Chasse: bilan 2022 /2023 4 ARTICLES et une vidéo
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VIDÉO https://chemin-des-plumes.fr/video-la-chasse-a-conde-sur-lescaut/
Chasse : plus d’un accident sur 4 concerne un non-chasseur !
24 août 2023
Avec 78 accidents dont 6 mortels et 84 incidents de chasse recensés lors de la saison 2022-2023, les services de l’État se félicitent d’une baisse de l’accidentologie du seul loisir en France qui génère autant de drames et de sentiment d’insécurité chez les non pratiquants… L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande toujours une réforme ambitieuse et l’interdiction de la chasse le dimanche.
En 2022-2023, les chasseurs ont blessé des cyclistes, des randonneurs, des ramasseurs de champignons, des promeneurs du dimanche. Ils ont tiré vers des cavalières, sur des chiens et des chats, à travers des caravanes, en direction des maisons, des écoles, des jardins, des voitures… Et comme chaque année, dans leur grande majorité ces méfaits sont survenus le week-end (83 % des accidents* par arme à feu !).
La chasse, qui n’a jamais autant inquiété les Français** et en particulier les ruraux, provoque par ricochet quantité de blessures psychiques, or ces données ne sont jamais prises en compte dans les bilans annuels très froids de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Le dernier en date, rendu public le 23 août 2023, se contente de saluer une baisse du nombre d’accidents mais sans révéler la part de blessés côté non-chasseurs. On nous annonce 78 accidents, soit douze de moins que la saison précédente, mais sur les 78, combien ont impacté des non-chasseurs ?
Selon la veille médiatique tenue par l’ASPAS, les accidents ont concerné au moins 22 personnes étrangères au monde de la chasse, ce qui représente au moins 28% des victimes. Ce chiffre de 22 est un minimum, étant donné que chaque année quantité d’accidents échappent aux radars de la presse.
Chasser bourré sans savoir viser : toujours possible en France !
Après une précédente saison de chasse une nouvelle fois marquée par des accidents gravissimes, après des mesurettes promises mais non encore appliquées par le gouvernement pour mieux sécuriser la chasse (dont la fameuse appli-gadget), l’ASPAS continue de réclamer haut et fort une réforme ambitieuse qui soit à la hauteur des enjeux d’insécurité posés par ce loisir, à commencer par l’interdiction pure et simple de la chasse le dimanche, comme le demandent 8 Français sur 10 !
* 33 % le samedi et 50% le dimanche sur les 48 accidents médiatisés recensés par l’ASPAS
** Selon un sondage IFOP de décembre 2022, 70% des Français ne se sentent pas en sécurité en période de chasse, contre 54% seulement en 2009, et 61% en 2016. Chez les personnes habitant à la campagne, ce chiffre s’élève même à 75%.
Des paysans victimes des lâchers de lapins des chasseurs !
- 31 août 2023
À Cadenet, dans le Vaucluse, les autoproclamés « 1ers écolos de France » relâchent des lapins pour le seul plaisir de les flinguer, tout en éliminant les petits prédateurs qui leur feraient concurrence (renards, fouines…), le tout avec l’aval de l’Etat via le dispositif controversé de l’éco-contribution ! Résultat : les petits herbivores prolifèrent et génèrent quantité de dégâts sur les cultures maraîchères, au grand dam des petits paysans…
Le cas de Cadenet, toute petite commune provençale, est tout à fait symptomatique de la manière dont est trop souvent scandaleusement gérée la faune sauvage en France, par des décisions administratives complètement gangrénées par le poids des lobbies de la chasse et des gros syndicats de l’agriculture intensive, alors qu’elles sont souvent totalement absurdes d’un point de vue écologique.
Dernier exemple en date, de taille celui-là, à l’autre bout de l’échelle décisionnelle : la reconduite début août pour 3 nouvelles années par le ministère de la Transition écologique de la liste macabre des « ESOD », qui autorise sans aucune considération éthique ni justification scientifique un massacre illimité d’animaux sauvages jugés « nuisibles », tel le Renard roux. Ce petit carnivore, prédateur naturel de rongeurs et de lapins, se retrouve classé ESOD dans 88 départements dont le Vaucluse alors qu’il occupe une place de tout premier plan dans le bon fonctionnement des écosystèmes, et rend bien des services aux agriculteurs.
Lâcher des lapins, tuer ses prédateurs…
Ces renards, les maraîchers de Cadenet affiliés à la Confédération paysanne aimeraient bien en voir la couleur justement, pour les aider à protéger des petites dents ravageuses des lapins leurs choux, carottes et autres fraises, cultures qui ont déjà bien de la peine à pousser dans cette plaine soumise à rude épreuve par une sécheresse accentuée par le changement climatique.
Moins de renards et un trop-plein de lapins : il se trouve que la commune, où les renards sont tirés et piégés, est directement concernée par un plan de réintroduction de lapins de garenne mené par la Fédération de chasse du Vaucluse dans la vallée de la Durance. D’après le journal La Provence, depuis 2020 plus de 100 terriers artificiels ont été installés pour plus de 3000 lapins réintroduits ; un projet cynégétique opaque et mal-géré qui a semble-t-il bénéficié de fonds publics alloués dans le cadre du très controversé dispositif d’éco-contribution mis en place sous Emmanuel Macron, qui sert à financer via l’OFB* “des actions concourant directement à la protection et à la reconquête de la biodiversité”…
Dénigrant la détresse des paysans de Cadenet face aux dégâts provoqués par les petits lagomorphes, la société de chasse locale a fait pression au printemps dernier pour que le lapin ne se retrouve pas sur la liste annuelle des “espèces susceptibles d’occasionner des dégâts” de la catégorie 3 (ceci pour garder la main sur “leur” gibier…), ce que la préfecture leur a dans un premier temps accordé. Pour quelques mois seulement… Fin août en effet, la presse annonce qu’un arrêté va finalement être publié classant le lapin sur tout le territoire de la commune mais pas le reste du département.
