Des fourmis chasseuses de virus pour lutter contre l’émergence de maladies infectieuses

fourmis légionnaires

Enola Tissandié le 31.03.2023

Les fourmis légionnaires peuvent nous aider à étoffer notre connaissance sur la diversité virale, et ainsi lutter contre l’émergence de maladies infectieuses.

Pierre Becquart / IRD

Traquer les virus dans les zones les plus difficiles d’accès, c’est maintenant possible. Une étude pilote internationale montre comment les fourmis légionnaires peuvent nous aider à étoffer notre connaissance sur la diversité virale, et ainsi lutter contre l’émergence de maladies infectieuses.

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), Ebola, et très probablement les coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2) trouvent leur origine chez des mammifères, pour la plupart sauvages, et ont été transmis à l’homme pour devenir des maladies appelées « zoonoses », souvent responsables de grandes flambées épidémiques et particulièrement mortelles. Ces virus (la zoonose concerne aussi les autres microorganismes comme les bactéries et les champignons), peuvent être transmis directement par un contact entre l’animal hôte et l’homme, ou indirectement, par voie alimentaire ou en passant par un animal intermédiaire ayant des contacts plus rapprochés avec l’homme, qui aurait été préalablement contaminé par l’animal hôte. À force de mutations, ces virus se propagent rapidement et efficacement chez l’homme, et peuvent être à l’origine de catastrophes sanitaires. L’imprévisibilité de ces émergences pousse les virologues à mieux connaître le virome (ensemble des virus).

Mais les obstacles sont nombreux à cette cartographie des virus. La première difficulté tient à l’accès aux animaux hôtes, qui, sauvages pour la plupart, vivent dans des zones impénétrables et trop méconnues pour y faire des analyses. Enfin, un autre point important mentionné par Eric Leroy, Directeur de recherche à l’IRD, « la plupart des virus se répliquent dans des cellules de la lignée monocytaire (les monocytes sont des cellules immunitaires), lesquelles sont principalement présentes dans les organes internes des animaux (rate et foie). Les débusquer nécessite le sacrifice de ces derniers, une pratique inapplicable, car contraire aux règles éthiques en vigueur. ». 

Pour remédier à ces difficultés d’échantillonnage des écosystèmes, une équipe de chercheurs français du Cirad, de l’IRD et d’INRAE en collaboration avec des partenaires sud-africains, américains, congolais et gabonais, ont mené une étude pilote sur la base d’une intuition d’Arvind Varsani, virologue et professeur associé à l’Université d’Etat d’Arizona aux États-Unis, d’utiliser des insectes prédateurs et consommateurs de virus comme alliés de taille. Les résultats de cette étude ont publiés dans la revue Peer Community Journal.

Les fourmis légionnaires, nos meilleures alliées pour parcourir les zones difficiles d’accès

Après avoir songé aux libellules, les chercheurs se sont finalement tournés vers les fourmis « magnans », aussi appelées fourmis légionnaires pour créer leur armée collectrice de virus. Originaires d’Afrique mais présentes sur tous les continents, ces fourmis vivent en colonies pouvant atteindre des millions d’ouvrières, et sont connues pour être de grandes prédatrices. « Elles remplissent tous les critères, ce sont des prédatrices très diversifiées, se nourrissant aussi bien d’insectes, de carcasses de petits mammifères, que de plantes. C’était important pour nous de choisir un prédateur en bout de chaîne alimentaire, pour avoir une bonne représentation du virome de l’écosystème. », explique Philippe Roumagnac, chercheur au Cirad et coauteur de l’étude pilote. Autre point important pour la collecte, ces fourmis sont semi-nomades, « elles construisent un campement temporaire, et effectuent leurs raids jusqu’à plusieurs centaines de mètres aux alentours. Une fois qu’elles ont tout parcouru, elles déplacent leur campement ailleurs. C’est pratique pour la collecte car nous n’avons pas besoin de les traquer, seulement de repérer leur nid et de délimiter leur zone de chasse», poursuit le chercheur. Durant leurs raids, les fourmis magnans vont ingurgiter une très grande quantité de nourriture « jusqu’à 2kg de biomasse par jour et par colonie ». Cette biomasse va comporter une grande diversité de microorganismes, dont des virus provenant de toutes les proies ingérées dans cet écosystème. Enfin, « Les fourmis ne faisant pas partie des règlementations internationales sur le bien-être animal, leur usage dans la surveillance des virus potentiellement zoonotiques s’avérerait très précieux », complète Éric Leroy.

