Biodiversité : 5 chiffres fous sur les espèces envahissantes, ce fléau planétaire silencieux

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L’IPBES, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, publie ce lundi un rapport sur les espèces exotiques envahissantes, dont les effets dévastateurs sur la planète ne cessent d’augmenter. Il est encore temps de freiner cette cause majeure d’effondrement de la biodiversité.

De la découverte des Amérique à l’essor du commerce mondial, le transport des Hommes et des marchandises s’est aussi accompagné de celui d’espèces exotiques envahissantes. Alors que ces dernières sont potentiellement dévastatrices pour l’environnement, leurs effets étaient jusqu’à présent peu documentés. Pour y remédier, l’IPBES, équivalent du Giec pour la biodiversité, publie ce lundi un « rapport d’évaluation sur les espèces exotiques envahissantes et leur contrôle ».

Le rapport du panel international d’experts réunis sous l’égide d’ONU permet de mieux appréhender les causes et conséquences de ce fléau. Il recense aussi les moyens d’agir.

  1. Dix pour cent d’espèces nuisibles

Les espèces tropicales envahissantes ou invasives sont aussi bien des animaux que des plantes. Elles sont introduites volontairement ou non par l’Homme. Au total, l’IPBES en recense plus de 37.000 dans le monde entier, dont près de 10 % sont nuisibles et constituent « une menace grave pour la nature ».

Les exemples sont nombreux : du dodo de l’île Maurice, disparu en raison de la prédation d’animaux importés par les colons (rats, chats, chiens), à l’écrevisse américaine, prédateur redoutable dans les cours d’eau français. Quant au frelon asiatique (Vespa velutina) introduit accidentellement en France par une cargaison de poteries de Chine, il décime les abeilles et leurs services écosystémiques.

  1. Cinquième cause d’effondrement de la biodiversité

Ces espèces invasives prolifèrent et causent des dommages irréversibles à la Nature. Elles ont un « rôle majeur dans 60 % des extinctions de plantes et d’animaux dans le monde », indique l’IPBES. Pire, elles sont le seul facteur de « 16 % des extinctions mondiales d’animaux et de plantes ».

Résultat : elles constituent désormais la cinquième cause de l’effondrement de la biodiversité, au même titre que le changement climatique, la pollution, les changements dans l’utilisation des terres et des mers ou encore l’exploitation directe des espèces. Elle était jusqu’à présent « la moins connue et comprise », souligne Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS spécialiste des questions de biodiversité.

  1. Un coût annuel de plus de 423 milliards

Leur coût économique mondial dépassait les 423 milliards de dollars par an en 2019, souligne le rapport. Mais cette estimation n’est que « la partie émergée de l’iceberg », alerte Franck Courchamp, une grande partie des effets des espèces invasives n’étant pas documentés. Ce montant provient essentiellement (à 90 %) des dommages causés par ces espèces invasives, des pertes agricoles aux sinistres sur le bâti en passant par les dégâts sur les infrastructures.

Seulement 10 % de ces coûts financent la prévention. Un faible investissement d’autant plus inquiétant que ces coûts ont au moins quadruplé chaque décennie depuis 1970. Et la hausse devrait rester exponentielle avec l’essor des échanges internationaux et le changement climatique.

  1. Une menace pour l’Homme dans 85 % des cas

Ces espèces menacent directement l’Homme avec 85 % des impacts recensés qui « ont une incidence négative sur la qualité de vie des populations », selon le rapport. Ces espèces véhiculent des maladies, comme le paludisme , Zika ou encore la fièvre du Nil occidental.

Par ailleurs, ce fléau nuit aux moyens de subsistance de l’Homme. Le rapport cite l’exemple du lac Victoria (plus grand lac d’Afrique) où la pêche a décliné en raison de la propagation de la jacinthe d’eau, « l’espèce exotique envahissante terrestre la plus répandue », précise l’IPBES.

  1. Des lois dans seulement 17% des pays

L’IPBES déplore que seuls 17 % des pays disposent de lois spécifiques pour lutter contre ces espèces invasives. Pourtant, des mesures pourraient freiner ce fléau : plus de prévention, un meilleur contrôle, le confinement ou même l’éradication ont prouvé leur efficacité. Le lapin de garenne ou le rat noir ont ainsi disparu de Polynésie française.

L’idée d’une gouvernance mondiale sur ces sujets est aussi avancée. « La bonne nouvelle, c’est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion », se réjouit Anibal Pauchard, coprésident de l’évaluation. Encore faut-il que les Etats et les citoyens mesurent l’ampleur de ce sujet.

 

 

Source : Les Echos, Mathilde Golla, Publié le 4 sept. 2023

Photo : Le moustique tigre transmet la dengue ou Zika. (SIPA)

Jour du dépassement : à partir du 2 août 2023, l’humanité tapera dans le « capital » de la Terre

le bois

Loïc Chauveau le 01.08.2023

Au cours des cinq prochains mois et à partir du 2 août, la consommation des biens et produits des humains excédera la capacité annuelle de la Terre à les produire. Cet indicateur stagne depuis une décennie, démontrant ainsi que les grands accords internationaux sur l’environnement ne sont pas encore entrés en application.

Ce 2 août sera le « jour du dépassement ». À partir de cette date, le bois notamment, ne peut plus être reconstitué par les capacités biologiques de la planète.

