Plus d’un million de signatures contre le commerce des ailerons, l’UE forcée de réagir

Aileron de requin

Une initiative citoyenne européenne pour interdire le commerce des ailerons de requin détachés du corps de l’animal a remporté un succès retentissant. La pétition a en effet récolté plus d’un million de signatures à travers l’UE, obligeant Bruxelles à apporter une réponse détaillée d’ici juillet. Lancée début 2020, avec le soutien de l’ONG Sea Shepherd, l’initiative avait recueilli ce mercredi 1.119.996 signatures, selon la Commission européenne. Elles ont été essentiellement récoltées en Allemagne (475.635), France (289.413) et Italie (70.688).

Bruxelles a six mois pour réagir

« Nous entendons mettre un terme au commerce dans l’UE – y compris l’importation, l’exportation et le transit – des ailerons n’étant pas naturellement attachés à l’animal », indique le texte de l’initiative. « Bien que l’enlèvement des ailerons à bord des navires de l’UE soit déjà interdit (depuis 2013) et que les requins doivent être débarqués avec l’aileron naturellement attaché, l’UE figure parmi les plus grands exportateurs d’ailerons et constitue une importante zone de transit pour leur commerce mondial », insiste-t-elle.

La pétition pointe « la rareté des inspections en mer », ainsi que « le transbordement et le débarquement illégaux d’ailerons », et réclame un nouveau règlement européen interdisant tout échange commercial d’ailerons de requins ou raies détachés du corps de l’animal.

Les promoteurs de l’initiative vont rencontrer des représentants de la Commission « dans les prochaines semaines » et la présenter au Parlement européen. La Commission a jusqu’au 11 juillet pour présenter sa réponse : proposer un nouveau texte législatif, d’autres mesures, ou ne pas agir en expliquant pour quelles raisons.

Jusqu’à 1.000 dollars le kilo

Cette initiative intervient après la décision historique adoptée en novembre au Panama par la conférence sur le commerce international des espèces menacées (CITES), visant à protéger une cinquantaine d’espèces de requins menacés par le trafic de leurs ailerons en Asie. Ce commerce, centré autour de Hong Kong, dépasse le demi-milliard de dollars par an (environ 465 millions d’euros). Les ailerons peuvent se vendre 1.000 dollars le kilo en Asie orientale pour confectionner des soupes très réputées de la gastronomie chinoise traditionnelle.

Or, « l’UE exporte près de 3.500 tonnes d’ailerons par an, pour une valeur totale d’environ 52 millions d’euros », et faute de contrôles suffisants, « personne ne peut dire combien d’ailerons sont encore débarqués illégalement en Europe », font valoir les organisateurs de l’initiative.

Il s’agit seulement de la huitième initiative citoyenne européenne à franchir le seuil d’un million de signatures provenant d’au moins 7 Etats membres, double condition pour qu’elle soit formellement étudiée par l’exécutif européen. Les précédentes initiatives réussies concernaient notamment la protection des abeilles, l’élevage en cage ou le glyphosate.

Source 20 minutes

Les lézards victimes du réchauffement climatique

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La chaleur, notamment nocturne, perturbe la gestation des femelles lézards. –

Bébés mort-nés, vieillesse prématurée… Le lézard pâtit grandement du dérèglement climatique. Dans le Massif central, à basse altitude, ces effets combinés menacent sa survie.

Avec le réchauffement climatique, les lézards peinent à garder leur sang froid. La chaleur perturbe même fortement les femelles gestantes, indique une étude publiée dans la revue scientifique Oïkos. La nuit, elles ont des difficultés à faire baisser leur température, au point que le risque de mettre bas des bébés mort-nés augmente considérablement. De même, la chaleur augmente leurs besoins en énergie, elles doivent donc manger et boire davantage. D’autres maux menacent ces reptiles : la disparition des invertébrés — leur principale source de nourriture —, la multiplication des périodes de sécheresse et la destruction de leurs habitats. Une autre étude publiée récemment dans Pnas a révélé que les petits lézards exposés aux chaleurs extrêmes présentaient des signes de vieillesse prématurée. À terme, toutes ces perturbations pourraient mener l’animal à l’extinction dans les régions du sud de la France les plus exposées aux chaleurs.

La petite espèce de lézard étudiée se nomme Zootoca vivipara. Strictement diurne, elle mesure 5 à 8 centimètres et apprécie les endroits frais et humides, comme les tourbières, les landes ou les prairies humides du nord de l’Eurasie. Son aire de répartition est immense : de la Bretagne jusqu’au Japon, en passant par la Sibérie. « En France, elle occupe les montagnes, en particulier celles du Massif central et des Pyrénées, où elle retrouve les conditions de fraîcheur qui lui sont favorables », explique Andreaz Dupoué, chercheur à l’Ifremer et spécialiste de l’animal. Mais avec le changement climatique, les scientifiques ont observé que l’espèce disparaissait à certains endroits, « notamment à basse altitude » où la température est plus élevée.

Le repos nocturne, au frais, est essentiel

Pour mieux comprendre comment l’animal répond aux changements climatiques, ils ont capturé des femelles gestantes sur le Plateau des Millevaches, dans le Limousin. Durant les deux à trois mois de gestation et jusqu’à leurs mises bas, les femelles ont été placées dans des « enceintes climatiques » au centre d’études biologiques de Chizé (CEBC), dans les Deux-Sèvres. Elles vivaient alors dans des environnements différents : plus ou moins chauds (31 °C durant 4 ou 9 heures la journée, et à 17 °C ou 22 °C durant la nuit) et plus ou moins humides (eau à volonté ou limitée). Entre mi-juillet et début août, 1 à 12 bébés lézards sont nés de chaque femelle. Les femelles ont ensuite été relâchées avec leurs petits dans leur environnement naturel