Ces fourmis vivent en colonies pouvant atteindre des millions d’ouvrières, et sont connues pour être de grandes prédatrices. Crédits : Matthieu Fritz / IRD

En prélevant 209 fourmis de 29 colonies différentes dans une forêt tropicale au Gabon, les chercheurs ont pu mettre en évidence des échantillons de 157 genres viraux différents et 56 familles virales. « Notre objectif maintenant, est de savoir si cette diversité virale captée par les fourmis est réellement représentative de l’écosystème parcouru lors des raids de chasse », déclare Philippe Roumagnac.

Un objectif à long terme : constituer un observatoire des virus

Après avoir été collectées, les fourmis sont analysées par métagénomique virale. Cette approche moléculaire consiste à analyser le virome d’un organisme. Dans le cas de cette étude, il s’agissait d’extraire le matériel génétique de la fourmi, puis d’y détecter toutes les séquences nucléotidiques virales (les nucléotides sont les sous-unités qui constituent les molécules d’acides nucléiques, supports de l’information génétique). La suite de l’étude consistera à explorer plus en profondeur plusieurs écosystèmes africains, « des grottes, des forêts profondes et des agroécosystèmes (cultures) », explique Eric Leroy, « nous voulons savoir si le matériel viral retrouvé dans ces fourmis représente 1% ou 30% du virome de l’écosystème. Plus le pourcentage sera élevé, plus l’échantillon sera représentatif de l’écosystème et utile pour la création d’un observatoire. ». Pour cela, les chercheurs vont établir des données de référence. Par exemple dans une grotte, des données d’un échantillon représentatif de chauves-souris seront prélevées et comparées aux données issues de fourmis collectées dans la même grotte.

Si les échantillons sont jugés représentatifs du virome de l’écosystème, cette technique de surveillance des émergences virales grâce aux fourmis légionnaires sera particulièrement prometteuse pour établir un observatoire des virus.

Éclairer la matière noire virale pour mieux anticiper l’émergence de zoonoses

Si la perspective d’un tel observatoire peut paraître effrayante, Philippe Roumagnac y voit surtout un moyen de mieux caractériser la diversité virale dans des régions méconnues et peu étudiées, et ainsi étoffer nos connaissances. « À peine 50% des séquences analysées dans les fourmis étaient formellement répertoriées par le Comité international de taxonomie des virus. Cela signifie que nous ignorons tout d’une grande partie des virus présents dans les écosystèmes parcourus par ces fourmis ». C’est toute cette masse de virus dont on sait qu’elle existe, mais qu’on ne connait pas encore qui est nommée « matière noire virale ». L’approche par métagénomique pourrait aussi permettre de retrouver plus facilement les animaux hôtes, dits « réservoirs du virus » responsables d’une maladie zoonotique (telles que les chauves-souris), ou au moins certains animaux intermédiaires contaminée par le virus en question (le fameux pangolin par exemple) ingérés par la fourmi.

« Il ne faut pas avoir peur. Certains virus peuvent en effet être responsables des maladies de demain, mais une grande partie est aussi probablement utile à la régulation des écosystèmes, et même bénéfique pour certaines plantes, par exemple. » concluent les chercheurs.

 

La pollution de l’air sème la pagaille dans la reproduction de certains insectes

mâle stérile

Des mouches, en pleine confusion sexuelle, incapables de distinguer les mâles des femelles : la pollution atmosphérique, qui menace déjà la pollinisation des plantes, sème aussi la pagaille dans la reproduction de certains insectes, montre une étude publiée le 14 mars 2023 dans Nature Communications.

Un mâle stérile de la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata), connue pour infester plus de 250 espèces de fruits et légumes, est relâché dans la nature par des travailleurs de l’installation biologique de production d’insectes stériles de l’Institut pour la santé et la qualité agricoles de Mendoza, à Santa Rosa (Argentine), le 13 mars 2015.

AFP/Archives – ANDRES LARROVERE

A l’origine du phénomène, l’ozone, un des polluants les plus communs qui, même à une dose modérée, a pour effet de dégrader les perceptions olfactives des insectes. Et cela affecte aussi les phéromones, ces substances chimiques odorantes à l’origine de réactions sexuelles ou sociales inconscientes sur un individu de la même espèce. Résultat : lors d’expériences menées avec des niveaux d’ozone typiques des grandes villes sur les drosophiles, ces petits moucherons qui tournent très souvent autour des fruits, les mâles se retrouvent soudain privés de tout sex-appeal aux yeux des femelles, qui ne sont plus incitées à s’accoupler.

Une communication sexuelle perturbée

Et certains mâles, sexuellement dans le brouillard, se retrouvent même à poursuivre de leurs assiduités leurs congénères du même sexe, réduisant à néant toute possibilité de reproduction. Cette communication sexuelle perturbée est principalement déclenchée par l’effet oxydant de la pollution atmosphérique sur les chaînes carbonées des phéromones et dure plusieurs jours.