Pixabay

Ce 2 août sera le « jour du dépassement ». À partir de cette date, l’énergie, la nourriture, le bois, les poissons, etc. ne peuvent plus être reconstitués par les capacités biologiques de la planète. L’activité humaine utilise donc des ressources non renouvelables provoquant l’épuisement de la Terre. Cela fait désormais vingt ans cette année que la Fondation pour les données sur l’empreinte écologique (FodaFo) issue de l’ONG Global Footprint Network (GFN) et de la Faculté des études environnementales de l’Université de York à Toronto (Canada) publie cet indicateur imageant l’impact de l’humain sur les milieux naturels.

Ce jour du dépassement est calculé à partir des surfaces nécessaires pour produire les ressources consommées et la capacité des espaces (champs cultivés, forêts, zones de pêche) à renouveler ces prélèvements. Actuellement, la biocapacité de la Terre est évaluée à 12,1 milliards d’hectares, soit 1,6 hectare par habitant en moyenne. 32 % de ces surfaces sont des terres cultivées, 12 % des pâturages, 43 % des forêts, 9 % des pêcheries et 4 % des terres productives occupées par les routes et les infrastructures urbaines. La surconsommation actuelle est de 21 milliards d’hectares soit 1,75 planète Terre. Pays développé et donc bien plus consommateur que les pays en développement, la France voit son jour de dépassement rester au 5 mai, comme en 2022. Pour assurer le niveau de vie d’un Français, il faudrait 2,86 Terres.

60% de l’empreinte écologique provient des émissions de gaz à effet de serre

Cette empreinte écologique est nourrie par les diverses statistiques des différents organismes de l’ONU comme le Fonds pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). En utilisant les données anciennes, on peut ainsi remonter dans le temps. Ainsi, en 1970, le dépassement s’est effectué le 29 décembre, en 1980 le 4 novembre, en 2000 le 23 septembre et en 2010, le 7 août. En 2022, c’était le 28 juillet. La date du 2 août pourrait donc constituer le signal que le combat écologique engrange ses premiers résultats. Ce n’est pas le cas.

« En réalité, ces cinq jours n’ont pas été gagnés par un effort international mais par l’utilisation de nouvelles données plus précises, pondère Jean Rousselot, spécialiste des questions d’eau au WWF France. Ainsi, les déclarations de productions aux niveaux nationaux sont plus justes, les données de production des cultures et pâturages ont été revues et l’empreinte s’est affinée avec les progrès scientifiques sur la séquestration de carbone par les océans. » L’empreinte de 2022 a ainsi été recalculée au 1er août, ce qui ne fait qu’un gain de 24 heures, le premier cependant enregistré depuis 1970. En revanche, le GFN ne peut préciser si cette journée est due à un ralentissement de la croissance mondiale ou aux premiers effets des efforts de décarbonation de l’industrie et des services internationaux.

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L’évolution du jour du dépassement depuis 1970. Une stagnation est constatée depuis environ une décennie mais pas de progrès enregistré. © GFN

Car 60% de l’empreinte écologique proviennent des émissions de gaz à effet de serre. Le changement climatique qui en découle affecte directement la biocapacité de la planète. « Pour tenir la feuille de route climatique recommandée par les experts du Giec – soit une réduction des émissions mondiales de 43 % d’ici à 2030 -, il faudrait parvenir à gagner au moins 19 jours par an sur les sept prochaines années« , signale Jean-Louis Bergey, expert national de la direction Exécutive Prospective et Recherche (DEPR) de l’Ademe. Ainsi, la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre telle qu’adoptée principalement par l’Union européenne au niveau mondial avec son « Green deal » permettrait de voir le jour du dépassement s’effectuer à la mi-novembre dès 2030. Un véritable retournement de tendance.

Des solutions existent mais elles ne sont pas pleinement appliquées

GFN a ainsi calculé les gains cumulés des actions qui doivent être entreprises dans cinq secteurs pour retrouver une consommation qui respecte les limites planétaires : l’environnement, l’énergie, la nourriture, les villes et la population. Et c’est, sans surprise, l’action climatique, notamment à travers la taxation des émissions de CO2, qui permet le plus grand gain avec 63 jours effacés de la colonne débit. Plus discutée, la seconde solution la plus efficace selon l’ONG est la limitation des naissances (un enfant de moins par famille et recul du premier enfant pour chaque femme de deux ans) avec un gain estimé de 49 jours si en 2050 la population est à 7,7 milliards d’humains contre 9,7 milliards selon la tendance de croissance actuelle. La troisième solution sur le podium, ce sont les politiques publiques du type « Green deal » accélérant la décarbonation des activités humaines avec 42 jours gagnés.

Des solutions existent donc pour respecter la capacité de la Terre à renouveler les services rendus à l’humanité. Mais elles ne sont pas encore appliquées. « Le fait que le jour du dépassement stagne montre que l’on n’a par exemple pas encore mis en œuvre l’accord de Paris sur la réduction des gaz à effet de serre », note Jean Rousselot.

Bretagne : Le périmètre de la réserve des Sept-Îles passe de 280 à 19.700 hectares

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Un décret publié vendredi 21 juillet au Journal officiel vient d’officialiser son extension.

Avec plus de 20.000 couples d’oiseaux marins et 27 espèces nicheuses, c’est la plus importante réserve naturelle du littoral français. Véritable sanctuaire de la faune sauvage, l’archipel des Sept-Îles dans les Côtes-d’Armor voit son rôle renforcé. Selon un décret publié vendredi au Journal officiel, sa superficie vient ainsi d’être considérablement étendue, passant de 280 à 19.700 hectares.

