ducournau, le propriétaire a décidé de ressemer pour redévelopper la biodiversité et créer une zone de ponte pour les tortues. En dessous de la prairie, un cours d’eau, lieu de passage des loutres. Et en face, un champ, totalement labouré. « Là, il n’y a plus rien. C’est un billard pour la biodiversité », s’émeut Jean-Michel. Nous progressons encore un peu, traversons un fossé boueux. C’est à proximité de la prairie, sur la station d’épuration de la commune de Manciet, que se trouve la population de cistudes. « Nous allons bientôt proposer au propriétaire de creuser une ou deux mares dans la prairie, pour proposer aux tortues un habitat plus naturel. »

Jumelles en mains, Jean-Michel et Simon scrutent la surface de l’eau. Tout le monde se tait. On plante la longue vue. Là ! Non ce n’est qu’un reflet sur un rocher. L’exploration continue quand soudain : « Ici… à droite du bouquet de joncs », chuchote Jean-Michel. Difficile pour un non-initié de repérer cette petite tête qui dépasse de l’eau. De prime abord, on pourrait la confondre avec un bout de bois. Mais les deux petits yeux semblent nous fixer de loin.

repérage des cistudes

Simon Rizzetto repère les cistudes avec ses jumelles. © Maxime Reynié/Reporterre

« Ces observations de terrain nous permettent de voir si ce sont uniquement quelques individus isolés, ou s’il y a une véritable population de cistudes. On cherche aussi à savoir si la population est viable », explique Jean-Michel. À Manciet par exemple, les naturalistes ont déjà marqué quatre individus, mais ils n’ont encore pu observer aucun jeune.

Depuis une cinquantaine d’années, Nature en Occitanie travaille à la préservation de la cistude d’Europe à l’échelle régionale. Cette espèce bénéficie en effet d’un plan national de conservation. « Il y a quelques décennies, la cistude était présente sur les deux tiers du territoire. Aujourd’hui, on ne la trouve plus que dans quelques bassins isolés, dont le Gers. » On observe ainsi le reptile dans le Centre (Brenne), en Rhône-Alpes, sur le littoral charentais, en région Aquitaine, Poitou-Charentes et sur les littoraux méditerranéen et corse.

« Peu de gens imaginent que les tortues sont des animaux sauvages. »

Cause de cette raréfaction, le rapport particulier des humains avec les tortues : « Peu de gens imaginent que les tortues sont des animaux sauvages. Quand on en voit une au bord de la route, le premier réflexe, c’est de la ramasser, l’amener chez soi, lui donner de la salade et l’appeler Caroline. » Jusqu’au XIXᵉ siècle, les tortues et notamment leurs œufs étaient appréciés en cuisine. Et plus récemment, la disparition des zones humides et des prairies a supprimé les zones de ponte, empêchant les populations de se régénérer. Entre 1960 et 1990, la France a en effet perdu 50 % de ses zones humides. Chaque année, environ 10 000 hectares de cet écosystème continuent de disparaître.

Urbanisation, agriculture (notamment culture de maïs dans le Sud-Ouest) et fractionnement des milieux sont autant de raisons qui expliquent que la cistude soit aujourd’hui placée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme une espèce « quasi menacée » de disparition. « Quand elles ne disparaissent pas, les zones de ponte et les mares sont séparées par des grandes infrastructures comme des routes ou des voies ferrées, explique Simon. Les milieux existent toujours mais ils ne sont plus fonctionnels. »

la cistude rentre la tête

Entre les mains des humains, cette cistude préfère rentrer la tête. © Maxime Reynié/Reporterre

Un, deux, trois, quatre… Une quinzaine de têtes sortent de l’eau. Dans le deuxième bassin, quatre tortues remontent lentement sur les bords. Le soleil chauffe, c’est l’heure de se dorer la pilule. Dans son épuisette, Jean-Michel a réussi à attraper une cistude. L’animal rentre la tête. « C’est une belle femelle. » Le plastron, « son empreinte digitale », est plat, sa queue est assez fine (au contraire, chez les mâles le plastron est concave pour permettre la reproduction). Ses yeux sont clairs, presque dorés. Sur sa tête et ses pattes, de multiples taches jaunes.

Simon et Jean-Michel sortent une caisse à outil. Dedans, quelques fiches, une balance, une lime et une clé à mesure. « On va lui faire une fiche d’identité », explique le naturaliste. Ses stries de croissances ne sont quasiment plus visibles, signe que l’individu est assez âgé : elle a au moins une quinzaine d’années. La balance affiche 930 grammes. « C’est la bête la plus grosse que j’ai jamais vue. C’est un record gersois », s’exclame Jean-Michel. « Elles sont bien nourries dans la station d’épuration », rit Simon. En moyenne, les cistudes pèsent entre 500 et 600 grammes. Après l’examen, c’est l’heure de la photo d’identité. Jean-Michel manipule avec précaution la carapace pour photographier le plastron. « Il faut toujours éviter de mettre une tortue sur le dos, car son poids risque d’écraser ses poumons. »

mesures de la cistude

Jean-Michel Catil mesure délicatement le reptile. © Maxime Reynié/Reporterre

Dernière étape, et pas des moindres pour les deux naturalistes, « la séance de manucure » — le marquage —, qui permettra de suivre l’évolution de la population. Une écaille de la carapace est limée pour pouvoir reconnaître la cistude et la différencier de ses congénères. « Ça vibre, elle doit se demander ce qu’il se passe, mais c’est indolore. C’est une méthode de marquage non invasive et durable. » Avec ses longues griffes, l’animal commence à s’éloigner en labourant les herbes. Il est l’heure de la replacer dans le bassin, et en quelques secondes, elle a disparu. Nous continuons pendant quelques minutes à observer les fossés à la recherche de jeunes cistudes. Sans succès, il faudra revenir une autre fois.

Le deuxième site, au bord de l’Adour, à une trentaine de kilomètres de Manciet, se prête moins à la cartographie des populations de cistudes, mais c’est un paradis pour l’observation. Sous les arbres, tout est calme. L’eau du fleuve s’écoule paresseusement. Un ragondin se laisse flotter, le museau en l’air. Et partout, où que l’on pose le regard, on voit des cistudes et des tortues de Floride, reconnaissables grâce à leurs tempes rouges. Ici, les deux animaux sont souvent en concurrence pour les places ensoleillées. « C’est une sorte de hot spot pour les cistudes du Gers. Et ici aussi, l’enjeu est de recréer et entretenir les zones de ponte. » On resterait bien plus longtemps dans cette quiétude. Mais il est déjà l’heure de rentrer.