Ce problème se retrouve chez neuf des dix espèces de drosophiles étudiées, mais pourrait également affecter d’autres insectes dont le comportement repose aussi sur les phéromones, soulignent les scientifiques.

Déclin mondial des insectes (AFP/Archives – Thomas SAINT-CRICQ)

« Nous parlons de millions d’espèces » d’insectes

Ce facteur, jusqu’ici méconnu, pourrait accentuer le déclin qui a touché près de la moitié des espèces d’insectes ces dernières décennies. « Nous parlons de millions d’espèces », a déclaré à l’AFP Markus Knaden, l’un des contributeurs de l’étude et membre de l’Institut Max Planck, citant notamment « les papillons de nuit, les papillons, les fourmis, les abeilles, les guêpes ».

Avant l’industrialisation, les niveaux d’ozone naturels dans l’air s’élevaient en moyenne à environ 40 parties par milliard (ppb) au niveau mondial. Mais aujourd’hui, dans les villes et les zones industrielles, les niveaux d’ozone peuvent facilement atteindre 210 ppb, soit environ cinq fois plus.

« Tout allait bien, jusqu’à ce que nous arrivions », a déclaré M. Knaden. « C’est entièrement de notre faute ».

L’étude a montré que même une exposition de courte durée à des niveaux d’ozone de 100 ppb entraînait une dégradation significative des phéromones. Et plus la concentration d’ozone est élevée, plus l’impact est important. Sans compter l’influence d’autres polluants, tels que les monoxydes d’azote qui s’oxydent à des vitesses encore plus rapides et pourraient venir renforcer le phénomène.

Des expériences, menées par des scientifiques de l’Université de Reading en Angleterre, sont actuellement en cours pour déterminer dans quelle mesure d’autres insectes volants et rampants pourraient être affectés.

Les papillons monarques californiens, quasiment disparus en 2020, sont de retour

Papillons-monarque

Pendant les tempêtes qui ont récemment sévi en Californie, des amoureux de la nature ont retenu leur souffle : les papillons monarques en plein hivernage allaient-ils survivre ? Ces insectes difficiles à protéger sont surveillés de près depuis qu’ils ont quasiment disparu de la région en 2020.

Dès que le soleil a repris ses droits, les bénévoles ont recommencé à compter les papillons agglutinés au sommet des cyprès.

Plus de 330.000 papillons monarques dits « occidentaux », un « soulagement »
Suspendus aux branches, ils se rassemblent en colonies, formant de longues grappes grises avec des tâches oranges quand l’un d’entre eux déploie ses ailes. Stephanie Turcotte Edenholm est un peu rassurée : elle en a compté plus d’un millier en diapause (quand l’organisme fonctionne au ralenti) et une centaine actifs sur le sanctuaire de Pacific Grove, une petite ville de la côte californienne, à côté de Monterey.

Cette éducatrice vient de passer la matinée à expliquer la vie des monarques à des élèves d’école primaire. Ils ont pu admirer le moment où des dizaines de papillons s’envolent, croyant — à tort — que les températures douces signalent la fin de l’hiver. « C’est trop tôt pour qu’ils s’agitent autant, ils utilisent leurs réserves de graisse », s’inquiète la naturaliste.

Lors du grand décompte de Thanksgiving fin novembre, d’après l’association Xerces, les bénévoles ont dénombré plus de 330.000 monarques dits « occidentaux », l’espèce prédominante sur la côte ouest.

« On reste loin des millions observés dans les années 1980 »

Un soulagement par rapport aux 2.000 individus recensés fin 2020 et aux quelque 250.000 de 2021. « Mais on reste loin des millions observés dans les années 1980 et ils sont vulnérables à la perte de leur habitat, aux pesticides et au changement climatique », rappelle l’association de conservation des invertébrés.

Pour ces raisons, le monarque a été ajouté l’été dernier à la liste rouge des espèces en danger d’extinction de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Xerces a aussi demandé au service américain de la pêche et de la faune sauvage de le placer sur sa propre liste des espèces menacées et espère une réponse positive en 2024.

Cela faciliterait sa tâche face aux projets de promoteurs immobiliers qui veulent raser des arbres où s’abritent les papillons voyageurs.

Mais pourquoi autant d’investissement pour protéger ce lépidoptère ? « C’est une question philosophique. (…) Car ce ne sont pas des pollinisateurs cruciaux. On ne perdrait pas des cultures humaines ou de plantes sauvages en particulier si les monarques disparaissaient », reconnaît Emma Pelton, biologiste de Xerces. « Mais on perdrait les monarques. Des insectes qui réalisent une migration vraiment incroyable et auxquels les gens sont très attachés, émotionnellement et culturellement, dans toute l’Amérique du Nord ».