Nourrir les lapins pour mieux les gérer…
Lorsque les chasseurs sont au pouvoir, leurs intérêts égoïstes passent avant tout le reste. Contre les accusations de dégâts générés par la prolifération de lapins à Cadenet, ils répondent qu’ils gèrent leur petit gibier “de façon responsable” (sic)… Voici comment ils font : non seulement ils éliminent les renards qui leur voleraient leurs petits trophées, mais toujours d’après La Provence ils nourrissent carrément les lapins “pour protéger les cultures” agricoles ! Or comme on le voit par ailleurs avec les cochongliers entretenus au maïs d’agrainage, qui dit nourrissage artificiel dit meilleure reproduction de l’espèce, mais ça les chasseurs ne l’ont pas encore compris (ou font mine de ne pas le comprendre)…
Les chasseurs qui prétendent incarner « la ruralité » défendent aussi leur bifteck en rappelant que la réintroduction de lapins profite aux rapaces, comme l’aigle de Bonelli, mais que personne ne soit dupe : entre un relâcher qui vise à s’offrir des petites tueries entre amis et un programme sérieux de réparation des écosystèmes, réfléchi et concerté avec l’ensemble des acteurs locaux, il y a tout un monde !
Laissons la nature s’auto-réguler !
Alors, comment reprendre le pouvoir pour garantir une cohabitation harmonieuse entre la nature et les activités humaines ? À l’ASPAS, nos vaillants bénévoles sur le terrain obtiennent de bien précieuses petites avancées locales, comme dans les Deux-Sèvres, où plusieurs municipalités ouvertes aux questions de protection de la biodiversité ont voté des motions contre la destruction des renards (Melle, La Crèche). Et dans l’Hérault, grâce au travail de longue haleine de notre ancien délégué Christian Perrenot, le renard a pu échapper à la nouvelle liste ESOD dans plusieurs communes, justement pour son rôle de régulateur du “petit gibier” dont les lapins ! Oui le lobby de la chasse est puissant, mais oui il est possible de lui tordre parfois le bras… Ne lâchons rien !
* OFB : Office Français de la Biodiversité
ASPAS : Newsletter – Août 2023
Au sommaire ce mois-ci : un recours en justice pour sauver les “nuisibles”, un kit pédagogique en faveur des ours, une nouvelle jurisprudence contre le déterrage des blaireaux sans oublier du vin rosé pour plus de nature libérée… Bonne lecture !
« NUISIBLES » : FEU VERT DU MINISTÈRE
POUR 3 NOUVELLES ANNÉES D’ENFER
Renards, geais, pies, martres, etc. : malgré quelques mini-avancées, le nouvel arrêté triennal relatif au classement des « ESOD » reconduit jusqu’à l’été 2026 le piégeage et l’abattage de masse de millions d’animaux sauvages… L’ASPAS saisira le Conseil d’État ! >> En savoir plus
CHASSE AUX RENARDS POUR MOTIFS SANITAIRES :
RIEN NE LE JUSTIFIE SELON L’ANSES !
Un rapport publié en juin 2023 à la demande du ministère de la Transition écologique ne préconise en aucune façon d’abattre des renards sous prétexte qu’ils seraient porteurs de maladies. Un avis scientifique éclairé, mais qui n’a pas empêché pour autant l’ami goupil d’être à nouveau considéré comme “nuisible” jusqu’en 2026… Merci les lobbies ! >> En savoir plus
PLUS D’UN ACCIDENT DE CHASSE SUR 4
CONCERNE UN NON-CHASSEUR
Avec 78 accidents dont 6 mortels et 84 incidents de chasse recensés lors de la saison 2022-2023, les services de l’État se félicitent d’une baisse de l’accidentologie du seul loisir en France qui génère autant de drames et de sentiment d’insécurité chez les non pratiquants… L’ASPAS demande toujours une réforme ambitieuse et l’interdiction de la chasse le dimanche ! >> Lire le communiqué
Vous-mêmes avez été victimes de ce loisir ou avez été témoins de problèmes d’insécurité vis-à-vis d’autrui ? #OsezParler ! Partagez-nous vos mésaventures en écrivant à temoignage@aspas-nature.org
DÉTERRAGE : LE CONSEIL D’ÉTAT RECONNAÎT LA PROTECTION ACCORDÉE AUX « PETITS » DES BLAIREAUX
Saisi par l’ASPAS, AVES France et One Voice, la plus haute juridiction administrative française a rendu sa décision le 28 juillet dernier sur notre demande d’interdiction de la vénerie sous terre des blaireaux, et notamment la fameuse “période complémentaire” qui permet le début des massacres dès le 15 mai chaque année…
>> En savoir plus
![]() « J’AIME LES OURS » : DÉCOUVREZ LE |
Combien sont-ils ? Que mangent-ils ? Pourquoi est-il important de les sauver ? Destiné aux enfants de 6 à 11 ans, ce kit tord le cou aux idées reçues sur l’ours brun, dont la présence en France se limite au seul massif des Pyrénées. À utiliser en classe, dans les clubs natures, les centres d’animations, les médiathèques… ou tout simplement à la maison ! >> En savoir plus |
DU VIN ROSÉ POUR PROTÉGER LA VIE SAUVAGE
Cette année encore, le vigneron en bio Laurent Habrard soutient généreusement le programme des Réserves de Vie Sauvage® de l’ASPAS en reversant à notre ONG 100% des ventes (!) de son vin « Merci Dame Nature ». Si toutes les bouteilles trouvent preneur, la surface des aires protégées par l’ASPAS sans chasse ni coupe de bois pourra être agrandie ! >> En savoir plus et commander
Au mois d’août, l’ASPAS a obtenu réparation dans des affaires de braconnage (tortues vertes à Mayotte, phoques gris dans le Finistère), a porté plainte contre le piégeage d’un loup à Barjac et a déposé un recours gracieux contre la chasse aux marmottes en Savoie.