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Les chercheurs ont d’abord observé que les femelles exposées (de jour comme de nuit) à de fortes températures semblaient affamées et consommaient davantage de criquets. Une situation « problématique dans un contexte de déclin global des invertébrés », notent les auteurs. Ils ont aussi remarqué que la durée de gestation des femelles était nettement plus courte quand les températures diurnes étaient élevées. Mais ce sont surtout les chaleurs nocturnes qui « ont entrainé les effets les plus négatifs », souligne Olivier Lourdais, chercheur au CEBC. Chez ces femelles, l’amaigrissement postnatal était bien plus prononcé (et aggravé par la sécheresse) et le risque de bébés mort-nés ou d’œufs non fécondés bien plus importants (+26 %). En effet, « les moments de repos nocturne sont essentiels. L’animal a besoin de fraîcheur pour retrouver des niveaux favorables de fonctionnement métabolique. »

Préserver les habitats naturels, remède à la chaleur

Autre découverte surprenante : avec le réchauffement climatique, certaines populations de lézards naissent déjà « vieux ». Les chercheurs ont découvert dans leur génome des marqueurs de vieillesse que les générations précédentes ne présentent pas. Dans les populations exposées à des températures anormalement chaudes, « la plupart des nouveau-nés héritent de télomères — les extrémités de leurs chromosomes censés se réduire avec l’avancée en âge — déjà trop courts, ce qui suggère qu’ils sont nés physiologiquement vieux, et qu’ils ont peu de chance d’atteindre l’âge de la maturité sexuelle », explique Andreaz Dupoué, co-auteur de ce travail.

Le phénomène est cumulatif : au fil des générations, la longueur des télomères se raccourcit à mesure qu’ils sont confrontés à de nouveaux extrêmes climatiques. Au point que les chercheurs craignent que les lézards atteignent un point de bascule, où ils ne pourront plus se reproduire et sombreront simplement vers l’extinction. Une hypothèse qui pourrait expliquer les disparitions locales déjà observées.

Au-delà de Zootoca vivipara, toutes les espèces de lézards pourraient être concernées. Le réchauffement climatique à lui seul ne scellera pas le destin du reptile. « Les Landes et les tourbières, qui fournissent des microclimats frais et humides, sont des habitats favorables à ces espèces », dit Olivier Lourdais. Les animaux pourraient donc s’y réfugier. Pour préserver la biodiversité, assure le scientifique, il est indispensable de préserver des milieux et des habitats naturels diversifiés. Mais les activités humaines, notamment intensives, ont tendance à « simplifier les paysages : les haies disparaissent et les paysages sont de plus en plus ouverts et dégradés ». Résultat : pour la faune, les effets du réchauffement climatique et des sécheresses sont amplifiés par la dégradation des habitats. Depuis le XIXe siècle, près de 90 % des landes et 50 % des tourbières ont disparu en Europe avec des drainages, des mises en culture et de l’enrésinement.

L’étonnante stratégie de survie des crapauds à ventre jaune face à l’altération de leur milieu par l’humain

crapaud à ventre jaune

L’anthropisation des espaces naturels conduit à la réduction des temps de vie des crapauds à ventre jaune, une espèce protégée en France. Une récente étude sur plus de 21.000 individus met en évidence l’accélération de leur vieillissement.

Pour faire face à la mortalité accrue des crapauds adultes à cause de l’anthropisation des écosystèmes, la survie des jeunes a considérablement augmenté.

« L’intensité des activités humaines détermine la vitesse de vieillissement des animaux », explique Hugo Cayuela, premier auteur de l’étude à Sciences et Avenir. A l’heure où plus de 95% de la surface de la Terre présente des traces de l’activité humaine, des chercheurs se sont penchés sur les conséquences de cette anthropisation sur les crapauds à ventre jaune (Bombina variegata). Leurs résultats ont été publiés dans la revue The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

Reconnaissance ventrale

Ce crapaud particulier se distingue d’abord par son patron ventral jaune et noir : « c’est un peu comme sa carte d’identité », sourit le chercheur. Grâce à ces motifs uniques, les scientifiques ont identifié et étudié pas moins de 21.000 individus de 67 populations différentes. Aussi appelés « sonneurs à ventre jaune« , ces crapauds d’une dizaine de grammes détiennent le record de longévité chez les Anoures (ordre regroupant tous les crapauds et grenouilles) avec l’un des individus âgé d’au moins 28 ans !

Recrutement compensatoire

La modification des écosystèmes impacte la survie mais aussi la reproduction des crapauds. « Dans l’est de la France, certains sites de ponte ont été recouverts suite de l’empierrement des chemins« , souligne Hugo Cayuela. L’assèchement des points d’eau, la restauration des sentiers ou le passage de véhicules mécaniques représentent des menaces pour les batraciens.

En étudiant sur plusieurs années ces crapauds à ventre jaune, les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme d’évolution rare lié à l’anthropisation du milieu : le recrutement compensatoire. La surmortalité des adultes est contrebalancée par une meilleure survie des jeunes. Le vieillissement s’accélère et les générations se succèdent ainsi plus rapidement. Ce phénomène serait même d’autant plus intense que l’écosystème serait touché par les activités humaines, selon l’étude.

45% des populations étudiées diminuent

Le recrutement compensatoire avait déjà été étudié chez les plantes et chez certains animaux face à des maladies : notamment le diable de Tasmanie, sujet aux tumeurs faciales. Mais c’est la première fois qu’on constate qu’il peut apparaître en réponse à l’anthropisation. Si ce mécanisme permet à l’espèce de résister relativement bien face aux activités humaines, les chercheurs ont toutefois recensé la diminution de 45% des populations étudiées.

« Les sécheresses à répétition ont probablement aussi affecté la reproduction des sonneurs à ventre jaune », déplore le spécialiste. Les prochaines études visent donc à anticiper les conséquences du changement climatique sur les populations en fonction de leur milieu : très anthropique ou plus naturel.

