Le renard en 10 idées reçues

10 idées sur le renard

1/ Il est apparenté au chien : VRAI

Comme lui, le renard fait partie de la famille des canidés, même si sa silhouette fine et son agilité rappellent volontiers celle des félidés. Il présente d’ailleurs, comme le chat, une pupille fendue verticalement et des vibrisses – ces moustaches qui servent à repérer les obstacles – développées. Mais la ressemblance s’arrête là. « Côté dentition, le renard et le chien ont des molaires aplaties pour broyer et mastiquer toutes sortes de nourriture, ce qui n’est pas le cas du félin », pointe Géraldine Véron, zoologiste et professeure au Muséum national d’histoire naturelle.

2/ La forêt est son milieu de prédilection : FAUX

« Il s’adapte à tous les environnements, même aux zones urbanisées, objecte le biologiste suisse Jean- Steve Meia, auteur du livre Le Renard (éd. Delachaux et Niestlé). Pour se reposer, il choisit des endroits protégés, en lisière par exemple. » Il aime se cacher dans les terriers. Mais c’est un piètre excavateur. Il préfère donc emprunter les galeries creusées par des blaireaux ou des lapins. « Il se cache aussi dans les fossés ou sous des bâtiments, ajoute Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). En 2015, une femelle, suivie dans l’Oise grâce à un collier GPS, avait mis bas dans une grange, dans le godet d’un tracteur.

3/ C’est un animal solitaire : FAUX

Si le renard chasse généralement seul, il vit en couple, voire en petit groupe familial. Selon la disponibilité des ressources, plusieurs individus peuvent occuper un même territoire, qui varie entre quelques dizaines et quelques centaines d’hectares. En zone montagneuse, celui-ci peut être plus important, mais en ville, où la nourriture abonde, il peut rétrécir. Selon une étude britannique, Londres – où les habitants sont plus enclins à leur donner à manger qu’en France – abriterait ainsi 18 renards au kilomètre carré.

4/ Il mange les poules : VRAI

Mais c’est loin d’être son alimentation principale. Le renard est omnivore et a besoin de 500 à 700 grammes de nourriture par jour. Il adapte donc son régime alimentaire à ce qu’il trouve : des rongeurs, des oiseaux nichant au sol, des lapins, mais aussi des baies, des champignons, des coléoptères ou même des charognes… C’est un opportuniste, et c’est bien cela qu’on lui reproche. « S’il pleut, il va opter pour des vers ; s’il passe devant un champ, il chassera les campagnols ; devant une poubelle, il mangera les restes de pizza… Et s’il voit une brèche dans un poulailler, il va s’introduire, souligne Jean-Steve Meia. Une poule représente beaucoup de nourriture pour peu d’efforts. Il pourra d’ailleurs la stocker quelque part et revenir plus tard. »

6/ Son activité est nocturne : VRAI

Le biologiste Jean-Steve Meia a suivi des renards dans le Jura suisse. Durant la journée, ceux-ci n’étaient actifs que 9 % du temps. La nuit, en revanche, ils pouvaient s’activer durant huit heures et demie, dès le crépuscule. « Mais dans les endroits qui sont préservés du dérangement humain, certaines îles notamment, ils semblent r épartir plus uniformément leur activité sur vingt-quatre heures », tempère le spécialiste. Une fois encore, le canidé s’adapte. Parmi ses atouts : une bonne vision dans l’obscurité, grâce notamment à une membrane appelée Tapetum lucidum, qui tapisse le fond de son oeil et réfléchit la lumière. Et, surtout, son ouïe et son odorat très fins lui permettent de repérer ses proies même quand la visibilité est réduite.

7/ Il est silencieux : FAUX

Aboiements, grognements, gémissements, caquètements… Des chercheurs britanniques ont montré qu’il disposait d’une vingtaine de cris différents pour communiquer avec ses congénères, en particulier pour prévenir ses petits du danger ou attirer une partenaire pendant la reproduction. Dans ce cas, c’est même un cri très strident. D’autres sont parfois confondus avec des hululements de chouette.