5 nouveaux refuges ASPAS ont par ailleurs été créés, soit plus de 190 nouveaux hectares retirés de la chasse.
demain 10 septembre: ouverture de la barbarie.. permis de tuer.J’ai obtenu le permis de chasse… sans toucher une fois la cible
Forêt de Marly (Yvelines),
Les accidents de chasse sont nombreux. Pour remonter à la racine du problème, un journaliste de Reporterre a passé son permis de chasser. Jamais, au cours de la formation, il n’a touché la cible. Il a pourtant obtenu son permis…
« Morgan coupait du bois dans son jardin, murmure Mila, son amie. Il a reçu une balle dans le thorax. » À l’automne 2022, Julien F. comparaissait devant le tribunal judiciaire de Cahors pour l’homicide involontaire de Morgan Keane, enfant du pays lotois. « Ce chasseur venait d’obtenir son permis, poursuit Mila. Avant cette battue aux sangliers, il n’avait encore jamais appuyé sur la détente. » Dès l’ouverture de son procès, l’Aveyronnais reconnut avoir tiré sur « une masse sombre » non identifiée. Cet aveu soulage, autant qu’il bouleverse. Comment un homme, fraîchement instruit des règles cynégétiques élémentaires, a-t-il pu commettre l’irréparable ?
Pour y répondre, une option : suivre les chasseurs au plus près, et en comprendre les façons d’agir à la racine, dès leur formation. Dès lors à Reporterre, a émergé une idée : et si l’un de nous passait le permis de chasse pour en découvrir les coulisses ? Je fus le journaliste choisi. Cinq mois plus tard, au printemps 2023, un inspecteur de l’Office français de la biodiversité (OFB) me décernait le fameux diplôme, passé en immersion sans jamais révéler aux chasseurs ma profession. Désormais, je peux légitimement l’affirmer : truffée de lacunes et dispensée en seulement une journée, la formation ne garantit pas la future sécurité [1] des chasseurs en herbe ni celle des personnes qui croiseront leur chemin.
Aucun casier judiciaire demandé
Décembre 2022. Au bout du fil grésille en boucle une mélodie entonnée par des cors, puis : « Fédération départementale de chasseurs, bonjour. » L’heure était venue pour moi d’entamer les démarches. Premièrement, m’assurer que l’abattage d’un animal ne serait pas exigé au cours de la formation. La standardiste me confirme que non. Deuxièmement, constituer un dossier d’inscription, ce qui n’a d’ailleurs rien d’insurmontable. En plus des documents protocolaires, un certificat médical attestant d’un état de santé physique et psychique compatible avec la détention d’une arme est réclamé depuis 2005. Rien de plus, rien de moins.
Inutile, donc, de fournir une copie de casier judiciaire : « Il faudra simplement remplir une attestation sur l’honneur, mentionnant que vous n’êtes pas privé du droit de détention ou de port d’armes », m’indique la standardiste. Sur l’honneur, uniquement ?
Tout compte fait, ma plus grande peine fut de retrouver mon certificat de participation à la « Journée défense et citoyenneté » (la « Journée d’appel »), perdu au fond d’un carton poussiéreux. Et, bien sûr, de signer les chèques : 46 euros à l’OFB, pour les frais d’examen, et 140 euros à la fédération, pour la formation. Une fois postée la paperasse, il ne me restait plus qu’à scruter l’arrivée de ma convocation.
Une arme dans les mains à 15 ans
Janvier 2023. La forêt de Marly, aux portes de Paris, se noie dans un océan de brume. Au bout d’un chemin apparaît le fort du Trou d’Enfer. Bâti en 1878, l’édifice accueillait autrefois près d’un millier de soldats. Il fut aussi le site d’élevage de gibiers pour les chasses présidentielles jusqu’en 1995.
Désormais, ces remparts hébergent la fédération des chasseurs d’Île-de-France. Dans l’ancienne infirmerie, les brancards ont été remplacés par des kakemonos. Sur l’une de ces grandes affiches est inscrit : « La chasse, un atout pour l’éducation. » Dans une vitrine s’amoncellent les trophées d’animaux empaillés, prêts à bondir. Le ton est donné, place à la formation.
« J’ai déjà accompagné mon père à la chasse… Et il m’est arrivé de tirer », explique Charles, d’un haussement de sourcils. L’instructrice lui sourit et rétorque : « Ne vous en faites pas, je ne suis pas de la police. » Tour à tour, tous les candidats déclinent leur identité. L’un est cadre, un autre officier de l’armée de l’air, un autre encore vient régulariser son permis étranger. Il y a deux adolescents, de 15 et 16 ans. Une autre est agricultrice, désireuse d’abattre les corbeaux, « ces saletés de nuisibles » qui envahissent ses champs. Une autre femme, à la BMW cabriolet étincelante, a fini par céder aux demandes de son mari, qui rêve de l’emmener chasser : « C’est un véritable féru, dit-elle en riant. Il a offert un fusil à mon fils comme cadeau de naissance. »
Des chasseurs à Haux, en Gironde, le 21 janvier 2023. © AFP / Romain Perrocheau
Quatre ateliers composent l’épreuve pratique de l’examen, introduite en 2003. Le circuit débute par une simulation. Arme en mains, le candidat est amené à franchir une clôture ou un fossé, puis à tirer à blanc sur des plateaux d’argile. Éjectés dans le ciel par une machine, ceux-ci peuvent emprunter des trajectoires dangereuses, passant par exemple à proximité d’une maison ou d’une silhouette humaine métallique. Le chasseur novice doit alors s’abstenir de presser la détente.