Certaines espèces parcourent en effet des milliers de kilomètres, du Canada au Mexique.

Le bon équilibre pour aider la nature est difficile à trouver

Bill Henry se souvient des nuées de papillons autour de lui, quand il était enfant : « C’était magique, comme dans un rêve ». Aujourd’hui directeur de l’association Groundswell Coastal Ecology, à Santa Cruz, une autre ville de la baie de Monterey, il défend les monarques par principe et aussi en tant que marqueurs de la bonne santé d’un écosystème.

S’ils vont bien, cela signifie qu’ils ont des « ressources abondantes pour se nourrir et se reproduire » et donc que « les rivières et les fleurs sauvages » se portent bien, explique-t-il. « Cela veut aussi dire qu’il n’y a pas trop d’impasses sur leur chemin, comme de grands espaces couverts de pesticides et que les températures n’ont pas radicalement changé« , ce qui perturberait leur cycle de vie.

En 2020, la quasi-absence de monarques sur la côte a suscité une large mobilisation, des jardiniers qui ont planté des asclépiades aux amateurs qui ont élevé des papillons chez eux, une pratique illégale.

Mais le bon équilibre pour aider la nature est difficile à trouver : les monarques raffolent des eucalyptus, par exemple. Cependant, ces arbres ne sont pas natifs de Californie et boivent beaucoup trop d’eau pour l’Etat prédisposé aux sécheresses. Il faut aussi choisir entre réduire le risque des feux de forêt en retirant une partie de la végétation et abîmer l’habitat des papillons.

Ce qui serait « trop nul« , estime Brody Robbins. Cet adolescent de Santa Cruz fait l’école buissonnière avec deux amis, pour prendre en photo les monarques sur l’un des sites protégés. « Les papillons sont beaucoup plus cools que les cours sur la guerre de Sécession », assure-t-il.

Qui est l’araignée-banane, l’araignée la plus venimeuse du monde qui provoque une douloureuse érection ?

araignee banane

Si son nom peut faire sourire, il ne faut pourtant pas prendre l’araignée-banane. Son venin est en effet particulièrement redoutable.

Pourquoi l’araignée-banane s’appelle-t-elle ainsi ?

Les araignées du genre Phoneutria (ce terme d’origine grec signifie « meurtrière ») appartiennent à la famille des Ctenidae, et sont communément appelées araignées-bananes. On en compte neuf espèces : Phoneutria bahiensis, Phoneutria boliviensis, Phoneutria depilata, Phoneutria eickstedtae, Phoneutria fera, Phoneutria keyserlingi, Phoneutria nigriventer, Phoneutria pertyi, et Phoneutria reidyi.

Origines d’Amérique du sud, ces arachnides vagabonds se trouvent notamment dans les plantations de bananes, d’où ce nom imagé. Là, elles chassent de gros insectes, comme les sauterelles, les mantes religieuses, ou de petits vertébrés comme les lézards ou même des souris.

Elles mesurent environ 10 cm de diamètre, certaines espèces pouvant même dépasser les 18 cm.

Mais ne vous fiez pas à ce nom sympathique, l’araignée-banane est en effet particulièrement venimeuse.

L’araignée-banane est-elle dangereuse ?

L’araignée-banane fait partie des araignées les plus dangereuses du monde, étant donné qu’elle est considérée comme l’espèce la plus venimeuse. Son venin neurotoxique est très puissant et peut entraîner la mort.

Parmi les symptômes provoqués par la morsure de Phoneutria fera : une érection très longue et douloureuse. Des scientifiques brésiliens de l’Université fédérale du Minas Gerais se sont penchés sur cette particularité. Ils sont parvenus à créer un gel issu de ce venin et destiné à aider les hommes souffrant de problèmes érectiles.

Source : GEO.fr

Une nouvelle espèce d’abeille sauvage découverte en Autriche

nouvelle espèce d'abeille

L’espèce découverte en Autriche est une Thyreus picaron, littéralement « abeille tachetée cachée ». – © Naturschutzbund / Lorenz W. Gunzcy

 

Elle a un corps noir et des taches blanches poilues : voilà l’abeille qui vient d’être repérée en Styrie, en Autriche. Une verborgene fleckenbiene, littéralement « abeille tachetée cachée » (Thyreus picaron). Une première pour l’Europe centrale, car cette espèce est originaire de la région méditerranéenne. Selon le Conseil autrichien des abeilles sauvages, il s’agit de « la plus importante découverte d’abeille sauvage de l’année ».