8/ C’est un nuisible : VRAI et FAUX

Il est officiellement considéré comme tel par arrêté ministériel. Celui-ci dresse, tous les trois ans, la liste des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (qu’on appelait autrefois des nuisibles). On lui reproche, en vrac, d’attaquer les élevages avicoles, de transmettre des maladies ou d’attenter à certaines espèces sauvages. « Des oiseaux, comme les passereaux ou les perdrix grises, déjà fragilisés par l’agriculture intensive, sont la proie des renards quand ils nichent le long des chemins », note Willy Schraen. Conséquence de ce classement : excepté dans sept départements, le renard peut être tiré pendant la période de chasse, de septembre à fin février, et piégé toute l’année. Selon la FNC, cela représente plus de 430 000 canidés tués par an. Une hérésie pour l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), qui argue son rôle d’allié des agriculteurs : « Chaque année, un renard est en effet capable d’attraper jusqu’à 6 000 petits rongeurs qui détruisent les cultures. »

9/ Sa population augmente : FAUX

l est très difficile de connaître le nombre exact de renards en France. Les dernières estimations de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – devenu l’Office français de la biodiversité – datent de 2014 et évoquent une densité moyenne, assez stable, comprise entre 0,45 et 1,49 renard au kilomètre carré. « Il y a un phénomène d’autorégulation, indique Jean-Steve Meia. La fertilité des femelles s’adapte au nombre d’individus sur un même territoire et à la disponibilité de la nourriture, de sorte que les portées varient de deux à six renardeaux. Lorsqu’ils sont trop nombreux, la gale, maladie parasitaire très contagieuse, peut aussi décimer toute une population. » Pas suffisant pour la FNC, qui estime qu’il reste nécessaire de les chasser. La zoologiste Géraldine Véron nuance : « Dans les zones où il n’est pas régulé, comme dans le canton de Genève, on n’observe pas d’explosion des populations. » Outre les chasseurs, les prédateurs du renard sont les oiseaux de proie et les loups. Les collisions avec des véhicules leur sont aussi fatales.

10/ Il transmet la rage : FAUX

Le dernier renard porteur de rage a été recensé en 1998, et la maladie a officiellement disparu de l’Hexagone en 2001. En revanche, le canidé peut transmettre de façon indirecte l’échinococcose alvéolaire, une maladie grave du foie véhiculée par un ver. Celui-ci colonise l’intestin du renard mais aussi celui du chien. Disséminés dans les selles, les oeufs du ver sont ensuite susceptibles de souiller plantes ou baies sauvages. « Mieux vaut donc éviter de mettre de l’herbe à la bouche ou de ramasser des mûres trop près du sol, remarque Willy Schraen. Prenez aussi cinq minutes pour laver les fraises des bois et les champignons. » Bon point pour le renard : selon une étude publiée en 2017 sur le site de The Royal Society, en régulant les populations de rongeurs, porteurs de tiques, l’animal réduit les risques de transmission de la maladie de Lyme.

Le renard, tué toute l’année, doit-il rester classé espèce nuisible ?

Renard-roux

Des associations de protection de la nature estiment que les dommages causés par l’animal, considéré comme « susceptible d’occasionner des dégâts » dans 91 départements, sont surestimés.

Opportuniste et pilleur de poulailler : sa mauvaise réputation lui colle à la fourrure. Comptant parmi les espèces chassables de juin à mars en tant que « gibier sédentaire », le renard peut également être tué par différents moyens tout au long de l’année dans les 91 départements où il est classé « espèce susceptible d’occasionner des dégâts » (ESOD).

Une pression continue sur ce prédateur que des organisations de protection de la nature voudraient réduire. Pour Marc Giraud, naturaliste et porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), l’animal subit une persécution. « Notre objectif est de changer le statut du renard pour qu’il soit considéré comme gibier et prélevé seulement durant la période de chasse. » Sans le statut de nuisible, l’animal ne pourrait plus être tiré de jour comme de nuit, déterré de son terrier par les chiens de chasse, piégé…

L’association a remporté une victoire locale jeudi 31 mars. Le tribunal administratif de Rouen, saisi par l’Aspas, Agir pour le vivant et les espèces sauvages (AVES France) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), a annulé un arrêté du préfet de Seine-Maritime qui avait autorisé l’abattage de 850 renards en 2020. « Ce qui est intéressant, c’est la jurisprudence qui émerge, a réagi Richard Holding, chargé de communication à l’Aspas. Maintenant, dès qu’on attaque, on est sûrs de gagner. »

Autorégulation de l’espèce

Les défenseurs du renard accusent les chasseurs de surestimer les nuisances causées par l’animal et rejettent les arguments avancés par la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et les différentes commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) chargées d’appliquer ou non la classification d’ESOD. Selon les autorités, divers motifs justifient sa présence sur cette liste : la protection de la faune et la flore, l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, la prévention de dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles… En Seine-Maritime, le préfet avait mis en avant, pour justifier son arrêté, « la prédation de cette espèce sur le petit gibier, plus particulièrement les perdrix grises », ainsi que « le risque de propagation de maladies transmissibles à l’homme et véhiculées par le renard » – en particulier l’échinococcose alvéolaire, une maladie contractable par contact avec des animaux infectés ou leurs excréments souillant des végétaux – et « la nécessité de protéger les élevages avicoles ».