Désigné pour ouvrir le bal, Loïc, un adolescent chétif aux joues couvertes d’acné, s’empare du fusil et, comme demandé, décrit ses mouvements d’une voix frêle : « J’observe mon environnement… Puis je… Je vérifie mes canons. »
« On file le permis à des amateurs qui ne savent pas viser… »
À mi-chemin, une cible fuse brusquement en direction d’une cabane en bois. Loïc épaule et presse la détente. « On a pourtant dessiné le visage d’un bonhomme à la bombe de peinture fluorescente, à force d’observer les candidats tirer dessus, grommelle l’inspectrice en secouant la tête. Visiblement… ça ne suffit pas. » Penaud, le garçon de 16 ans se fige. À côté de lui, la taille de l’arme semble démesurée. « Comment peut-on mettre une arme dans les mains d’un enfant qui n’a même pas encore le droit de voter ou de conduire ? » réagira au téléphone Mila Sanchez, du collectif Un jour un chasseur, à l’évocation de la scène.
Moins strict, le permis français ne vaut rien au Benelux
L’atelier suivant consiste à ranger le fusil dans un étui souple ou une mallette rigide pour un déplacement fictif en voiture. Avec une facilité déconcertante, l’instructeur démonte l’arme sous nos yeux. « Et comment la remonte-t-on ? » l’interroge un homme. Pas la peine de s’en préoccuper, « l’inspecteur ne vous le demandera pas ».
Direction ensuite le stand de tir, à deux pas du véhicule : six plateaux d’argile sont propulsés dans le ciel, un à un. Avec des balles réelles, le candidat doit tirer sur les cibles… à condition qu’elles ne soient pas orange — synonyme d’oiseaux protégés —, et qu’aucun mannequin pivotant n’apparaisse dans le champ. Combien faut-il en abattre pour valider l’atelier ? Aucune, assure l’inspecteur : « L’examen français est le seul d’Europe à ne pas du tout se soucier de la précision au tir, ce que je déplore. On file le permis à des amateurs qui ne savent pas viser… »
En septembre 2022, un rapport d’information du Sénat dénonçait déjà cette absence de vérification de compétences : « Ne toucher aucune cible prouve une maîtrise très insuffisante de l’arme pouvant conduire à des situations dangereuses. » En Allemagne, les futurs chasseurs doivent détruire cinq des dix plateaux d’argile lancés pour décrocher l’examen, surnommé là-bas le « bac vert ».
Ce jour-là, sur douze cibles chacun, un seul des huit candidats est parvenu à en éclater certaines… sans toutefois respecter les règles de sécurité. Autant dire que ni eux ni moi n’aurions obtenu le permis outre-Rhin. « Ils ont encore de beaux jours devant eux, tes corbeaux », dit l’instructeur, en souriant à l’agricultrice.
Un chasseur tient une balle de fusil lors d’une battue aux sangliers à Saint-Astier (Dordogne), en septembre 2022. © Romain Longieras / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
J’enfile à mon tour le casque antibruit et saisis le semi-automatique noir. Je n’ai jamais tiré de ma vie. « Clac ! » Un plateau s’envole à toute allure dans le ciel. Le temps d’analyser la sûreté de la trajectoire qu’il emprunte, le voilà déjà presque imperceptible. Tant pis, je tire au doigt mouillé : « Très bien », me félicite mon professeur d’un jour. Avec cette précision, j’aurais pourtant raté un éléphant.
Ce manque de considération pour la précision au tir est d’ailleurs décrié par nos voisins. Aux Pays-Bas et au Luxembourg, le permis français n’est désormais plus reconnu. Même chose en Belgique, où 30 % des chasseurs en devenir franchissaient la frontière pour obtenir le droit de chasser bien plus facilement que chez eux. « Et voilà comment, en France, on apprend tous les quatre matins qu’une balle a traversé une maison, s’est encastrée dans une voiture, ou pire encore », se désole Mila Sanchez, du collectif Un jour un chasseur.
« Tu viens de pointer ton arme chargée sur tes camarades là. On se concentre maintenant ! »
Ultime atelier : la simulation d’une battue. Sylvie, l’agricultrice, se prépare en suivant minutieusement les étapes détaillées un instant plus tôt par l’instructeur. Il s’agit notamment de signaler sa position aux autres chasseurs d’un geste de la main et d’installer des plots délimitant son angle de tir. Dès lors, interdiction formelle de sortir de son poste de tir : « Du moins ça, c’est ce qu’on vous apprend ici. Dehors, vous verrez, reconnaît l’homme. Je reviens des Pyrénées, là-bas, ils ne tiennent pas en place, les types ! »
Une fois sonné le début de la battue, une cible aux allures de sanglier sort d’un bosquet sur un rail. La femme met en joue l’animal, tire une première balle puis, sourire aux lèvres, pivote sur elle-même pour attraper le regard de l’instructeur : « Ohhhh, s’écrie-t-il en bondissant sur le canon. Tu viens de pointer ton arme chargée sur tes camarades là. On se concentre maintenant ! » Une arme effectivement chargée avec une vraie cartouche…
Plongés dans l’obscurité, les chênes et les châtaigniers dansent au gré des bourrasques. « Rassemblez-vous pour le débrief, lance l’inspecteur, le ton militaire. Toi et toi, c’est bien. » À ses yeux, seuls deux élèves auraient pu aujourd’hui obtenir le permis à l’issue de l’examen blanc passé en toute fin de journée. L’anxiété grimpe aussitôt chez les six autres.