Autre perspective pour les chercheurs : expliquer le recrutement compensatoire à l’échelle des bases moléculaires pour repérer une éventuelle variation dans la séquence des gènes.

Six nouvelles espèces de grenouilles miniatures cryptiques découvertes au Mexique

6 nouvelles espèces

Craugastor cueyatl, l’une des six espèces miniatures découvertes, pose sur une pièce américaine de 10 pesos de 28 mm de diamètre.

Jeffrey W Streicher, Museum d’Histoire Naturelle de Londres.

Six nouvelles espèces de grenouilles de la taille d’un ongle de pouce ont été découvertes dans les forêts du Mexique. Avec ses 13 mm de long, l’une d’elle est même la plus petite du pays.

 

Elles sont à l’aise sur une pièce de 1 centime d’euro : six nouvelles espèces de grenouilles miniatures, mesurant entre 13 et 15 mm à maturité, ont été décrites au Mexique. Ces grenouilles à développement direct émergent des œufs sous forme de grenouilles miniatures parfaites, contrairement à la majorité qui éclosent sous forme en têtards. Minuscules, elles se trouveraient tout en bas de la chaîne alimentaire forestière. « Des millions de ces grenouilles vivant dans la litière de feuilles, nous pensons qu’elles sont susceptibles de jouer un rôle extrêmement important dans l’écosystème en tant que source de nourriture pour le reste de la faune, des lézards aux oiseaux prédateurs« , expliquent les chercheurs de l’Université de Cambridge, du Musée d’histoire naturelle de Londres et de l’Université du Texas à Arlington qui ont baptisé leurs trouvailles dans la revue Herpetological Monographs.

Des espèces quasi cryptiques

« Jusqu’à présent, ces nouvelles espèces étaient passées inaperçues car elles sont petites et brunes et ressemblent beaucoup aux autres grenouilles« , explique Tom Jameson, chercheur au département de zoologie et au musée de zoologie de l’université de Cambridge, qui a dirigé l’étude. L’analyse a consisté à rassembler près de 500 spécimens de grenouilles de musées du monde entier, qui avaient été collectés au Mexique, et à utiliser de nouvelles méthodes pour déterminer les liens de parenté existant ou non entre elles. À l’aide du séquençage de l’ADN, l’équipe a d’abord trié les grenouilles en groupes en fonction de la similitude de leurs gènes. Ensuite, les scientifiques ont utilisé la tomodensitométrie pour créer des modèles 3D des squelettes des grenouilles, afin de comparer les plus petits détails physiques et repérer les infimes différences : longueur du museau, écartement des yeux, forme et taille des pattes avant et arrière, etc. Ces deux analyses croisées ont révélé six nouvelles espèces de grenouilles, confondues jusqu’alors avec d’autres espèces déjà connues.

Diversité des pattes avant de grenouilles du genre Craugastor, au Mexique. Crédit Herpetological Monographe

« Les grenouilles du groupe connu sous le nom de Craugastor sont très difficiles à distinguer, les scientifiques soupçonnaient donc depuis longtemps que d’autres espèces pourraient exister. Nous sommes vraiment ravis d’avoir ajouté six nouvelles espèces complètement nouvelles pour la science« , se réjouit Tom Jameson. Les nouvelles venues ont été nommées Craugastor bitonium, Craugastor candelariensis, Craugastor polaclavus, Craugastor portilloensis, Craugastor rubinus et Craugastor cueyatl, Le mot cueyatl signifie « grenouille  » dans la langue nahuatl, parlée dans la vallée du Mexique où cette espèce a été trouvée

L’équipe pense que la plus petite des six nouvelles est Craugastor candelariensis, dont les mâles ne mesurent que 13 mm de long. Ils ont trouvé des spécimens de Craugastor portilloensis plus petits d’1,5 mm, mais qui n’avaient pas tout à fait achevé leur croissance. Craugastor candelariensis, nouvelle détentrice du titre de la plus petite grenouille du Mexique, est loin d’emporter le titre mondial des miniatures. Les mâles adultes de Paedophryne amanuensis, une grenouille de Papouasie-Nouvelle-Guinée, sont encore plus minuscules : ils n’atteignent même pas 8 mm.

Connues sous le nom de micro-endémiques, certaines des grenouilles nouvellement découvertes peuvent voir leur aire de répartition limitée à une toute petite zone, comme le sommet d’une colline dans une certaine partie du Mexique. Cela les rend incroyablement vulnérables. « Ainsi Craugastor rubinus a été nommée d’après les mines de grenat situées à flanc de la colline où se trouve l’espèce« , précise ainsi Tom Jameson. « Malheureusement, il suffirait de l’expansion d’une mine pour que ces amphibiens soient menacées de disparition« .

Craugastor rubinus tenue par le bout des doigts d’un chercheur. Crédit : Jeffrey W Streicher, Museum d’Histoire Naturelle de Londres.

Une alliance pour les protéger

La perte d’habitat peut également résulter du changement climatique. Par ailleurs, les grenouilles sont menacées par une maladie fongique mortelle, la chytridiomycose, qui anéantit les populations d’amphibiens à travers le monde. Mais les chercheurs espèrent qu’il y a un avenir pour leurs petites anoures. Ils ont identifié des zones protégées clés dans tout le Mexique où vivent les six nouvelles espèces – et espèrent maintenant travailler avec le gouvernement et les ONG au Mexique pour relier ces zones entre elles.

« Ces grenouilles jouent potentiellement un rôle très important dans l’écosystème forestier » explique Tom Jameson. « Nous devons nous assurer qu’elles ne sont pas simplement effacées de la carte parce que personne ne sait même qu’elles sont là. »

Le micro habitat de la grenouille Craugaster rubinus, au Mexique, est menacé par l’expansion des mines de grenat. Crédit Jeffrey W. Streicher, MNHN, Londres.