Réclamée depuis longtemps par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), cette extension « se justifie pour protéger le patrimoine naturel marin, notamment les forêts de laminaires et les champs de gorgones, les hauts plateaux rocheux et les espèces qui en dépendent », selon le décret.

Le refuge des fous de Bassan et des macareux moines

Elle vise également à « renforcer la préservation de l’avifaune marine nicheuse particulièrement riche et diversifiée sur ce secteur ainsi que celle de la colonie de phoques gris », ajoute le texte. L’île Rouzic par exemple abrite la quasi-totalité des populations de fous de Bassan et de macareux moine de l’hexagone.

« Tout le monde à conscience de l’importance et de la richesse de la réserve. C’est une bonne chose », a réagi le maire de Perros-Guirec Erven Léon, rappelant que « ce décret est le résultat d’un long processus qui visait à l’extension de la réserve. » « Ce qui était important c’était le maintien des activités humaines, précise l’élu. Dans la zone de quiétude cela permet de maintenir les activités, de pêche, le nautisme et le tissu associatif. » En 1912, les Sept-Îles étaient devenues le premier espace protégé français de droit privé sous le statut de réserve ornithologique, grâce à la LPO.

Source : 20 Minutes/AFP, 24 juillet

Arbres : les avantages du mélange d’essences

combinaison d'arbres

Loïc Chauveau

La combinaison de plusieurs espèces (pins, bouleaux, chênes…) augmente la biomasse et le carbone stocké tout en réduisant les attaques de ravageurs (ici à Cestas, Gironde).

R.SEGURA – BIOGECO – INRAE

 

47 % des peuplements en France sont considérés comme « monospécifiques » par l’Inventaire forestier national. Pourtant, le mélange d’essences apporte de nombreux bénéfices.

Une même espèce d’arbres plantée en lignes, est-ce bien raisonnable ? La question se pose depuis les tempêtes de 1999 qui ont vu 200.000 hectares de la forêt de pins landaise être détruits par les vents.

De nombreux bénéfices

47 % des peuplements en France sont considérés comme « monospécifiques » par l’Inventaire forestier national. Depuis une vingtaine d’années, le réseau scientifique Treedivnet compare la productivité des espaces en monoculture avec ceux où les essences sont mélangées. « Ici, à Cestas (Gironde), nous observons ainsi les mélanges de pins maritimes avec des bouleaux, des chênes pédonculés et des chênes verts « , expose Hervé Jactel, qui gère 12 hectares où se côtoient 256 placettes en mélange.

Lire aussiUn an après les feux, les Landes veulent se réinventer

Dans les Landes, comme partout ailleurs dans le monde, le match donne toujours le même résultat : la production de biomasse est supérieure de 25 % pour les mélanges, le carbone stocké par les arbres augmente de 70 % et les attaques de ravageurs diminuent de 40 à 50 %.

Un changement encore difficile

« Il y a trois sortes d’explication, note Hervé Jactel. En mélange, on peut planter plus d’arbres à l’hectare parce qu’ils occupent des hauteurs de canopée et des profondeurs de racines différentes. Ensuite, chaque espèce d’arbre aide sa voisine à fertiliser le sol. C’est le cas du bouleau avec le pin. Enfin, le mélange leurre les insectes ravageurs spécialisés dans une espèce d’arbre, qui ont ainsi plus de mal à trouver pitance.  » Le mélange des essences représente donc une solution séduisante.

Sauf que la plantation d’une seule espèce en ligne reste la seule à pouvoir être exploitée industriellement. Les professionnels du bois tendent à enregistrer une première évolution en ce sens : le bocage forestier, qui consiste à planter des feuillus en bordure des alignements de résineux, est une idée qui progresse. De fait, les incendies de 2022 ont au moins montré que ces « haies » arborées ralentissaient l’avancée du feu.

Sortie du film « Algues vertes » ou le récit d’un mensonge d’Etat en Bretagne (et aujourd’hui les algues vertes ? )

Ines Léraud

Sylvie Rouat

Le film Les Algues vertes de Pierre Jolivet et Inès Léraud est sorti sur les écrans le mercredi 12 juillet 2023. Il s’agit à la fois d’une enquête journalistique fouillée sur un scandale environnemental et sanitaire affectant le littoral breton et ayant provoqué des morts, et du portrait sensible d’une enquêtrice confrontée à des hommes coupables et victimes à la fois, otages sans retour de l’engrenage du système agro-alimentaire industriel mis en place après la Seconde guerre mondiale. Un véritable coup de poing à l’estomac.

Directement inspiré du roman graphique d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove, Algues vertes. L’histoire interdite (2019, plus de 150.000 exemplaires vendus), le film éponyme de Pierre Jolivet est sorti le 12 juillet 2023 sur les écrans. Cette fois, ce n’est plus la seule dénonciation d’un scandale sanitaire et environnemental, car le réalisateur a décidé d’en faire une fiction centrée sur le personnage de la journaliste indépendante – joué par Céline Sallette – qui enquête sur la pollution du littoral breton par les algues vertes.