« Ne vous en faites pas, tempère l’instructeur. Revoyez les gestes chez vous, avec une arme si vous en avez une, et tout ira bien. » Recroquevillée dans son manteau, Sylvie admet ne pas se sentir à la hauteur et demande à assister à une deuxième journée de formation. « Non, on ne peut la dispenser qu’une seule fois, l’interrompt l’instructeur. De toute façon, le taux de réussite national à l’examen navigue autour des 73 %. »
« Comment peut-on écrire de telles conneries ? »
Mars 2023. L’esprit égaré dans les paysages qui défilent sous mes yeux, j’entends vibrer mon téléphone. La notification provient de l’Office français de la biodiversité : l’examen a lieu dans six jours. En toute honnêteté, je n’ai pas feuilleté une seule fois le manuel de révision de l’épreuve théorique, qui me suit pourtant dans toutes mes escapades, dissimulé au fond de mon sac à dos. L’épreuve comporte dix questions, dont une éliminatoire. À la lueur jaunâtre des néons du train, je plonge enfin dans la petite bible cynégétique.
Un mot de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), introduit les quelque 300 pages : « À vous qui êtes l’avenir de la chasse française, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue dans notre grande famille et vous invite à partager les joies et les émotions d’une passion profondément humaine et naturelle. » Voilà qui est dit. Le reste de l’ouvrage est consacré aux structures et la législation entourant la chasse, aux armes et munitions, aux différentes pratiques et à la connaissance des espèces.
« Comment peut-on écrire de telles conneries sur des fiches d’apprentissage ? » À l’autre bout du fil, Yves Verilhac survole le trombinoscope recensant certains des mammifères, chassables ou protégés. Directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de 2014 à 2022, il déplore que l’utilité écologique des espèces et leur état de conservation ne soient jamais évoqués : « Les chasseurs ne sont pas sensibilisés à tous les déséquilibres de l’écosystème engendrés par l’abattage des prétendus nuisibles que sont les renards, belettes, fouines ou martres. »
Plusieurs millions de faisans (photo) et de perdrix sont élevés dans de petites cages dans le but d’être relâchés et abattus par des chasseurs. Pxfuel/CC0
Quelques chapitres plus loin, le faisan et la perdrix sont décrits avec minutie, jusqu’à la couleur du contour de leurs yeux. « Ils écrivent des tartines sans jamais mentionner que ces oiseaux sont élevés et relâchés chaque année au profit des chasseurs, pour remplacer toute l’avifaune flinguée par l’agriculture intensive », poursuit l’ornithologue. Juste à côté, la gélinotte, « que les chasseurs s’évertuent à tirer alors que les populations chutent », n’a le droit qu’à six petites lignes.
« C’est médiocre. Ne sortez surtout pas dans la nature avec un fusil »
« Écoutez, testons vos connaissances ! » lance le naturaliste, malicieux. Geai des chênes, choucas des tours, sarcelle d’hiver, tarin des aulnes… Je tente d’identifier au mieux la ribambelle de spécimens aux ailes tantôt jaunâtres, tantôt gris anthracite, qu’il me montre. Le souffle las d’Yves Verilhac m’évoque alors celui de mes professeurs au collège, à l’heure de distribuer les copies corrigées : 5/20.
« C’est médiocre, juge-t-il sans détour. Ne sortez surtout pas dans la nature avec un fusil. Au mieux, vous ne tirerez que sur les oiseaux que vous savez reconnaître… et rentrerez bredouille. » Les pensionnaires des centres de soin, classés protégés et pourtant criblés de plomb, témoignent toutefois du contraire. « Il ne s’agit pas d’exiger une expertise ornithologique, juste de posséder les fondamentaux, conclut l’homme. De là à se proclamer “premiers écologistes de France”… »
Noyées au cœur du livre, seulement 8 des 300 pages font référence à la sécurité. À croire que la FNC n’avait pas grand-chose à dire. Ces vingt dernières années, en France, plus de 400 personnes ont pourtant été tuées lors d’actions de chasse, d’après l’OFB. Par ailleurs, aucune formation aux gestes de premiers secours n’est exigée, et la dangerosité des fusils une fois rentrés de la forêt ne fait l’objet d’aucune prévention. La possession des fusils facilitent pourtant les passages à l’acte suicidaire et les homicides. En 2020, au moins 27,54 % des 102 féminicides ont été commis à l’aide d’une arme de chasse.
« Tu peux tirer à la kalachnikov »
Les stratus barrent le chemin aux lueurs de l’aurore. C’est le jour J. Un gobelet de café dans le creux des mains, les dix candidats guettent l’arrivée des inspecteurs. Parmi eux, deux ont déjà échoué une fois l’examen. « Hier encore, je confondais les corneilles noires et les corbeaux freux », reconnaît mon voisin de droite, affolé à l’idée du questionnaire théorique. « Oh moi, je me prends pas la tête, je les tire tous, glousse son camarade. Sur ta propriété, c’est open-bar. Tu peux tirer à la kalachnikov, personne ne viendra te faire chier. » Une demi-heure plus tard, le même homme au béret revient la mine piteuse : « Vous avez la gâchette trop facile, lui dit l’examinateur. Il va falloir venir une troisième fois. »
Tour à tour, les prétendants au permis défilent. L’épreuve pratique dure moins de quinze minutes. La théorie, pas plus de cinq minutes. Quelques instants plus tôt, les instructeurs ont pris soin de nous remémorer les pièges dissimulés dans le circuit, lors d’une ultime démonstration. « Cette situation provoque un bachotage […] sans forcément garantir une véritable assimilation des règles de sécurité », dénonçait dans son rapport la mission sénatoriale.
« À vous, monsieur. » Une boule au ventre, je saisis le fusil. Avant moi, sept des neuf candidats ont été reçus. Surpris par le recul de l’arme, je sens la crosse percuter mon aisselle : « Attention à bien épauler ! » m’avertit l’inspecteur. Les autres ateliers se déroulent sans accroc et j’obtiens alors le privilège d’entrer dans la maisonnette de l’épreuve théorique. À l’intérieur, un vieux PC m’attend. « Un tracteur est à 150 mètres, un lièvre passe devant. J’ai du plomb n°5 : je tire (réponse A) — je ne tire pas (réponse B). » Un collégien n’aurait eu aucun mal à s’emparer de ces dix points. L’examinateur me remet un petit morceau de papier : 30/31.