Le biologiste pense qu’il reste probablement beaucoup d’autres espèces de grenouilles Craugastor à découvrir, simplement parce que personne n’a encore eu l’occasion de les rechercher. « Nous avons examiné les cartes des endroits où les expéditions originales sont allées chercher des grenouilles au Mexique, et nous en avons trouvé, à côté, des vallées entières et des systèmes fluviaux où aucun scientifique n’a jamais mis les pieds« . Et de conclure : « Parce que les minuscules grenouilles vivent dans de minuscules zones, nous pouvons être assez sûrs qu’il y a tout un tas d’autres espèces non découvertes là-bas – tout ce que nous avons à faire est d’aller les trouver. »

Un champignon tue les grenouilles dans le monde entier

Voilà quarante ans qu’un champignon parasite décime des populations entières d’amphibiens. Si certaines grenouilles sont particulièrement vulnérables, c’est la faute aux humains.

Sur les pentes du Mont Grand-Matoury en Guyane, une dizaine de naturalistes passent la forêt amazonienne au peigne fin. Ils sont guides ou conservateurs de réserves naturelles, membres de la police de l’environnement. Depuis 2012, ils se réunissent chaque année pour une battue un peu spéciale : ils cherchent des dendrobates. Des grenouilles de quelques centimètres aux couleurs vives emblématiques de l’Amazonie. L’ampleur de la tâche est frappante. Il faut scruter l’ombre humide des bois morts où vivent ces animaux. Lorsqu’une grenouille est attrapée, un naturaliste frotte un coton-tige contre le mucus luisant de sa peau. Le geste semble familier, et pour cause : il s’agit d’un test PCR. 

Grâce à cette technique, les scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Cayenne cherchent des traces du champignon parasite Batrachochytrium dendrobatidis ou BD. Celui-ci peut provoquer une maladie qui empêche les amphibiens de respirer par la peau : la chytridiomycose. Elle a déjà fait disparaître quatre-vingt-dix espèces d’amphibiens dans le monde. Une étude publiée en 2015 montre la présence du BD sur la peau de nombreux amphibiens de Guyane, dans tous les types d’environnements. En 2019, plus de 7 % des dendrobates guyanais testés étaient contaminés.

Loin de la Guyane, dans les Pyrénées, BD a été détecté pour la première fois en 2006 dans les lacs du massif de Néouvielle. Il infectait alors un dixième des individus testés. Quatre ans plus tard, plus de la moitié. À partir de 2013, la population d’amphibiens a chuté de façon vertigineuse. La chercheuse Adeline Loyau étudie ces lacs pour l’Écolab de Toulouse. Depuis 2019, elle y a trouvé une cinquantaine de têtards : le signe d’une faible reprise des naissances ?

La chytridiomycose est observée depuis les années 1980. Le champignon parasite BD a conquis la planète entière en quarante ans. Mais la contamination n’entraîne pas forcément la maladie. En Guyane, les amphibiens positifs au BD sont souvent des porteurs sains. Ailleurs dans le monde, des populations entières sont décimées. Pourquoi certaines sont-elles si vulnérables ? De la crise climatique à la disparition des planctons en passant par le rôle des élevages d’amphibiens, tour d’horizon des activités humaines néfastes pour les grenouilles.

guyanePendant des heures, les équipes des réserves naturelles de Guyane inspectent la forêt amazonienne pour surveiller l’épidémie de chytridiomycose chez les dendrobates. © Claire-Marine Selles / Reporterre

Un « cocktail toxique » de pesticides 

Plusieurs équipes scientifiques essaient de comprendre pourquoi le BD ravage certaines populations alors qu’il en épargne d’autres. Dirk Schmeller, qui travaille également à l’Écolab de Toulouse, explique qu’il faut envisager une maladie comme le sommet d’une pyramide. Quatre facteurs forment la base carrée de la pyramide et participent à l’émergence de la maladie : l’hôte, son microbiome, son environnement et enfin l’agent pathogène. 

Certaines espèces d’hôtes semblent plus vulnérables que d’autres. La chytridiomycose est apparue en 2004 dans le parc naturel d’El Copé au Panama. Parmi les 63 espèces présentes, 25 ont disparu en quelques années et 17 ont fortement décliné. Une vingtaine a survécu à l’arrivée du champignon parasite. Une récente étude d’impact montre que sur les cinq cents espèces d’amphibiens touchées par la chytridiomycose dans le monde, seuls 12 % des populations affichent des signes de reprise alors que plus d’un tiers connaissent un déclin dramatique.

la_maladieLa maladie ne dépend pas seulement de la rencontre entre un animal et un pathogène. L’environnement et tous les micro-organismes qui l’habitent jouent aussi un rôle dans l’apparition des symptômes. © Claire-Marine Selles / Reporterre

Cependant, de grandes différences peuvent être observées au sein d’une même espèce. Les dendrobates sont particulièrement vulnérables à la chytridiomycose : le nom du parasite — Batrachochytrium dendrobatidis — doit d’ailleurs son nom à une épidémie fulgurante dans un élevage américain. La santé des dendrobates de Guyane montre que d’autres facteurs expliquent l’apparition de la maladie. 

Le microbiome par exemple, comme l’a étudié l’équipe de Dirk Schmeller. Soit une interface entre l’hôte et son environnement. Comme chez l’humain, la peau des amphibiens est colonisée par des bactéries, champignons et virus. Un équilibre complexe se crée et cet écosystème infinitésimal peut être protecteur. En France, BD est présent dans de nombreux environnements mais il décime principalement des populations d’amphibiens isolées. Leur microbiome pourrait être moins efficace pour empêcher le déclenchement de la maladie, et les scientifiques les appellent les « populations naïves »

Autre motif de faiblesse : la pollution. Adeline Loyau et Dirk Schmeller ont récemment découvert un « cocktail toxique » de pesticides dans les lacs pyrénéens qu’ils étudient. Ce dernier détruit certains planctons. Or les tests réalisés en laboratoire ont montré que les planctons peuvent limiter la prolifération du champignon BD dans l’eau. Leur disparition pourrait donc favoriser le développement de la maladie. 