On suit son cheminement depuis Paris et les antennes de France Culture, radio pour laquelle elle travaille, jusqu’à cette petite communauté rurale des Côtes-d’Armor où elle pose en 2015 ses bagages, le temps de l’enquête, pense-t-elle. Ses entretiens avec les acteurs de ce monde agricole vont d’abord nourrir son Journal breton, diffusé sur la radio nationale. « Elle découvre peu à peu l’omerta imposée autour de la question des algues vertes par les élus locaux et régionaux. Ainsi que les syndicats agricoles, avec en tête de pont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), le syndicat majoritaire agricole en France, qui participe directement à la nomination des ministres de l’Agriculture », selon l’enquêtrice.

Le dossier noir des algues vertes s’ouvre dans les années 1980. A cette époque, les plages bretonnes sont régulièrement envahies par ces fines pellicules vertes qui s’amassent sur les plages et y pourrissent. On s’y habitue, on apprend à ne pas glisser sur ces tapis gluants durant les vacances. La presse s’en alarme. Mollement. Certaines plages, trop polluées, sont délaissées par les touristes.

 

En juin 1989, le corps d’un joggeur de 27 ans est découvert dans des amas d’algues vertes en décomposition sur la plage de Saint-Michel-en-Grève (22). Alerté par l’odeur pestilentielle qui émane du corps, le Dr Philippe, médecin urgentiste, réclame une autopsie… dont le rapport se perd ! Dix ans plus tard, un conducteur de tractopelle qui ramassait des algues sur cette même plage perd connaissance au volant de son engin. Secouru par deux joggeuses par ailleurs infirmières, il demeure dans le coma pendant cinq jours.

Dans les années qui vont suivre, deux gros chiens (plage d’Hillion, près de Saint-Brieuc en 2008) et un cheval (Saint-Michel-en-Grève en 2009) vont trouver la mort sur des plages engluées d’algues vertes. En cette même année 2009, Thierry Morfoisse, un transporteur routier qui venait de vider trois énormes chargements d’algues vertes, a été retrouvé mort au volant de son camion. Deux ans plus tard, les cadavres de 36 sangliers sont découverts dans l’estuaire du Gouessant à Morieux. C’est là aussi que l’on trouvera, en 2016, le corps sans vie de Jean-René Auffray, un sportif sans antécédent médical de 50 ans, venu faire un jogging matinal. En 2019, un jeune ostréiculteur de 18 ans décède brutalement en baie de Morlaix, alors que des associations environnementales avaient alarmé les autorités publiques d’une inquiétante marée d’algues vertes sur ces côtes.

sangliers et algues vertes

Découverte de corps de sangliers victimes des algues vertes. Extrait du film de Pierre Jolivet.

A chaque fois, une chape de plomb politique et économique empêche ou caviarde les autopsies, annule les résultats d’analyses, clôture prématurément les enquêtes… « Tout le monde a peur dans cette affaire, explique dans le film le personnage incarnant le vice-président du Conseil régional chargé de l’environnement à la région Bretagne. Les algues vertes sont un véritable fléau pour la Bretagne. Un décès humain dû aux algues vertes aurait des conséquences dramatiques sur le tourisme, donc l’immobilier, et plus largement sur le modèle agricole développé en Bretagne. C’est un sujet hautement politique. »

« Un décès humain dû aux algues vertes aurait des conséquences dramatiques sur le tourisme, l’immobilier et surtout le modèle agricole breton »

Le premier coupable est en fait l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz toxique à l’odeur d’œuf pourri dégagé par les algues vertes en décomposition. Plus lourd que l’air, il s’accumule au niveau du sol quand il n’y a pas de vent. Lorsqu’elles pénètrent les voies respiratoires, ces poches empoisonnées peuvent tuer comme autant de mines invisibles. Les autres coupables, humains, sont historiques, économiques et bancaires. Loin d’être une charge contre les agriculteurs bretons, ce film sensible fait entendre des voix justes, souvent poignantes. De fait, les héritiers de terres souvent ancestrales sont eux-mêmes les victimes et otages d’un système industriel d’agriculture imposé par l’État après la Seconde guerre mondiale, dans le cadre du plan Marshall. Les décennies qui ont suivi ont transformé une société de petits paysans, pour nombre d’entre eux miséreux, en une industrie agro-alimentaire prospère, devenue l’un des fleurons de l’industrie française. « L’exportation de poulets français au Moyen-Orient rapporte plus que les ventes d’armes », explique dans le film Inès Léraud.

Au cours de son enquête, les questions de la journaliste se heurtent à des fins de non-recevoir des préfectures, à des menaces de procès en diffamation. Dans le même temps, la population porcine atteint les 14 millions de têtes, quatre fois plus que le nombre d’habitants, selon la journaliste et co-auteure du scénario, qui s’est aujourd’hui installée durablement en Bretagne.

agriculteur et algues vertes

Confrontation avec un agriculteur en souffrance. Extrait du film.

Ce film clé, qui s’attache à la véracité des faits, nous plonge dans le monde agricole contemporain, en souffrance silencieux et pourtant quasiment absent de l’univers cinématographique ! Dans le même temps, les eaux saturées de nitrates des rivières bretonnes continuent à alimenter les algues vertes et à polluer l’eau potable.

Aujourd’hui:

« Le phénomène est en décroissance par rapport à il y a vingt ans » : une prolifération d’algues vertes limitée en Bretagne

Le Parlement européen donne un premier feu vert au projet de restauration des écosystèmes

parlement européen

Sciences et Avenir avec AFP

Le Parlement européen a donné mercredi 12 juillet 2023 un premier feu vert au projet de loi de restauration des écosystèmes, un texte-phare du Pacte vert de l’UE proposé par Bruxelles auquel s’opposaient les élus de droite et d’extrême droite.