Mon bilan laisse peu de place au doute : 22 tentatives de tir, 22 échecs
Me voilà officiellement chasseur… et ce, à vie. Chaque année, il suffit aux chasseurs d’attester sur l’honneur ne souffrir d’aucune contre-indication pour préserver son permis. Aucun certificat médical n’est demandé. « Comment peut-on croire que les chasseurs gardent les mêmes aptitudes physiques entre leurs 15 ans et leurs 80 ans ? » s’agaçait à ce propos Mila Sanchez, d’Un jour un chasseur. En Espagne, le permis n’est valable que cinq ans, et qu’une seule année pour les plus de 70 ans.
Que tirer de cette expérience ? Jamais auparavant je n’avais touché d’arme. Je regrette de n’avoir pas chronométré le temps passé arme en mains, au cours de ma formation et de l’examen : après mûre réflexion, une heure à tout casser. Quant aux cibles à abattre, mon bilan laisse peu de place au doute : 22 tentatives, 22 échecs. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé.
Au-delà de ces chiffres anecdotiques, le peu de sensibilisation à la dangerosité de cette pratique est criant. Certes, instructeurs et inspecteurs insistent à maintes reprises sur la nécessité de toujours vérifier son environnement avant de relever son arme. Mais comment, en si peu de temps, créer des automatismes chez les novices ? Le 10 septembre, s’ouvre en France une nouvelle saison de chasse… En seulement six mois, j’ai pourtant le sentiment d’avoir oublié la moitié des règles de sécurité. Heureusement, je ne compte pas chasser — le permis de chasse n’étant qu’un outil pour mener mon enquête à son terme. Pourtant, de nombreux novices fraîchement diplômés pourront désormais disposer d’une arme, sans trop savoir tirer.
Six personnes mortes durant la saison de chasse 2022-2023
Six personnes sont mortes l’an dernier sous les balles d’un chasseur. C’est le chiffre le plus bas jamais relevé, selon l’Office français de la biodiversité. Sur la saison de chasse 2021-2022, huit décès avaient été constatés. Les six victimes dénombrées sur la saison 2022-2023 étaient toutes des chasseurs.
Ce bilan annuel, rendu public le 23 août, fait également état d’un nombre d’accidents en baisse, avec 78 accidents constatés contre 90 la saison dernière (un accident est défini par toute blessure corporelle survenue par arme à feu dans le cadre d’une action de chasse). Il montre enfin une baisse du nombre d’incidents, à 84 contre 104 la saison dernière. Un incident est défini par une situation susceptible d’avoir mis en danger les personnes ou les biens — tirs en direction d’habitations, de véhicules ou d’animaux domestiques.
Pour l’OFB, ces chiffres – qui s’inscrivent dans la tendance à la baisse des accidents de chasse – sont le résultat des « efforts réalisés depuis deux décennies par les chasseurs, par les fédérations, par leurs partenaires, par l’État et l’OFB ». Formations, sensibilisations, contrôles porteraient leur fruit.
400 morts en 20 ans
En vingt ans, la chasse a tout de même tué plus de 400 personnes. Outre les décès, l’association Un jour un chasseur rappelle régulièrement les « traumatismes » des habitants des zones rurales, à cause de la chasse. « Un jour, une balle a traversé toute notre maison. À quelques secondes près, je me la prenais en pleine tête », peut-on ainsi lire dans le manifeste publié l’an dernier par le collectif.
L’association met à jour une carte de France qui recense les accidents contre les humains ou des animaux domestiques.
Les armes de chasse peuvent également tuer hors des battues. Reporterre avait ainsi identifié au moins 94 morts provoquées par des armes de chasse en 2020, et 95 en 2021 – avec des suicides et des féminicides en particulier.
ASPAS :Newsletter – Juillet 2023
Au sommaire de ce mois-ci : c’est l’été, mais pas de répit pour faire justice ! Une nouvelle victoire pour les renards, le rapport de la Cour des comptes accablant pour les fédérations de chasse, la parution du guide Maires et chasse, le lancement de notre kit pédagogique « J’aime les ours ! » et, pour les plus connectés d’entre vous, le lancement de notre chaîne TikTtok, en immersion au sein de Vercors Vie Sauvage et du futur sanctuaire. Bonne lecture !
JUSTICE POUR LES RENARDS DU PAS-DE-CALAIS !
Une nouvelle victoire sur le fond contre des battues administratives aux renards vient renforcer notre jurisprudence accumulée ces dernières années et devrait dissuader la préfecture de réautoriser de tels massacres de manière aussi injustifiée ! >> Lire l’article
LA COUR DES COMPTES DÉNONCE LE MANQUE
DE TRANSPARENCE DES FÉDÉRATIONS DE CHASSE
Au début du mois, la Cour des comptes dévoilait son rapport sur la gestion des ressources publiques attribuées aux Fédérations de chasseurs, réclamé l’an passé via une pétition lancée par le collectif #unjourunchasseur ; soutenue et encouragée par l’ASPAS. Résultat ? Les magistrats de la Cour pointent du doigt un manque de transparence financière dans la comptabilité des fédérations, et des projets peu qualitatifs notamment sur l’utilisation du fonds biodiversité, censé être alloué à des projets de préservation de la nature. Une raison de plus pour l’ASPAS de continuer à réaliser en toute indépendance, grâce à votre soutien, des projets concrets et d’œuvrer encore et toujours à la défense de la vie sauvage ! >> Lire le rapport
L’ASPAS LANCE UN NOUVEAU
KIT PÉDAGOGIQUE « J’AIME LES OURS ! »
Contrairement aux idées reçues, l’ours brun est un animal généralement farouche et solitaire, qui fuit autant la présence humaine que ses propres congénères. Côté nourriture, les clichés ont aussi la vie dure : non, l’ours ne passe pas ses journées à attaquer des moutons mal protégés puisqu’il est à 75% végétarien ! Combien sont-ils ? Que mangent-ils ? Pourquoi est-il important de les sauver ? Destiné aux jeunes enfants (entre 6 et 11 ans), ce kit tord le cou aux idées reçues ! Disponible dès la fin du mois d »août. >> En savoir plus
LE PREMIER SANCTUAIRE
D’ONGULÉS SAUVAGES DE FRANCE
Déjà plus de 100 000 euros collectés depuis le lancement de notre projet sanctuaire ! Un pas de géant pour notre cagnotte 1 million pour la libre évolution, pour sauver les animaux de l’ancien enclos de chasse ! Merci à tous les contributeurs ! Vous souhaitez en savoir plus sur ce projet innovant et pionnier ? >> En savoir plus
Pour One Voice : « 2023, l’année de tous les records pour les blaireaux ! »
L’année 2023 est à marquer d’une pierre blanche. Dans dix nouveaux départements, les juges ont à nouveau suspendu les périodes complémentaires de vénerie sous terre. Un bouquet final qui vient clôturer une saison historique où 80 % des arrêtés contestés par l’association ont été suspendus : dans 29 territoires sur les 36 où One Voice a attaqué, les blaireautins et leurs parents auront la vie sauve. Plus de 4000 d’entre eux vivront, et le déterrage est plus que jamais sur la sellette.