Les abeilles sauvages sont parmi les insectes les plus importants. On compte à peu près 20 000 espèces d’abeilles différentes dans le monde entier, dont 1 000 en France, pollinisant d’innombrables plantes. L’abeille tachetée cachée fait partie des abeilles coucous, qui pondent leurs œufs dans les nids d’autres abeilles sauvages au lieu de construire leur propre nichoir.

C’est le biologiste Oliver Zweidick qui l’a observée dans deux zones protégées par la Naturschutzbund, l’Association de la conservation de la nature : une pente sablonneuse près de la frontière slovène et une ancienne carrière au nord de la ville de Graz.

« Le fait qu’elle apparaisse maintenant en Autriche a probablement aussi à voir avec le changement climatique, qui favorise sa propagation », précise le journal autrichien Kleine Zeitung. Jusqu’à présent, seulement cinq espèces du genre d’abeille tachetée étaient connues en Europe.

« Décision historique » pour les défenseurs des abeilles »

défenseurs des abeilles

Pour Pollinis, il s’agit d’une « décision historique ». Dans un arrêt rendu le 14 septembre, le Tribunal de l’Union européenne (UE) a invalidé plusieurs décisions de la Commission européenne qui, depuis 2018, refusait à cette ONG l’accès aux documents relatifs au blocage des « tests abeilles ». Ces protocoles scientifiques, établis en 2013 par l’Agence sanitaire européenne (EFSA) à la demande de la Commission européenne, ont pour but d’évaluer, avant leur mise sur le marché, la toxicité réelle des pesticides sur les pollinisateurs. Problème, comme le rappelait Pollinis dans un texte publié en mai dernier : ces « tests abeilles » ont depuis été révisés (ils sont désormais moins protecteurs) et surtout n’ont jamais été adoptés par les États membres. Et ce, « sans qu’aucune information sur les raisons de ce blocage n’ait été rendue publique par les institutions européennes ».

D’où la demande de l’ONG qui, désirant connaître « les raisons de ce blocage (servant) uniquement les intérêts de l’industrie agrochimique », souhaitait avoir accès à tous les documents échangés à ce propos par la Commission européenne, l’EFSA et le comité permanent des végétaux (Scopaff). L’idée, comme le dit à Reporterre Julie Pecheur, directrice du plaidoyer chez Pollinis, est de « savoir ce que notre pays a voté lors de ces réunions et quels ont été les arguments échangés de part et d’autre pour ne pas adopter ce document scientifique voulu par l’ensemble des parties prenantes, sauf l’agrochimie, le tout sans que les citoyens n’aient accès à ces informations ».

« Avec ce jugement fondamental, le Tribunal de l’UE met fin à l’opacité inacceptable qui entache une partie du processus décisionnel européen », s’est de son côté félicité dans un communiqué publié le 15 septembre Nicolas Laarman, délégué général de l’ONG.

Les papillons déclinent en France,

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66 % des espèces de papillons de jour vivant en France ont disparu d’au moins un des départements qu’elles occupaient au siècle dernier. Ce chiffre est issu d’un nouvel indicateur développé par l’Office national de la biodiversité (ONB), a indiqué l’organisation le vendredi 1ᵉʳ juillet. Pour l’établir, elle a comparé le nombre d’espèces observées dans chaque département entre les périodes 1900-2000 et 2000-2020.

Ces disparitions touchent l’ensemble de la France métropolitaine, puisque tous les départements ont perdu au moins une espèce de papillons depuis 1900. En moyenne, chaque espèce a disparu de quatre départements. Le département le plus touché est sans surprise celui de Paris, particulièrement urbanisé : plus de la moitié des espèces de papillons y a disparu.

Pollution, climat et disparition des habitats

Plusieurs études ont déjà montré le déclin des populations de papillon en France et les principales causes en sont connues : « La disparition, la transformation et fragmentation des habitats, les pollutions (notamment les pesticides) et le changement climatique », indique l’ONB.

Les papillons de jour « constituent un groupe d’espèces « ambassadeur » pour la biodiversité des insectes », souligne l’organisation. Le déclin des populations de papillons est donc un bon indicateur de la dégradation de leurs milieux de vie.

Les mésanges, un remède naturel contre les chenilles processionnaires

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photo : Une mésange bleue dans un arbre fruitier, en Alsace, en 2008.

Les chenilles processionnaires du pin et du chêne, en expansion, viennent d’être classées espèces nuisibles. Plutôt que d’utiliser des traitements chimiques, la ville de Nancy expérimente la réintroduction de mésanges, grandes consommatrices de chenilles.

« Il faut bien lever les yeux pour les voir, dit avec un sourire Yannick Andres, chef du service arbres de la mairie de Nancy, en désignant un nichoir. Ça commence à être bien habité. » Pour lutter contre la prolifération des chenilles processionnaires dans la ville, l’agent a contribué à l’installation, en janvier 2021, d’une cinquantaine de nichoirs à mésanges dans le parc Sainte-Marie. Petit oiseau discret à l’appétit ravageur, la mésange raffole des larves et semble se plaire en haut des arbres nancéiens.