Une lignée de souches tueuses est apparue dans les élevages d’amphibiens

De même, le stress environnemental affecte l’état de santé des animaux. Le changement climatique entraîne son lot d’épisodes stressants — les sécheresses par exemple. Cela inquiète Mathieu Chouteau, spécialiste de l’évolution au CNRS de Cayenne : « La nature, ce sont d’innombrables interactions entre organismes, tout se tient très serré. Dès que l’on supprime une interaction, c’est une cascade incontrôlable. » Si un stress nuit au système immunitaire des amphibiens, plus rien n’arrête la chytridiomycose. Affaiblies, des populations entières tombent malades et meurent.

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L’histoire du BD est bel et bien liée aux activités humaines. Ce champignon appartient à une famille très commune. Il est naturellement présent sur la peau de plusieurs espèces de grenouilles. Une étude génétique de 2018 a identifié une lignée de souches tueuses qui apparaît et se diversifie dans les élevages d’amphibiens. La mise en contact de différentes souches du champignon aurait favorisé sa virulence, la contamination des populations très denses des élevages étant idéale pour faire émerger des variants.

Or des milliers d’amphibiens sont élevés chaque année pour l’alimentation et la recherche. En s’échappant, certains ont répandu les souches pathogènes de BD dans la nature. Le champignon a continué à évoluer et à se diversifier dans chaque environnement rencontré. En 2013, un nouveau chytride mortel pour les salamandres a été identifié en Europe. Il a été introduit par des terrariophiles des Pays-Bas. S’il a pu être détecté, c’est que la surveillance des amphibiens s’est considérablement renforcée face aux ravages de la chytridiomycose

l'élevage_d'amphibiensL’élevage d’amphibiens a favorisé l’épidémie de chytridiomycose. 90 espèces ont déjà succombé à cette maladie. © Claire-Marine Selles / Reporterre

2009 et 2012, une vaste étude épidémiologique a été menée en Europe. Depuis Montpellier, Claude Miaud et ses équipes ont fait réaliser des prélèvements dans la plupart des réserves et parcs naturels de France. En 2011, ils ont créé le site web Alerte-Amphibiens pour collecter des signalements de mortalités et maladies. Les données centralisées pendant ses dix ans d’existence sont encore en cours d’analyse. Une nouvelle plateforme devrait bientôt voir le jour.

« On nous a envoyé des photos de signes cliniques qu’on ne peut lier à rien, ce qui sous-entend qu’il y a des maladies que l’on ne connaît pas pour l’instant. Des cas de mortalités massives dans les Alpes nous ont aussi permis de découvrir le ranavirus, il n’avait pas encore été signalé en France », explique Claude Miaud. Quant au BD, il est maintenant présent sur l’ensemble du territoire, comme d’autres agents pathogènes encore méconnus. Les scientifiques surveillent l’avancée des contaminations et leur virulence mais ils demeurent impuissants face aux mortalités massives. La chytridiomycose peut être soignée en captivité et dans certains environnements très spécifiques, pas à l’échelle d’une forêt ou d’un lac. De Cayenne à Toulouse, en passant par Montpellier, les chercheurs s’accordent sur un point : la seule marge de manœuvre face aux dégâts de ces maladies émergentes, c’est de favoriser la résistance des amphibiens en protégeant leur environnement. 

Aujourd’hui, fin de l’autonomie halieutique de la France

saumon

Si les Français n’achetaient que du poisson produit localement, les rayons des supermarchés seraient désormais vides. Selon l’Aquaculture Stewardship Council (ASC) — une ONG qui œuvre pour un élevage aquacole plus durable — le lundi 2 mai 2022 marque en effet « le jour de la dépendance au poisson issu de l’importation » : malgré un immense espace maritime, « la France dépend à 66 % de l’importation pour ses produits de la mer », précise l’ONG dans un communiqué. Transposé sur une année, cela signifie qu’au-delà du 2 mai, tous les poissons consommés en France sont pêchés ou élevés à l’étranger.

Une date qui recule d’année en année, puisqu’en 2012, ce « jour de la dépendance au poisson » arrivait le 21 mai. Chaque Français consomme en moyenne 33,5 kg de poissons et crustacés par an ; en tête de nos mets favoris, le saumon, le thon et la crevette… des animaux que l’on ne trouve pas — ou peu — le long de nos côtes, et que l’on n’élève pas non plus ici. Ainsi, « chaque année, la France importe 182 000 tonnes de saumons, 140 000 tonnes de thons et 114 000 tonnes de crevettes », indique l’ASC. L’Union européenne fait venir plus de la moitié des poissons qu’elle consomme d’Asie, d’Afrique et d’autres pays du Sud, mettant en péril l’économie de nombreuses communautés locales, dépendantes de la pêche pour leur survie

Afin de réduire cette dépendance alimentaire sans accentuer la surpêche, l’ONG promeut une aquaculture « plus respectueuse de l’environnement et des droits humains ». Rejets de phosphore et d’azote, farine animale pour nourrir les poissons : l’élevage aquacole pose en effet de nombreux problèmes écologiques

Le crapaud doré, première espèce dont le réchauffement climatique a causé officiellement la disparition

crapaud doré

Le crapaud doré, une espèce d’amphibien vivant dans la forêt tropicale du Costa Rica, est le premier animal connu à avoir disparu à cause du réchauffement climatique

CLIMAT – Le crapaud doré est le premier. Ceux qui ont pu avoir la chance d’observer ce petit amphibien au coeur de la forêt nuageuse costaricaine ne l’oublieront jamais. Pour les autres il est trop tard, car cette espèce est désormais éteinte.