En mars 2023, nous lancions une grande offensive juridique contre la période complémentaire de vénerie sous terre. Nous avons fait feu de tout bois, seuls ou avec nos partenaires chaque fois que c’était possible, et mobilisé toute notre énergie pour combattre ce mode de chasse insupportable. Jusqu’au cœur de l’été, nous avons attaqué les arrêtés préfectoraux et continué d’obtenir l’interdiction de ces massacres annoncés, souvent avant même l’ouverture de la chasse.
Dix nouvelles victoires, et des milliers de blaireaux sauvés
Aux 19 suspensions déjà obtenues au cours du printemps et de l’été, s’en ajoutent dix obtenues récemment.
Dans l’Aveyron, la Corrèze, la Creuse, la Haute-Vienne, l’Indre, l’Indre-et-Loire, la Seine-et-Marne et l’Orne, avec notre partenaire AVES, nous avons convaincu les juges de la nécessité de suspendre en urgence le déterrage. Face à l’absence totale de données sérieuses et aux risques pour les familles de blaireaux que nous avons systématiquement démontrés, les juges nous ont entendus et ont balayé d’un revers de main les arguments fallacieux des chasseurs soufflés à l’État.
Sur l’interdiction de mise à mort des petits, nous avons même repoussé les limites du droit ! Dans l’Essonne, où nous avons attaqué avec la LPO, le tribunal ne s’est pas laissé avoir par les tentatives de la préfecture qui avait reporté l’ouverture de cette chasse au 15 juillet soi-disant pour protéger les jeunes, et a dit « stop » au carnage malgré cette date tardive, puisque les blaireautins sont présents dans les terriers pendant au moins un an.
Et dans le Puy-de-Dôme, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a confirmé sa position : alors même que la préfecture avait pris un deuxième arrêté à la suite de notre première victoire – une magouille qui ne nous a pas vraiment surpris tant les préfectures sont coutumières de ces pratiques -, nous avons à nouveau obtenu gain de cause avec Animal Cross, AVES, FNE Aura, FNE Puy-de-Dôme et LPO Aura.
Au total, ce sont donc plus de 4000 individus qui ont été sauvés en tout et pour tout dans 29 départements qui dérogeaient à la fermeture de cette chasse déjà autorisée le reste de l’année, et dont nous avions dénoncé la cruauté grâce à une enquête en infiltration à hauts risques au sein d’un équipage de déterreurs.
Période complémentaire de vénerie sous terre : le début de la fin !
Grâce à tous ces succès, le déterrage au printemps et en été est plus que jamais remis en cause. Le Conseil d’État lui-même a confirmé sans ambiguïté que la loi interdit de tuer les blaireautins, et nous a invités à continuer, département par département, d’attaquer les arrêtés. Qu’il compte sur nous ! Car si la période complémentaire est sur la sellette, les préfets ne lâchent pas l’affaire : pour le printemps 2024, plusieurs dizaines d’arrêtés ont déjà été adoptés… Mais nous serons là, chaque fois que nécessaire, pour mettre un terme définitif à ces massacres.
N’oublions pas qu’après la période complémentaire, le déterrage pourra reprendre dès le mois de septembre dans de très nombreux départements. Les blaireaux seront visés, mais également les renards, comme nous l’avions montré dans nos infiltrations. Nous allons continuer de multiplier les initiatives –comme notre plainte à la Convention de Berne – et de porter la voix de ces animaux, au plus près du public !
Toutes ces victoires ouvrent la voie à la fin de l’acharnement insupportable que subissent ces héros si discrets, véritables architectes des sous-sols de nos territoires. Derrière leur pelage noir et blanc, ils rendent des services majeurs à la nature (leurs terriers abritent par exemple des espèces protégées comme les chauves-souris, les chats forestiers ou encore les loutres). Dans le Bas-Rhin comme dans plusieurs pays européens (Royaume-Uni, Pays-Bas, Luxembourg…), leur chasse est interdite et les dégâts n’ont pas augmenté : logique, puisque les blaireaux se nourrissent surtout de baies. Ils peuvent s’y reproduire tranquillement – et très lentement, ce qui justifie d’autant plus leur protection.
Pour que les déterreurs arrêtent de semer la terreur dans les campagnes – comme le souhaitent plus de quatre Français sur cinq (sondage IPSOS/One Voice septembre 2022) -, plus que jamais, nous avons besoin que le public signe notre pétition pour obtenir l’abolition de la vénerie sous terre des blaireaux et leur protection.