En invitant les mésanges – charbonnières ou bleues – à s’installer durablement, Yannick Andres tente de rétablir un équilibre entre chenilles envahissantes et oiseaux malmenés par l’urbanisation de leur milieu naturel. « Les mésanges s’installent à la première ponte, quand elles ont besoin de nourrir les petits, au milieu du mois de mai, et là elles cartonnent », explique l’agent. Un couple de mésanges peut dévorer jusqu’à 500 larves de chenille par jour pour nourrir ses petits.

Les chenilles processionnaires du chêne et du pin prolifèrent sur le territoire français. A Nancy, c’est celle du chêne qui pose problème. Contrairement à celle du pin, elle ne se déplace pas en file indienne, mais niche dans les arbres et dépose ses poils urticants dans son nid avant sa mue. Sandra Sinno-Tellier, médecin épidémiologiste à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), surveille l’expansion des deux espèces. « Entre 2012 et 2019, on a constaté une augmentation régulière du nombre d’appels aux centres antipoison pour des intoxications liées à la chenille processionnaire du chêne », relate la scientifique.

A tel point que la chenille processionnaire du pin et celle du chêne ont été classées, par un décret gouvernemental du 25 avril, « espèces dont la prolifération est nuisible à la santé humaine », ce qui permet de multiplier les mesures de lutte contre leur propagation.

Micro-harpons

Chaque année, la plupart des cas sont recensés entre janvier et avril pour la chenille du pin, tandis que ceux liés à la chenille du chêne sont concentrés entre avril et juillet. Couvertes de poils urticants volatils, les chenilles expulsent leur couverture en cas d’agression extérieure. Mécanisme de défense redoutable, les poils chargés de toxine peuvent causer des réactions inflammatoires graves chez l’homme. La protéine toxique contenue dans le poil peut provoquer des atteintes cutanées, oculaires, digestives et même respiratoires. Très légers et invisibles, ces micro-harpons peuvent être stockés dans les nids vides pendant des mois et libérés par un coup de vent. Ainsi, de nombreux patients développent des symptômes sans jamais avoir aperçu une chenille.

Les facteurs de prolifération de la chenille sont pluriels. Selon Sandra Sinno-Tellier, également coordinatrice de la toxicovigilance de l’Anses, les premiers sont « le réchauffement climatique qui adoucit les hivers, et l’intervention humaine ». Les opérations de boisement ou de déboisement ont fait évoluer les lieux de présence de l’insecte sur le territoire français et « les processionnaires étendent progressivement leur aire d’implantation dans la partie nord de la France, y compris dans l’est de celle-ci, alors qu’elles résidaient principalement dans le Sud et l’Ouest il y a plusieurs décennies », alerte la spécialiste.

A Nancy, Yannick Andres a pris conscience du problème en 2007. « Pour la première fois, il y a eu de grosses attaques de chenilles près des habitations, alors on a été obligés d’utiliser un traitement microbiologique », se souvient l’agent. C’est pour éviter l’utilisation cyclique d’un insecticide non sélectif que la mairie a lancé l’installation de nichoirs. « Tant qu’on n’a pas de pic, elle peut suffire à réguler la chenille sur le parc », espère-t-il. Le dispositif peut être couplé à d’autres, comme la destruction de nids ou l’installation de pièges à phéromones pour éliminer les papillons.

Dahman Richter, conseiller municipal délégué aux droits, au bien-être animal et à la biodiversité, défend une « méthode de régulation douce ». Pour l’élu écologiste, âgé de 24 ans, « la lutte pour la biodiversité est liée aux questions de santé publique et de sécurité ». Il attendra toutefois de tirer un premier bilan avant d’installer de nouveaux nichoirs. Il veut également « éviter les risques de prédation [des mésanges] sur d’autres petits oiseaux ».

« Lutte biologique »

La mésange, qui a bien besoin de ce coup de pouce, s’installe à Nancy sous l’œil attentif des ornithologues de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). En France, « il y a une crise du logement chez les oiseaux cavicoles », relate Jean-Yves Moitrot, président de la LPO en Meurthe-et-Moselle. Les mésanges charbonnières et les mésanges bleues souffrent de l’urbanisation de leurs milieux naturels et de la raréfaction des cavités naturelles.

L’association soutient la « lutte biologique » menée par la mairie. « Cela semble marcher, puisque les nichoirs ont l’air occupés, mais il est difficile de voir si ça a un impact immédiat sur les populations de chenilles », s’interroge le bénévole.