 Auparavant, il était possible de l’apercevoir quelques jours dans l’année, lorsqu’une armée de ces petits batraciens apparaissaient mystérieusement dans les mares de cette forêt tropicale pour se reproduire. “Le sol est très sombre et les crapauds dorés se dessinaient comme des figurines animales. C’était un sacré spectacle” au milieu des “arbres noueux, sculptés par le vent et recouverts de mousse”, raconte pour l’AFP Alan Pounds, écologue à la réserve biologique de Monteverde au Costa Rica.

Mais ça, c’était avant de constater sa disparition en 1990. Aujourd’hui, il est possible d’affirmer qu’il s’agit de la première espèce connue dont l’extinction est attribuée au réchauffement climatique. Le crapaud doré ne vivait que dans les forêts de Monteverde. “Environ 99% de sa population a été perdue en une seule année”, relate Alan Pounds, dont les conclusions sont validées par le rapport du Giec sur les impacts du réchauffement publié en février. Ce n’est donc certainement pas la dernière espèce à disparaître. 

 “Gâchette” climatique 

Même si le monde parvient à limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, ce qui représente l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, 9% des espèces de la planète pourraient disparaître, selon les experts climat de l’ONU (Giec).

Quelques autres l’ont rejoint dans la tombe, et ce n’est certainement qu’un début. Depuis son arrivée dans le pays au début des années 1980 pour étudier les amphibiens, le docteur Alan Pounds a déjà pu constater la disparition de plusieurs autres espèces, comme la grenouille harlequin de Monteverde. 

Dès lors, les chercheurs ont mis en exergue l’évolution du climat local et celle des populations d’espèces. Ils y ont vu l’influence périodique du phénomène El Nino, mais aussi des tendances durables liées au changement climatique, les déclins se produisant après des périodes inhabituellement chaudes et sèches.

S’ajoute à cela la chytridiomycose, une infection tueuse d’amphibiens. Cette dernière a joué un rôle majeur dans la disparition d’espèces selon Alan Pounds et ses collègues. Pour eux, la maladie a été “la balle, le changement climatique a appuyé sur la gâchette”. Et ce mécanisme s’observe ailleurs.

Un exemple, le melomys rubicola, petit rongeur qui vivait sur une minuscule lande de terre au large de l’Australie et que personne n’a aperçu depuis 2009. Seul mammifère endémique de la Grande barrière de corail, il n’a vraisemblablement pas survécu à la submersion de son habitat, et donc déclaré éteint en 2016.

Globalement, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime que le changement climatique est une menace pour près de 12.000 espèces, dont près de 6.000 risquent l’extinction. “C’est absolument terrifiant”, commente Wendy Foden, experte climat à l’UICN. Des négociations internationales sont en cours pour parvenir à un traité pour mieux préserver la nature, notamment en protégeant au moins 30% des terres et des océans d’ici 2030.

Mais avec le réchauffement climatique, cette protection classique n’est pas suffisante, souligne Wendy Foden. “Même les contrées sauvages les plus isolées seront affectées par le changement climatique”.

Une forêt tropicale qui devient sèche 

A Monteverde, même les nuages ont changé. Les précipitations ont augmenté dans cette région ces 50 dernières années mais elles sont devenues plus erratiques, alternant entre périodes très pluvieuses et périodes très sèches, souligne pour l’AFP Alan Pounds.

Dans les années 1970, cette forêt comptait environ 25 jours secs par an en moyenne, contre environ 115 ces dix dernières années. De plus, le brouillard qui enveloppait la forêt pour conserver l’humidité pendant la saison sèche, donnant son nom à cette “forêt nuageuse”, s’est réduit d’environ 70%. “Souvent, ça ressemble plus à une forêt de poussière qu’à une forêt de nuages”, regrette le docteur.

Des recherches continuent d’être menées pour espérer retrouver une trace du crapaud doré, puisqu’une équipe de conservationnistes s’est lancée l’an dernier sur ses traces dans son habitat historique de la “forêt éternelle des enfants” au Costa Rica. Mais l’espoir semble perdu. Comme l’affirme Alan Pounds, “avec chaque année qui passe, il semble de moins en moins probable qu’il réapparaisse”. 

De nouvelles vues sur la souffrance des poissons

poissons

Une raie qui agonise, bouche ouverte, sur le pont d’un bateau de pêche ; un petit requin qui se tord dans ses derniers instants ; des lieus aux yeux exorbités par la décompression, écrasés par des milliers de congénères… Qui pourraient-ils émouvoir ? Pas les pêcheurs en tout cas qui piétinent dans une indiérence manifeste l’épais tapis tressautant de poissons et de crustacés, tout juste sortis de l’océan. Ceux qui ne valent pas la peine d’être commercialisés seront poussés moribonds vers un sas d’évacuation, à coups de pied.

Ces images tournées en 2021 par une ONG allemande, Soko Tierschutz, à bord de deux chalutiers, un normand et un britannique, montrent les marins en train d’éviscérer des poissons, d’arracher des pinces aux araignées de mer, de découper les ailes de raie, tous remuant encore. Après tout, la plupart de ces animaux ne sont-ils pas voués à « nir dans nos assiettes, tout à fait morts ? Il n’empêche, l’association L214 livre aujourd’hui ce témoignage pas si fréquent, qui interroge. Est-ce d’être capturée loin de tout regard qui vaut ce traitement à la faune marine, encore plus loin des yeux des consommateurs que les cochons dont l’association dénonce régulièrement les conditions d’élevage et d’abattage ?

Dans l’Union européenne, les truites des bassins piscicoles, les saumons encagés dans des #ords visibles de la côte ont droit à des mesures de protection au nom du bien-être animal, au moins au moment de leur abattage, où ils sont censés être étourdis préalablement. Rien de tel pour la pêche. Le règlement européen de 2009 sur le traitement des bêtes ne se penche pas sur les poissons sauvages, mais ne les exclut pas non plus du principe général selon lequel :
« Toute douleur, détresse ou sourance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes. »

Récepteurs de la douleur

Qui se soucie de la sourance des congres, des thons, des poulpes ? A l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’étude du bien-être animal est axée sur la santé des espèces d’aquaculture et la bonne tenue des stocks halieutiques. La question de savoir si le chalutage de fond est ou non le mode de pêche le plus cruel n’est pas de mise.