Cette législation vise à imposer aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité. Les eurodéputés devront désormais en négocier le contenu avec les Etats membres.

« Nous sommes au rendez-vous de notre avenir »

C’est un échec pour les conservateurs du PPE qui avaient dénoncé un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique. Ils avaient proposé une motion de rejet de l’intégralité du texte, qui a été écartée à une courte majorité. Le Parlement européen a cependant approuvé mercredi une version du texte « largement édulcorée » par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne, selon les écologistes. Cette position a recueilli 336 voix pour (300 contre, 13 abstentions).

Le rapporteur du texte, l’eurodéputé espagnol César Luena (S&D, gauche) a salué une « victoire collective » et « une bonne nouvelle pour la nature, les États membres et l’UE elle-même ». « Nous sommes au rendez-vous de notre avenir », s’est également réjoui sur Twitter l’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement. « L’opération de l’extrême droite et de Manfred Weber (le président du PPE) a échoué ».

« Victoire au goût amer »

L’ambition du texte a toutefois été revue nettement à la baisse. La position du Parlement est proche de celle adoptée le 20 juin par les Etats membres. « Le texte est totalement vidé de sa substance », a affirmé Anne Sander, rapporteure PPE du texte pour la commission Agriculture. Mais le groupe conservateur estimait avoir défendu une ligne soutenue par de nombreux électeurs, notamment du monde agricole, hostiles à des régulations environnementales qu’ils jugent excessives.

« Je suis bien sûr déçu, mais notre engagement n’a pas été vain. Je continuerai à défendre la volonté des habitants des zones rurales« , a déclaré l’élu conservateur allemand Peter Liese. L’eurodéputée écologiste Caroline Roose a reconnu une « victoire au goût amer » et déploré « l’obstruction de la droite » aboutissant à l’adoption d’une version « largement édulcorée ». Le projet de législation vise à enrayer le déclin de la biodiversité et à mieux contrer le changement climatique en imposant de réparer les écosystèmes abîmés.

Jusqu’à 70% des sols sont en mauvaise santé

Pollution, urbanisation, exploitation intensive… selon Bruxelles, plus de 80% des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70% des sols sont en mauvaise santé. Le texte proposé mi-2022 par la Commission européenne imposerait aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent.

Des eurodéputés de gauche et du centre avaient dénoncé une opération politicienne du chef du PPE Manfred Weber, évoquant une stratégie de rapprochement avec l’extrême droite. Une posture électoraliste, selon eux, à un an du scrutin européen de juin 2024. Les conservateurs, de leur côté, avaient brocardé un texte mal conçu et contre-productif. « Le Parlement européen a voté en faveur d’objectifs juridiquement contraignants visant à restaurer les zones naturelles dégradées », s’est cependant réjoui Greenpeace, saluant « le premier texte législatif depuis 30 ans pour protéger la biodiversité dans l’UE ».

Qu’est-ce que les NGT, ces « nouveaux OGM » qui font débat ?

NGT:Nouvelles techniques génomiques

IGOR STEVANOVIC / SCIENCE PHOTO / IST / Science Photo Library via AFP

Rachel Mulot

On les appelle NGT (« new genomic techniques », en français, « nouvelles techniques génomiques ») ou NBT (« new breeding techniques », en français « nouvelles techniques de sélection »). Depuis 2018, elles sont classées comme OGM et leur culture est donc interdite dans l’Union européenne, leur importation autorisée sous condition d’étiquetage. Aujourd’hui, la Commission européenne demande un assouplissement de ces règles, « pour aider à assurer la sécurité d’approvisionnement alimentaire ».

À l’heure actuelle, il n’existe aucun produit obtenu par des NGT commercialisés dans l’UE. En dehors de l’UE, il existe un soja avec un profil d’acide gras plus sain.

Après trois années d’études impliquant notamment l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Centre commun de recherche (JRC), la Commission européenne propose de revoir ses règles sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) afin de lever les restrictions sur certaines plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NGT). Selon l’exécutif européen, la directive OGM de 2001 n’est plus « adaptée » à ces biotechnologies qui permettraient aux agro-industriels de fabriquer des semences plus résistantes au changement climatique tout en utilisant moins d’engrais ou pesticides

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait estimé quant à elle en 2018 que la directive de 2001 s’étendait bien aux nouvelles techniques de modification du génome, quelles que soient leurs promesses. Dans ses conclusions, nourries par des scientifiques, la CJUE estimait ainsi que les « organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM (…) soumis aux obligations prévues par la directive 2001/18 », celle-ci devant inclure les organismes issus des techniques apparues depuis son adoption.

Un génome modifié sans insertion d’ADN étranger

À la différence de la transgenèse, la mutagenèse est un ensemble de techniques permettant d’altérer ou modifier le génome d’une espèce vivante sans insertion d’ADN étranger. Les techniques de mutagenèse ont permis de développer des variétés de semences résistantes à des herbicides sélectifs. Récemment, elles ont aussi servi à la sélection d’un blé résistant à la dévastatrice rouille noire, en exposant des semences à des rayonnements ionisants. Elles peuvent également recourir, dans le cas de la cisgenèse, aux ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9, mis au point par la Française Emmanuelle Charpentier. Exception à la règle : « les organismes obtenus par des techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps sont exemptés de ces obligations, précisait en 2018 la Cour de justice de l’Union européenne, étant entendu que les États membres sont libres de les soumettre, dans le respect du droit de l’Union, aux obligations prévues par la directive ou à d’autres obligations« . La sélection de plantes portant des caractères d’intérêt agronomiques est pratiquée depuis des siècles.