Dans les faits, la chenille continue de faire des dégâts à Nancy. Au printemps, chaque année, dans son cabinet vétérinaire, le docteur Arnaud Ptak reçoit quelques dizaines de chiens et de chats en état de choc. Chez les animaux qui ont léché les insectes, il peut arriver que la langue noircisse et se nécrose. « Dans ces cas-là, il faut opérer et enlever la langue en partie ou totalement, relate le vétérinaire, qui a déjà dû procéder à ce type d’opération sur un chien. Chaque année le phénomène s’intensifie, on reçoit des cas plus graves et plus atypiques que l’année précédente. »

Même s’il soutient l’initiative de la mairie, pour Arnaud Ptak, lutter contre la chenille processionnaire, « c’est se battre contre les moulins à vent ». Au début de l’été, une fois que les chenilles seront devenues papillons, la municipalité pourra tirer un premier bilan, à la fois sur l’évolution des populations de mésanges et de chenilles.

Carla Butting(Nancy, envoyée spéciale) / Le Monde-planète, 6 mai

Mort des insectes, animaux malades… les pesticides ravagent le vivant

Une solide expertise scientifique le confirme : les pesticides détruisent la biodiversité et contaminent largement les écosystèmes, jusque dans les fonds marins.

Les pesticides sont-ils dangereux pour le vivant ? À la demande du gouvernement, quarante-six chercheurs ont planché sur la question pendant deux ans ; ils ont compilé, comparé et analysé plus de 4 000 études. La réponse, rendue publique jeudi 5 mai, tient en trois lettres : oui, ils polluent l’ensemble des milieux et fragilisent la biodiversité. Ce constat n’est pas nouveau, mais il est désormais étayé par une solide expertise scientifique.

« Il s’agit d’un état des lieux des connaissances existantes », précise Sophie Leenhardt, chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), qui a mené les travaux avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). La dernière expertise collective de cette ampleur remontait à 2005. L’objectif, selon Mme Leenhardt : « Éclairer le débat et l’action publique, sans donner d’avis ni formuler de recommandations. » À l’heure où l’État français se demande comment allouer les millions d’euros de la politique agricole commune, ce document apporte cependant des éléments accablants contre l’agriculture intensive.

Une contamination généralisée des écosystèmes

Le rapport met ainsi en évidence « une large contamination des écosystèmes » par les pesticides, en particulier dans les espaces agricoles. Chaque année, entre 55 000 et 70 000 tonnes de substances actives phytopharmaceutiques sont vendues sur le territoire français… dont une grande partie se retrouve dans l’environnement. Cette pollution « touche tous les milieux — sol, air, eau — et implique une diversité de substances, indique Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint de l’Ifremer. On retrouve les substances actives des pesticides, mais également leurs produits de transformation et leurs adjuvants. »

Par exemple, le glyphosate, un des herbicides les plus vendus, est utilisé avec des additifs permettant de renforcer son efficacité ; et quand le produit se dégrade, il se crée une nouvelle molécule également toxique, l’Ampa. « On retrouve les produits phytopharmaceutiques jusque dans les mers, le long des côtes, mais aussi dans les fonds marins, note M. Sanchez. On a même trouvé du DDT [un insecticide interdit en France depuis 1972] à des centaines de kilomètres, dans les zones proches des pôles. » Maigre consolation, les produits interdits voient leur concentration diminuer peu à peu.

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Le degré de contamination reste cependant difficile à quantifier. « La diversité des substances analysées reste limitée au regard de celles qui sont potentiellement présentes — 294 substances actives et plus de 1 500 préparations commerciales sont actuellement autorisées en France, insiste le rapport. De nombreuses substances ne sont pas recherchées, notamment parmi les plus récemment mises sur le marché. » Seule certitude : cette pollution généralisée s’immisce dans de nombreux organismes vivants – jusque dans l’urine humaine.

 

Les amphibiens et les dauphins tomberaient plus facilement malades

Sans surprise, cette imprégnation fragilise l’ensemble du vivant. Premiers menacés, celles et ceux qui vivent non loin des champs : abeilles, bourdons, coccinelles, papillons, oiseaux… « Les études disponibles permettent d’affirmer que les produits phytos sont une des causes majeures du déclin des populations » d’insectes, d’oiseaux, d’invertébrés aquatiques…, résume Stéphane Pesce, chercheur en écotoxicologie à l’Inrae. « À l’échelle européenne, il est estimé que la contamination induirait des pertes allant jusqu’à 40 % au sein des macro-invertébrés [larves ou mollusques] aquatiques. »

Ces substances chimiques ne font pas que tuer les êtres vivants. « Elles ont de nombreux effets sublétaux, souligne M. Pesce, c’est-à-dire qu’elles perturbent l’organisme », sans être mortelles. Perte d’orientation, déficience immunitaire, modification de la reproduction… « De plus en plus d’effets non attendus et sans relation claire avec le mode d’action connu sont mis en évidence, par exemple pour ce qui concerne les systèmes nerveux, immunitaire, endocrinien, ou encore les interactions avec les microbiotes », note ainsi le rapport. Les amphibiens et les dauphins tomberaient ainsi plus facilement malades.