Pourtant, des chercheurs progressent dans leurs découvertes sur les comportements de la faune marine, la mémoire des poissons injustement moquée, leurs formes de socialisation, le sens de l’orientation des grands migrateurs. L214 a demandé à la biologiste Lynne Sneddon (université de Göteborg, Suède) de commenter son « lm. Cette pionnière, qui a montré l’existence de récepteurs de la douleur chez des poissons, estime qu’à terre « personne n’accepterait ce genre de traitement pour les vaches, les porcs, les moutons ou les poulets ».

Les poissons comptent si peu que nul ne les comptabilise. La FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture recense des tonnages, pas des centaines de milliards d’individus sortis de l’eau. Les rejets colossaux des prises non vendables sont inconnus, comme le nombre de requins passés par-dessus bord sans leurs nageoires. Impossible de connaître l’ampleur du gaspillage mondial.

Progrès technologique

La pêche – activité aussi vieille que l’appétit des humains pour la chair fraîche – devrait-elle changer ses façons de faire parce que les consciences évoluent, que le régime végétarien progresse, ou se contenter de dénoncer une sensiblerie accrue ? Attentive à limiter le récit de ce qui se passe à bord, elle n’est plus à l’abri de tout regard. Elle n’échappe pas non plus au mouvement d’opinion. La pétition lancée en 2013 par l’association Bloom pour exiger la « n du chalutage en eau profonde dans l’Atlantique Nord-Est avait atteint un record de

900 000 signatures. Assez pour obtenir, trois ans plus tard, un répit pour le grenadier de roche et le sabre noir des grands fonds.

Les progrès de la technologie jouent à la fois en faveur d’un secteur devenu industriel et de ses détracteurs qui en tirent des images édi »antes. Ainsi, début février, Sea Shepherd a « lmé une immense tache claire composée de dizaines de milliers de merlans bleus dans le sillage d’un chalutier géant néerlandais, Le Margiris. Ces 3 000 mètres carrés de poissons morts $ottant à la surface – présentés comme un accident de chalut – donnent à voir à quelle échelle ce genre de bateaux-usines opère.

Les militants de Sea Shepherd se trouvaient ce jour-là au large du golfe de Gascogne pour documenter les raisons de l’hécatombe de dauphins communs. Ceux-ci arrivent chaque hiver sur les côtes françaises, victimes « accessoires », selon l’expression consacrée, des kilomètres de « lets déployés en travers du golfe ou tirés entre deux navires. La vision des carcasses échouées sur les plages dérange d’autant plus lorsqu’il s’agit de cétacés apparemment en pleine forme mais marqués de coups de gae. En réponse, la majorité des pêcheurs refuse de se plier à la déclaration – obligatoire – des prises accidentelles, d’entendre parler de caméra embarquée et encore moins de fermeture temporaire d’une zone de pêche critique.

Le secteur échappera-t-il longtemps à la force des images ? Celles-ci viennent même de l’espace. Ainsi l’ONG Global Fishing Watch est-elle née du partenariat de Google avec la coalition écologiste Oceana et les développeurs informatiques de SkyTruth. Ensemble, ils ont développé un outil de surveillance de l’activité des bateaux qui surpêchent en haute mer ou braconnent devant les côtes de pays manquant de moyens pour défendre leurs eaux. Sur son site, SkyTruth avertit pourtant : « Si vous pouvez le voir, vous pouvez le changer. »

Martine Valo/Le Monde 26 février

L’incroyable histoire du crapaud-buffle d’Australie, devenu cannibale en quelques décennies

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Ces amphibiens dévorent tout et n’ont que peu de prédateurs… sauf eux-mêmes. Depuis quelques dizaines d’années, les grands têtards gobent les plus petits, qui en viennent à déployer une stratégie évolutive pour échapper à la voracité de leurs aînés.

Le cannibalisme n’a pas très bonne réputation. En dehors de lecteurs compulsifs, de sportifs sur-performants ou d’enfants affamés, le terme « cannibale » tient rarement du compliment. Loin de nous l’idée de réhabiliter ici cette pratique dite contre-nature. Simplement, il convient de rappeler que, dans la nature, justement, l’exercice n’a rien d’exceptionnel et qu’il cache parfois des phénomènes évolutifs tout à fait passionnants.

Les scientifiques considèrent qu’au moins 1 500 espèces goûtent leurs congénères, aux deux sens du terme. Pour certaines espèces de mantes, de criquets, d’araignées, il s’agit là d’une conclusion optimale de l’acte copulateur. Pour de nombreux poissons, insectes ou même mammifères, une façon de doper la croissance d’une partie de l’espèce. Lors de la mise bas, la charmante femelle hamster doré, par exemple, une fois dévoré le cordon ombilical, poursuit son action lorsqu’un de ses petits lui semble trop inactif : le geste contribuerait à la sélection des plus résistants. Même constat chez certains requins où les premiers-nés peuvent croquer les derniers embryons. Ailleurs, comme chez les abeilles, le cannibalisme, notamment des larves, peut devenir un dernier recours, une solution pour les années de disette.

Puissant venin

Comment en arrive-t-on là ? Une étude publiée le 23 août dans les Comptes-rendus de l’Académie des sciences américaine (PNAS)apporte des indications précieuses. Des scientifiques australiens et français ont pu observer l’apparition du phénomène en quelques décennies – un claquement de doigts à l’échelle de l’évolution – et en caractériser la nature en laboratoire. Au passage, ils rappellent les ravages qu’a pu constituer l’introduction d’espèces invasives à travers le monde.