Dans sa proposition de juillet 2023, la Commission européenne suggère de diviser les NGT en deux catégories, en exonérant de la législation sur les OGM les NGT donnant lieu à des modifications pouvant survenir naturellement ou via un processus de sélection par mutagenèse ou cisgenèse. Tous les autres produits NGT seraient traités de la même manière que les OGM, avec une évaluation des risques et une demande d’autorisation.

Un soja, une tomate… très peu de NGT commercialisés aujourd’hui dans le monde

« À l’heure actuelle, il n’existe aucun produit obtenu par des NGT commercialisés dans l’UE, précise le service de communication de l’UE. Il existe quelques produits commercialisés en dehors de l’UE : un soja avec un profil d’acide gras plus sain, une tomate enrichie d’acide gamma-aminobutyrique et une bactérie pour féconder le sol agricole. » En revanche, « de nombreux produits sont en phase de pré-commercialisation, et encore plus sont en cours de développement. » C’est l’incertitude pesant sur les récoltes à venir avec le changement climatique en cours, ainsi que le souci de compétitivité qui a poussé certains législateurs à demander un assouplissement des règles. Les procédures d’autorisation (lire l’encadré ci-dessous) sont longues, et l’étiquetage « OGM » peut rebuter les consommateurs, certains ignorant d’ailleurs que le bétail dont ils se régalent est parfois nourri avec des aliments importés et génétiquement modifiés.

La proposition doit être encore approuvée par le Parlement européen et le Conseil européen. Les écologistes estiment que ces « nouveaux OGM« , qui impliquent une modification génétique, doivent rester soumis aux règles actuelles. Rappelons que c’est la Confédération paysanne, alliée à diverses associations françaises qui avait obligé le Conseil d’Etat français et la Cour de justice de l’Union européenne à clarifier leur position et leur expertise sur ces techniques émergentes de génomique et de sélection.

OGM : quelle définition pour quelle législation ?

Un organisme génétiquement modifié (OGM) est un « organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » selon l’article 2.2 de la Directive européenne 2001/18. En Europe, les OGM utilisés pour l’alimentation humaine font l’objet d’une régulation stricte. Avant d’être autorisée à l’importation ou à la production en Europe, chaque culture est ainsi soumise à un protocole visant à « protéger la santé humaine et l’environnement « , qui inclut une évaluation au cas par cas des risques pour l’environnement et la santé. Chaque produit fabriqué avec des OGM et commercialisé en Europe doit par ailleurs être étiqueté, par souci de transparence. Le lait, les œufs et la viande issus des animaux nourris avec des OGM sont les exceptions notables à cette règle. Les principales lois qui réglementent les OGM sont la Directive 2001/18, le Règlement 1829/2003 et le Règlement 1830/2003. Ces textes n’interdisent pas la dissémination d’OGM ou de produits dérivés d’OGM dans l’environnement. Mais ils exigent l’évaluation des risques, la détectabilité et l’étiquetage. Enfin, c’est la Directive 2001/18, aujourd’hui contestée, qui détermine si un organisme doit se soumettre ou non à la réglementation relative aux OGM.

« Le phénomène est en décroissance par rapport à il y a vingt ans » : une prolifération d’algues vertes limitée en Bretagne

Des algues vertes à Plonevez-Porzay dans le Finistère le 19 septembre 2010

Sciences et Avenir avec AFP l

« Le phénomène est en décroissance par rapport à il y a vingt ans, assure l’expert Sylvain Ballu. Des efforts ont été faits, les concentrations en nitrate ont baissé de façon importante ».

 

La prolifération des algues vertes « n’est pas à un niveau très élevé pour le début de saison » en Bretagne, selon Sylvain Ballu, chef de projet surveillance marées vertes au Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva).

Un phénomène en régression 

« On a fait deux survols (en avion) qui ont permis de constater qu’on n’est pas à un niveau très élevé pour le début de saison« , a estimé M. Ballu auprès de l’AFP, alors que l’intérêt médiatique sur le sujet est ravivé par la sortie le 12 juillet du film « Les algues vertes« , réalisé par Pierre Jolivet.

« Le phénomène est en décroissance par rapport à il y a vingt ans. Des efforts ont été faits, les concentrations en nitrate ont baissé de façon importante : les cours d’eau de la baie de Saint-Brieuc sont passés quasiment de 40 à 22 mg » par litre, a-t-il ajouté, notant toutefois qu’en cas de « conjonctions météo défavorables » de « grosses proliférations » pouvaient être redoutées. « Par rapport aux années 1980-1990, on a beaucoup de sites qui en avaient beaucoup et qui n’en ont plus, ou plus beaucoup : on a eu une régression dans pas mal de secteurs« , a-t-il déclaré.

La baie de Saint-Brieuc concentre une grande partie des échouages d’algues vertes

L’expert a également rappelé que la baie de Saint-Brieuc représentait habituellement la moitié de l’échouage régional des algues vertes et cette année encore cette baie en « V », très protégée de la houle, concentre une grande partie des échouages.