Le besoin de réguler l’espèce, abondante dans certains territoires où celle-ci n’a d’autre prédateur que l’homme, est mis en avant par le ministère de la transition écologique. Le nombre d’individus en France reste stable, voire augmente légèrement – une preuve, selon Nicolas Rivet, directeur général de la Fédération nationale des chasseurs, que « même si des chasseurs prélèvent et régulent des renards, ça n’a pas d’impact sur la population ».

Les naturalistes et associatifs assurent cependant que les populations s’autorégulent. « Le renard vit et se reproduit en fonction des ressources alimentaires disponibles sur son territoire », détaille Carine Gresse, assistante vétérinaire de formation et fondatrice du Clos des Renardises, premier refuge pour renards. Le nombre de renardeaux par portée peut ainsi varier de un à sept. « Il n’y a ni suivi ni comptage, seulement des estimations. C’est une aberration de prétendre réguler quand on ne garde pas de comptes », argumente-t-elle.

Si la FNC déclare tuer 500 000 renards par an, les associations évaluent ce nombre entre 600 000 et 1 million d’individus. Le ministère de la transition écologique et solidaire estime de son côté les « prélèvements » pour la chasse à 430 000 et précise que les « destructions » liées à son statut d’ESOD sont suivies au niveau départemental.

« Excellent auxiliaire de l’agriculture »

Selon un chasseur siégeant dans l’une des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage, qui requiert l’anonymat, l’argument de la protection des élevages ne tient pas. « Le renard est accusé de croquer poules et agneaux, mais il y a d’autres moyens pour protéger les enclos », estime-t-il. De plus, ce comportement serait minoritaire. « Les animaux d’élevage sont des proies quand les prédateurs économisent leur potentiel énergétique. Le renard se nourrit à 75 % des petits rongeurs, c’est d’ailleurs ce qui en fait un excellent auxiliaire de l’agriculture et un moyen de lutter contre la propagation de certaines maladies », affirme Carine Gresse.

Un renard mange jusqu’à 6 000 campagnols par an. « La maladie de Lyme est transportée par les tiques via les rongeurs. Leurs prédateurs limitent donc sa propagation », complète Marc Giraud. Un argument relativisé par Nicolas Rivet : « Qu’il participe à éviter une dissémination trop forte en prélevant quelques campagnols, peut-être, mais ce n’est pas pour autant que la maladie de Lyme serait éradiquée si on ne régulait pas les renards. »

Par ailleurs, en se nourrissant principalement de petits rongeurs, les renards représenteraient un gain économique pour l’agriculture, en évitant l’utilisation de produits chimiques. Un arrêté préfectoral a ainsi fait retirer le renard des ESOD dans 117 communes du Doubs en 2019 afin de « favoriser la prédation exercée sur les campagnols par les renards dans les communes où au moins un agriculteur aura souscrit un contrat de lutte raisonnée ». Il participe en outre à l’élimination des animaux malades et des cadavres, et, friand de végétaux, à la dissémination des graines de diverses essences d’arbres par ses déjections, plaide l’Aspas.

Pour Patrick Janin, juriste dans le droit environnemental et membre de l’Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire, « il y a les motifs officiels et les motifs inavoués » au classement en nuisible. « Pour repeupler un territoire, les chasseurs utilisent du gibier d’élevage (faisans, perdrix, lièvres) qui n’a pas acquis de capacité de défense, ni d’instinct sauvage », explique-t-il. Des proies particulièrement faciles pour un renard. Les chasseurs considéreraient, selon lui, le renard comme un concurrent.

Joséphine Maunier

Le Monde

Aveu du « Chasseur Français » : la chasse aux renards, ça sert à rien !

chasseur français

Le magazine* aux 250 000 tirages titre en couverture, dans son édition de juin 2021 : « Renards : peut-on réduire leur population ? ». L’article répond : « L’impact de l’élimination des renards sur la chute de leurs effectifs reste aléatoire ».

Il s’appuie notamment sur des « actions » menées en Grande-Bretagne, où des renards étaient tirés la nuit, au phare, quasi chaque semaine. Leur population baissait d’abord de 50 %, puis remontait, il fallait recommencer.

Mêmes résultats en France, où il est annoncé l’abattage de 430 000 animaux par tir et 70 000 par piégeage et déterrage en un an, en soulignant que ces chiffres sont sous-estimés.

Les chasseurs commenceraient-ils à comprendre ? Ne rêvons pas. Après avoir admis qu’espérer réduire les populations de renards était incertain et demandait beaucoup d’énergie, l’auteur entend rassurer ses lecteurs avec ce clin d’œil : « Ce qui n’empêche pas de tirer les goupils quand l’occasion se présente ! ».

Faut bien s’amuser…

*Le chasseur français n°1492, juin 2021.

Réhabilitons les renards !