Natif d’Amérique du Sud, le crapaud-buffle (Rhinella marina) n’avait a priori rien à faire en Australie. Mais, au cours des années 1950, des producteurs de canne à sucre y ont vu une réponse à l’invasion de scarabées qui frappait leurs plantations. Opération réussie côté coléoptères. Mais le vorace amphibien ne s’est pas arrêté là. Il s’est mis à avaler tout ce qui passait à sa portée, d’autres insectes mais surtout d’autres amphibiens. Pire, le venin puissant qu’il sécrète a décimé ses prédateurs – serpents, varans, lézards, mais aussi poissons et insectes qui gobent les œufs – qui n’ont ni appris à les reconnaître ni pu acquérir des défenses antipoison. Les autorités cherchent en vain une réponse à cette catastrophe. L’animal pourrait leur offrir un petit coup de main.

Car les scientifiques ont constaté que, devant ce qui ressemble à une surpopulation, les crapauds-buffles s’attaquent à leurs congénères. Plus précisément, les têtards déjà développés prennent pour cibles leurs petits cousins tout juste éclos et encore peu mobiles. Un comportement exceptionnel. « De nombreux têtards de grenouille mangent n’importe quel œuf de grenouille, y compris de leur propre espèce, précise Simon Ducatez, chargé de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD, Tahiti) et cosignataire de l’article. Mais, chez le crapaud-buffle, nous observons un comportement ciblé. » Au laboratoire, les cannibales boudent ainsi non seulement les pièges vides mais aussi ceux contenant de grands têtards ou de jeunes têtards d’une autre espèce pour se concentrer sur leurs petits conspécifiques (1).

« Course aux armements »

Le constat apparaît « déjà remarquable en soi », réagit Annemarie Ohler, du Muséum national d’histoire naturelle. Mais les scientifiques ont fait mieux : avec les mêmes expériences, ils ont constaté l’absence de tout cannibalisme chez les crapauds-buffles vivant dans leur zone d’origine, en Amérique du Sud, où leur densité est dix fois plus faible. En quelques décennies, l’amphibien a donc évolué et acquis un comportement cannibale… mais aussi développé une réponse à ce comportement. En effet, les chercheurs ont constaté que, chez les envahisseurs, le stade vulnérable, entre l’éclosion et la première alimentation, a été sensiblement réduit. Une « course aux armements » classique entre proies et prédateurs, sauf qu’elle se joue ici à l’intérieur même d’une espèce.

Ce cannibalisme ne conduira pas à l’autodestruction de l’amphibien, souligne Simon Ducatez. Mais une certaine régulation est envisageable. D’autant qu’une nouvelle méthode de piégeage du crapaud-buffle a été inventée. Elle cible les têtards cannibales. On en devine l’appât.

Nathaniel Herzberg

Le Monde

1: conspécifiques: Deux ou plusieurs organismes, populations ou taxons sont dits conspécifiques s’ils appartiennent à la même espèce : le concept biologique associé est la conspécificité. L’antonyme en est l’hétérospécificité, pour des individus dits « hétérospécifiques » lorsqu’ils appartiennent à des espèces différentes. Wikipédia

 

La chocogrenouille existe dans la vraie vie, elle s’appelle Litoria mira

une grenouille chocolat

Une grenouille couleur chocolat a été découverte dans les marais de la forêt tropicale de Nouvelle-Guinée.

Par Quang Pham

STEVE RICHARDS Queensland Museum, Griffith University, South Australian MuseumLa grenouille chocolat peut être trouvée dans les marais de la forêt tropicale de Nouvelle-Guinée

GRENOUILLE – Elle semble tout droit sortie de l’univers de “Harry Potter”, une grenouille couleur chocolat a été découverte dans un marais de la forêt tropicale de Nouvelle-Guinée selon un article publié le 20 mai dans l’Australian Journal of Zoology par des chercheurs du Museum de Queensland Museum et l’Université de Griffith.

Litoria mira, le nom donné par les scientifiques à cette nouvelle espèce, n’est pas une friandise pour sorciers mais une grenouille arboricole, sa plus proche cousine est la rainette de White qu’on retrouve notamment en Australie comme l’explique Paul Oliver, chercheur au Queensland Museum et l’Université de Griffith.

“Les deux espèces ont l’air similaires excepté qu’une est d’habitude verte tandis que cette nouvelle espèce possède une charmante couleur chocolat”, décrit le chercheur. Il existe également d’autres différences, la grenouille chocolat est plus petite et possède une petite tache violette au bord des yeux.

Une découverte surprenante

La zone où la grenouille a été découverte est assez peu hospitalière pour les êtres humains, ce qui peut expliquer pourquoi les scientifiques n’avaient pas eu auparavant connaissance de cette espèce estime Steve Richards, un des auteurs de l’étude auprès du journal australien Manning River Times.

“Elle est marécageuse, il y a beaucoup de moustiques porteurs du paludisme, la zone est inondée et il n’y a pas énormément de routes”, détaille Steve Richards. Le chercheur a même dû s’enfuir pour échapper à un essaim de frelons géants le jour exact où il faisait la découverte de la grenouille chocolat. “C’est vraiment un endroit désagréable pour travailler” se remémore-t-il.

Les chercheurs pensent que la grenouille chocolat pourrait être assez répandue en Nouvelle-Guinée. Le nom scientifique de la grenouille est une référence à la surprise qu’ont ressenti les scientifiques a sa découverte, affirme Paul Oliver dans un communiqué.

Le nom “mira” a été donné à cette grenouille car il “signifie ‘surprise’ ou ‘étrange’ en latin, parce qu’il était surprenant de découvrir une parente d’une espèce commune et bien connue en Australie de grenouille arboricole vivant au fin fond de la forêt tropicale de Nouvelle-Guinée”, explique le chercheur.