Ainsi, le 21 juin, le conseil municipal de Saint-Breuc, dans un arrêté, a interdit l’accès à une plage de la ville, compte tenu de « l’impossibilité technique de collecter ces algues vertes » et « considérant que l’accès à la zone d’émanation et de diffusion d’hydrogène sulfuré présente un danger pour la sécurité publique« . Les algues vertes, quand elles se décomposent, émettent du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel à forte dose.

Le 7 juin, dans le cadre du Plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) 2022-2027, copiloté par l’État et la région Bretagne, huit baies bretonnes touchées par ces proliférations se sont engagées à réduire les flux d’azote (nitrates) vers les cours d’eau. Les financements associés à ces huit contrats territoriaux s’élèvent à 18,3 millions d’euros, d’après un communiqué de presse commun. Le plan de lutte contre les algues vertes avait été initié en 2009.

Le Parlement européen rejette la loi sur la restauration de la nature

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 Loïc Chauveau

Aucune majorité n’a pu se dégager au Parlement européen lors du vote ce 27 juin 2023 de la Commission environnement sur la loi sur la restauration de la nature. Un nouveau scrutin de l’ensemble du parlement aura lieu le 12 juillet prochain.

Après le refus des Commissions « agriculture » et « pêche » d’examiner la proposition de loi sur la restauration de la nature émanant de la Commission européenne, c’est au tour de la commission « environnement » de rejeter le texte ce 27 juin 2023. Les 88 députés membres de la commission n’ont pu se départager. La droite et l’extrême droite ainsi qu’une partie des parlementaires du groupe centriste Renew (où siègent les députés macronistes) ont voté contre, la gauche et l’autre partie de Renew pour, avec au final une égalité parfaite à 44 voix partout. La commission de l’environnement présentera donc la proposition de loi devant le Parlement lors de la session de juillet. Celui-ci devra alors prendre position.

Une politique qui prônait deux voies

Ce rejet satisfait les lobbies agricoles et maritimes qui ont combattu le texte au nom de l’autonomie alimentaire de l’Europe. Le texte proposait en effet que chaque État membre restaure les fonctions écologiques des milieux impactés par l’activité humaine ainsi que la fertilité des sols. Une politique qui prônait deux voies : l’une de régénération naturelle par exemple en laissant l’eau envahir de nouveau des tourbières exploitées par l’agriculture, l’autre d’ingénierie écologique par la plantation de haies, la réduction des parcelles, l’arrêt des pesticides, etc. Pour les lobbies agricoles comme pour le Parti populaire européen (PPE) de droite où siègent les députés Les Républicains, ces mesures vont à l’encontre de la productivité de l’agriculture européenne et met donc à mal l’autonomie alimentaire du continent.

Un vote contraire aux constats scientifiques

Ce n’est pas du tout le constat des scientifiques travaillant sur les questions de biodiversité et de changement climatique. Dans deux pétitions distinctes, ces chercheurs ont rappelé que la détérioration des terres avait pour origine une surexploitation des sols, des épandages trop massifs d’engrais chimiques et de pesticides menant à une perte de fertilité constatée par une stagnation, voire une baisse des rendements des principales cultures comme celle du blé en France. Ces textes rappellent par ailleurs que l’agriculture intensive génère 20% des émissions de gaz à effet de serre en Europe alors qu’elle en est la principale victime du fait de la multiplication des vagues de chaleur, des précipitations violentes et des sécheresses.

Ce vote négatif intervient une semaine après une réunion du Conseil des ministres de l’Environnement qui ont rappelé pour l’occasion que les 26 Etats membres soutenaient le projet de règlement sur la restauration de la nature « en appelant les Etats membres à poursuivre les efforts d’adoption de l’ensemble des législations du Pacte vert et en insistant sur la nécessité pour l’Union européenne de traduire très concrètement dans sa législation les engagements pris lors de la COP15 biodiversité en fin d’année 2022″.

Éclairage MÉDIAPART

Au Parlement européen, même la plus écolo des commissions vote contre la biodiversité

Les membres de la commission environnement ont majoritairement rejeté mardi le règlement sur la restauration de la nature, pierre angulaire de l’Europe en faveur de la biodiversité. Ce vote alerte sur le recul de l’écologie à Bruxelles, sous la pression de la droite et de l’extrême droite. 

Trois commissions parlementaires ont examiné le texte. Et les trois l’ont rejeté en bloc. Celles de l’agriculture et de la pêche, comme celle de l’environnement, qui s’est prononcée ce mardi 27 juin. Présidée par le macroniste Pascal Canfin, elle est pourtant réputée progressiste sur les questions environnementales.

« Pacte vert » : la droite européenne panique à l’idée de perdre le vote agricole

 

Adoption du traité sur la haute mer : « C’est historique »

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Les Nations unies ont adopté, le 19 juin, le premier traité de protection de la haute mer. Il s’agit d’une avancée importante pour préserver ces eaux menacées par les activités industrielles, selon Klaudija Cremers, de l’Iddri.

Klaudija Cremers est chercheuse en politique maritime internationale à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

 

Reporterre — Lundi 19 juin, les États membres des Nations unies ont adopté un traité pour protéger la haute mer — aussi appelée « eaux internationales » –, qui couvre plus de 60 % des océans et ne faisait jusqu’à présent l’objet d’aucune régulation. Y a-t-il de quoi se réjouir ?