Les 29 victoires du printemps-été 2023
- Aisne : audience du 16/06/2023 (TA d’Amiens)
- Aube : audience du 06/06/2023 (TA de Châlons-en-Champagne)
- Allier : audiences du 30/05/2023 et du 18/07/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
- Aveyron : audience du 27/07/2023 (TA de Toulouse)
- Charente-Maritime : audience du 09/05/2023 (TA de Poitiers)
- Corrèze : audience du 17/07/2023 (TA de Limoges)
- Creuse : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
- Essonne : audience du 09/08/2023 (TA de Versailles)
- Eure-et-Loir : audience du 05/06/2023 (TA d’Orléans)
- Haute-Loire : audience du 20/06/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
- Haute-Vienne : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
- Ille-et-Vilaine : audience du 08/06/2023 (TA de Rennes)
- Indre : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
- Indre-et-Loire : audience du 10/08/2023 (TA d’Orléans)
- Loir-et-Cher : audience du 03/07/2023 (TA d’Orléans)
- Loiret : audience du 05/06/2023 (TA d’Orléans)
- Maine-et-Loire : audience du 27/07/2023 (TA de Nantes)
- Manche : audience du 09/05/2023 (TA de Caen)
- Meuse : audience du 13/06/2023 (TA de Nancy)
- Nièvre : audience du 31/03/2023 (TA de Dijon)
- Oise : audience du 09/05/2023 (TA d’Amiens)
- Orne : audience du 03/08/2023 (TA de Caen)
- Puy-de-Dôme : audiences du 30/05/23 et du 01/08/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
- Savoie : audience du 16/06/2023 (TA de Grenoble)
- Seine-et-Marne : audience du 25/07/2023 (TA de Melun)
- Tarn-et-Garonne : audience du 03/05/2023 (TA de Toulouse)
- Vienne : audience du 26/05/2023 (TA de Poitiers)
Attaques d’ours : les chiffres tronqués de la FNSEA
La Fédération nationale ovine prétend que les attaques d’ours augmentent, avec près de 1 000 brebis victimes par an. Mais ces chiffres comprennent des animaux pour lesquels aucune preuve accablant le prédateur n’a été relevée.
Pour bien tuer l’ours, il faut d’abord vendre sa peau. C’est en tout cas la stratégie que semble avoir adoptée la Fédération nationale ovine (FNO). Fin juillet, cette branche de la FNSEA a diffusé un dossier d’information nommé « Menace sur les Pyrénées » qui prétend que les attaques d’ursidés sont en forte augmentation au point qu’en Ariège, « les pertes reconnues chaque année sont estimées entre 900 et 1 000 brebis ». Sollicitée, l’association spécialisée n’a pas donné suite à Reporterre.
Précisément, l’association d’éleveurs avance qu’entre janvier et octobre 2022, 937 animaux ont été indemnisés. Elle indique que ces chiffres sont basés sur les données de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Or, l’OFB n’a comptabilisé en 2022 que 590 bêtes tuées où « la responsabilité de l’ours ne peut pas être écartée ». Une formule prudente — qui signifie que des indices de prédation de l’ours ont été trouvés — mais ne permettent pas de trancher la responsabilité entre l’ours ou un autre prédateur.
Néanmoins, le Réseau Ours Brun de l’OFB reconnaît dans son dernier rapport annuel que les chiffres de la prédation sur le cheptel domestique « sont certainement une sous-estimation de la prédation réelle car les dégâts indemnisés au bénéfice du doute ne sont pas ici comptabilisés ».
« Ils achètent la paix sociale »
Ce qui ne semble pas empêcher les éleveurs de compter l’ensemble des bêtes indemnisées comme des victimes potentielles de l’ours, même quand la prédation n’est pas avérée. « La préfecture de l’Ariège indemnise presque tout. C’est politique : ils achètent la paix sociale », observe Patrick Leyrissoux, le coordinateur Ours de l’association Ferus.
De fait, 86 % des dossiers d’indemnisation déposés auprès de la préfecture de l’Ariège en 2022 ont été validés, certains avec la mention « cause de mortalité indéterminée (ours possible) ». C’est-à-dire que malgré l’absence de preuve, le doute a bénéficié aux éleveurs.
FNO affirme également que, depuis 2016, « une forte augmentation du nombre d’attaques est constatée : 95 attaques de plus par an en moyenne sur l’ensemble des Pyrénées ».
Moins d’attaques depuis 2020
Pourtant, la lecture des données de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie (Dreal) dément cette assertion.
Si la prédation a bien connu un bond en passant d’une moyenne de 122 dossiers par an entre 2007 et 2017 à 327 en 2018, elle reste stable voire diminue depuis : 362 attaques ont été répertoriées en 2019, 383 en 2020, 333 en 2021 et 331 en 2022.
Le nombre d’attaques répertoriées est en légère baisse ces dernières années, d’après les chiffres de la Dreal. © Dreal Occitanie
L’association d’exploitants ovins pointe aussi que le nombre de constats d’attaque est en hausse cette année : 150 dossiers de dommages des troupeaux ont été enregistrés entre janvier et juillet 2023, contre 123 l’an dernier sur la même période. Soit une augmentation de 21 %, qui reste cependant à considérer avec précaution : ces dossiers sont en cours d’expertise, il est donc prématuré d’en tirer des conclusions.
Derrière cette présentation anxiogène des chiffres, l’objectif de FNO est écrit en toute transparence : « Les éleveurs exigent que l’État décuple les moyens humains et matériels affectés à l’effarouchement des ours. Il n’est pas tolérable pour les éleveurs, les bergers et leurs troupeaux risquent leur vie sans autre moyen d’action que les flashs lumineux et les pétards utilisés par l’OFB. »
De quoi convaincre l’État d’acheter la peau de l’ours selon Patrick Leyrissoux : « Plus ils sont mécontents, plus l’argent de l’État tombe. Ils ont tout intérêt à continuer. »