Plantation de haies et restauration de zones humides

Les chercheurs mettent aussi en avant un effet papillon : en supprimant des insectes ou en détruisant une partie de la végétation, insecticides et herbicides diminuent les ressources alimentaires et les habitats de nombreux animaux, dont certains oiseaux. Les pesticides « agissent comme un facteur aggravant de l’état de santé des écosystèmes, classé au quatrième rang des facteurs pesant sur la nature à l’échelle mondiale », rappelle le rapport. En 2019, l’IPBES, le « Giec de la biodiversité », alertait sur la possible disparition d’un million d’espèces, à cause, entre autres, de la pollution chimique. Les pesticides seraient d’ailleurs le « premier moteur » du déclin des insectes, précisait une étude parlementaire parue en janvier dernier.

Que faire ? L’expertise collective ne s’étend pas sur le sujet, d’autres travaux étant en cours. Elle cite néanmoins quelques leviers d’actions. « Le premier levier permettant la réduction de la contamination est la diminution des quantités de produits phytopharmaceutiques utilisées », lit-on dans le rapport. Las, les politiques menées jusqu’à présent se sont révélées inefficaces pour sortir des pesticides. Les chercheurs listent des pistes prometteuses, comme la plantation de haies et la restauration de zones humides afin de créer des « espaces tampons » capables d’absorber et de dégrader une partie des substances.

Côté réglementaire, les deux instituts de recherche soulignent que d’importants progrès sont à réaliser. Car, bien que « la réglementation européenne en la matière soit une des plus exigeantes au monde, explique Laure Mamy, chercheuse à l’Inrae, elle présente des limites ». Les autorités chargées d’autoriser (ou non) les produits n’analysent pas suffisamment les effets cocktails — les conséquences de l’exposition combinée à plusieurs substances — ni les effets en chaîne d’un produit sur l’ensemble d’un écosystème. « Il faut une approche plus systémique », insiste Mme Mamy. Alors que les autorités européennes s’apprêtent à autoriser à nouveau le glyphosate, ce rapport scientifique devrait sonner comme une mise en garde.

Les araignées pélicans : des arachnides aussi méconnus qu’impressionnants

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Par Anne-Sophie Tassart

Une chercheuse du Smithsonian’s National Museum of Natural History a décrit 18 espèces d’araignées pélicans qui n’avaient jusqu’alors jamais été répertoriées. Découvrez quelques-uns de ces fantastiques arachnides en images.

Les araignées pélicans sont aussi impressionnantes que méconnues. Alors que le premier spécimen a été découvert en 1854, des études permettent encore de trouver de nouvelles espèces appartenant à ce groupe étrange d’arachnides. Ainsi, Hannah Wood, chercheuse au Smithsonian’s National Museum of Natural History (Etats-Unis), a présenté dans une étude parue le 11 janvier 2018 dans la revue ZooKeys, 18 nouvelles espèces endémiques de Madagascar.

Des araignées à l’allure incroyable

Pour pourvoir décrire ces nouveaux spécimens, la scientifique et son collègue de l’université de Copenhague (Danemark) ont examiné des centaines d’araignées provenant de plusieurs muséums et d’autres prélevées directement sur le terrain. Les analyses ont permis de séparer les arachnides étudiés en 26 espèces distinctes dont 18 n’avaient encore jamais été décrites. Hannah Wood suppose qu’il en reste encore de nombreuses à découvrir.

Les araignées pélicans ont une allure remarquable : elles ont un long cou au bout duquel se trouve une tête armée de chélicères impressionnantes qui leur ont conféré ce surnom, leur silhouette ressemblant à celle d’un pélican, oiseau doté d’un immense bec. Outre leur apparence, ces arachnides sont également remarquables de par leur façon de chasser les proies. La nuit, les araignées pélicans se jettent sur d’autres araignées, les attrapant avec leurs chélicères monstrueuses. Par ailleurs, elle affirme que les spécimens nouvellement décrits ressemblent de manière frappante aux fossiles découverts et datant pour les plus âgés de 165 millions d’années. Ces arthropodes sont aussi présents en Australie et en Afrique du Sud. Les chercheurs supposent que les ancêtres des araignées pélicans étaient disséminés sur la Pangée avant que le supercontinent ne commence à se morceler, il y a 175 millions d’années.