Klaudija Cremers — C’est un traité historique, et une grande victoire pour la communauté environnementale et internationale. Ce texte permet aux États d’avoir un espace de coordination et de coopération. C’est essentiel pour s’assurer qu’on ne pense pas qu’aux activités économiques, et que l’on protège les espèces qui vivent dans ces eaux. Compte tenu de l’état du multilatéralisme, on peut vraiment être très contents de ce résultat.

Quelles dispositions contient ce texte ?

Le premier élément, c’est les ressources marines génétiques [c’est-à-dire le matériel génétique tiré des animaux, végétaux, champignons, virus et microbes des fonds océaniques, qui attirent la convoitise des industries pharmaceutiques et chimiques]. Le traité prévoit un système pour les partager. C’est un sujet clé pour les pays en développement, car pour le moment, c’est « premier arrivé, premier servi ». Il y aura maintenant des obligations pour partager les bénéfices monétaires et non monétaires de leur exploitation — par exemple les données obtenues pendant des missions.

Le texte prévoit également, pour la première fois, un processus pour créer des aires marines protégées en haute mer. C’est vraiment révolutionnaire. Les aires créées via ce traité seront reconnues par tous les pays membres des Nations Unies. C’est essentiel pour atteindre l’objectif de protection de 30 % des terres et des mers, qui a été défini en décembre dernier lors de la COP15 biodiversité. Il avait peu de chance d’être atteint seulement grâce aux aires marines protégées installées dans les eaux territoriales.

Le texte traite par ailleurs du renforcement des capacités et du partage des technologies marines. C’est très important, notamment pour les pays en développement : ça leur permettra d’atteindre leurs objectifs et de mettre en œuvre le traité. Certains pays, par exemple, disposent de technologies satellitaires. Quand on aura des aires marines protégées en haute mer, ils pourront partager ces technologies avec les pays en développement pour mieux contrôler ces zones.

L’accord définit également quand et à quel moment les entreprises devront réaliser des études environnementales avant de conduire une activité économique en haute mer. On est très contents que des règles soient définies, quand on pense à toutes les nouvelles activités qui risquent d’être développées dans les prochaines années. La Chine, par exemple, a très envie de développer l’aquaculture en haute mer.

Cette partie du texte est sûrement la moins ambitieuse. Ce sont les États qui seront en charge de décider si les entreprises ont bien rempli leurs obligations et qui donneront l’accord final. Beaucoup d’acteurs environnementaux estiment qu’un organisme indépendant aurait été préférable.

Identifiez-vous d’autres lacunes ?

Une chose n’a pas été très étudiée pendant les négociations : on a maintenant un processus pour créer des aires marines protégées, mais on n’a pas déterminé comment les contrôler, les financer et les surveiller. Le texte requiert des États qu’ils soumettent un plan de gestion lorsqu’ils proposent de créer une aire marine protégée, mais ce n’est pas très précis. C’est quelque chose qui devra absolument être abordé lors de la prochaine conférence des parties (COP), afin que ces aires marines protégées soient vraiment efficaces, et pas seulement des « aires de papier ».

Des chalutiers géants ont pêché pendant près de 3 000 heures au sein d’aires marines protégées, en 2019 au Royaume-Uni. Greenpeace

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Certaines associations, comme Bloom, déplorent que le texte ne prévoie rien en ce qui concerne la pêche industrielle, qui est pourtant l’une des principales responsables de la destruction de la biodiversité marine. Le texte ne contient rien, non plus, sur l’exploitation des fonds marins…

Les États ont choisi en 2017 les sujets qu’ils aimeraient aborder dans le cadre de ce traité. Dès le début, il était exclu d’évoquer la pêche et les fonds marins, car d’autres institutions les gèrent. Un des principes de l’accord, c’est qu’il ne peut pas porter préjudice aux organisations existantes.

Quelles sont les prochaines étapes avant l’entrée en vigueur définitive du texte ?

On doit encore avoir un processus de signature, en septembre. La ratification, ensuite, dépendra du processus législatif de chaque pays, qui peuvent avoir besoin de l’approbation de leurs parlements. On a besoin de soixante ratifications pour que le texte entre en vigueur. On s’attend à ce que cela soit atteint bientôt, car plus de cinquante pays font déjà partie d’une « coalition de haute ambition ».

Certains États se sont-ils montrés réticents ?

La Russie a dit qu’elle n’était pas satisfaite du résultat. Il est peu probable qu’elle signe l’accord. Mais aucun autre État ne s’est exprimé contre le traité.

Les États qui ne signeront pas devront-ils malgré tout se soumettre à ces nouvelles règles ?

Dans le droit international public et le droit de la mer, il y a parfois ce que l’on appelle le « droit de coutume » : après un certain temps, certaines obligations deviennent coutumières. Peut-être qu’après un petit moment, certaines obligations du traité de protection de la haute mer auront ce statut. Même les États qui ne feront pas partie du traité pourraient alors être appelés à le respecter.

Il est vrai que, pour le moment, seuls les États qui auront vraiment signé ou ratifié le traité auront des obligations. Dans ce contexte, il est très important que certains pays, comme la Chine, signent ce traité. Elle est très active en haute mer, et dispose de la plus grande flotte hauturière du monde. Si elle le ratifie, cela pourrait avoir beaucoup d’impact. J’espère que ce sera le cas, mais c’est difficile à dire pour le moment.