Pesticides dans l’arboriculture : France Nature Environnement et Générations futures saisissent la justice

pesticides dans l'arboriculture

Alors que l’érosion de la biodiversité des insectes menace directement le maintien des équilibres biologiques, les agent·es de l’Office français de la biodiversité ont été prié·es, à la demande du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, de ne pas contrôler les périodes de pulvérisation de pesticides par les arboriculteurs. Ces périodes sont pourtant définies par la réglementation et indispensables pour protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs en période de floraison. France Nature Environnement et Générations Futures saisissent la justice pour rappeler que nul n’est au-dessus des lois : la police de l’environnement et les magistrat·es doivent pouvoir faire leur travail. 

Une érosion de la biodiversité sans précédent : notre sécurité alimentaire en jeu

Notre sécurité alimentaire est intimement liée à l’état de la biodiversité des insectes pollinisateurs comme les abeilles. Ceux-ci jouent en effet un rôle majeur aussi bien dans la reproduction des plantes sauvages que pour la production agricole. Un service de pollinisation gratuit chiffré entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros de valeur marchande par an en France.  Pommes, poires, courgettes, colza, tournesol… 35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes.

Sauf que la biodiversité s’effondre : depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux scientifiques menés dans des écosystèmes variés montrent des baisses très importantes et durables des populations d’insectes, voire des extinctions d’espèces. Une espèce sur 10 d’abeille et de papillon est menacée d’extinction selon l’UICN. Et parmi les quatre causes principales de cette dégradation figure l’impact des pesticides. Une situation d’autant plus alarmante que d’après l’Autorité européenne de sécurité des aliments les lacunes des pratiques réglementaires ont conduit depuis des années à une sous-évaluation de l’exposition des abeilles aux pesticides. La protection des pollinisateurs est encore loin d’être suffisante.

Du bon sens dans la réglementation : la protection des pollinisateurs vis-à-vis des pesticides en période de floraison

En période de floraison, les abeilles sont principalement présentes et actives en milieu de journée. Leur présence décroît en cours d’après-midi, notamment à partir de 2 heures avant le coucher du soleil, jusqu’à leur disparition complète à la nuit tombée.

La réglementation fait donc preuve de bon sens en fixant les horaires de traitements de pesticides compatibles avec le rythme de vie des pollinisateurs en période de floraison : l’usage de pesticides est ainsi autorisé dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui le suivent.

Une telle mesure permet aux arboriculteurs et arboricultrices de travailler tout en réduisant les mortalités d’insectes pollinisateurs.

« Business as usual » pour les arboriculteurs, les abeilles bonne poire, l’effondrement pour nos pommes !

Plutôt que d’accepter d’adapter ses pratiques pour protéger une biodiversité qui nous et lui rend gratuitement service, la filière arboricole préfère continuer son « business as usual » et conserver ses profits tout en faisant peser les coûts d’un usage problématique des pesticides sur la société dans son ensemble.

Dans une note de la direction de l’Office français pour la biodiversité, dont le quotidien le Monde s’est fait écho, les inspecteurs de l’environnement sont expressément priés, à la demande du Ministère de l’agriculture, de s’abstenir de contrôler les arboriculteurs, (mais pas les autres cultures concernées comme les colzas et tournesols), pour vérifier qu’ils n’abusent pas de pesticides pendant la période de floraison. La note demande de faire de la « pédagogie » à la place…

Tant pis pour le principe constitutionnel selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », le ministère de l’Agriculture préfère croquer le fruit du clientélisme pour mettre les arboriculteurs au-dessus. « Business as usual » pour les arboriculteurs, les abeilles bonne poire, l’effondrement pour nos pommes! Une décision court-termiste qui privilégie les profits au détriment du vivant et retarde encore la transition écologique indispensable pour répondre à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

France Nature Environnement et Générations Futures saisissent la justice contre cette instruction manifestement illégale

Face à ces petits arrangements qui peuvent être lourds de conséquences, France Nature Environnement et Générations Futures déposent un recours devant la justice administrative pour faire garantir le respect des mesures de bon sens prévues par la loi pour la protection des pollinisateurs.

Au-delà, France Nature Environnement et Générations Futures demandent à ce que des moyens dignes soient alloués à la police de l’environnement et à l’institution judiciaire afin qu’elles puissent fonctionner convenablement et traiter les atteintes à l’environnement de manière égale sur l’ensemble du territoire.

Source : FNE

Jour du dépassement de la France : pourquoi arrive-t-il plus tôt que dans le reste du monde ?

jeunes militants écologistes

Par Matéo Da Ponte le 10.05.2023 à 17h23

Si tout le monde vivait comme les Français, il nous faudrait presque trois planètes Terre pour répondre à nos besoins. La conséquence d’une consommation excessive de ce que les écosystèmes peuvent régénérer d’après Earth Overshoot Day.

Jeunes militants écologistes français lors d’une grève pour le climat, à Perpignan, en 2019.

ARNAUD LE VU / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

 

En 2022, l’humanité avait consommé l’ensemble des ressources que la planète peut générer en un an, le 28 juillet 2022. C’est ce qu’on appelle le Jour du dépassement, qui est calculé par Global Footprint Network (GFN), un institut de recherche international établi en Californie (Etats-Unis). En France, ce jour a eu lieu le 5 mai 2023. À titre de comparaison, ce jour tombe le 26 mars pour la Belgique, le 29 mai pour la Croatie et le 11 juin pour la Roumanie. En dehors de l’Europe, le jour du dépassement arrive le 2 juin en Chine et le 24 juin en Argentine. La France, comme beaucoup de pays en Europe, est l’un des pays les plus en « déficit écologique ».

La dépendance de la France aux énergies fossiles

Crédits : SDES, Bilan énergétique de la France

La guerre en Ukraine nous l’a encore montré : la France est dépendante en matière d’énergies fossiles, dont le pétrole et le gaz. À l’heure actuelle, les énergies renouvelables ne représentent que 14 % de la consommation des énergies dans l’Hexagone (chiffres de 2020 du Service des données et études statistiques, le SDES). Ce qui est insuffisant pour répondre aux demandes en énergie des Français. Or, les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des ressources fossiles sont des causes majeures de l’évolution de la date du jour de dépassement, selon les calculs faits par GFN.

A contrario, la Roumanie s’illustre en Europe pour son indépendance aux énergies fossiles avec 24 % d’énergies renouvelables, selon la Direction générale du Trésor. De manière similaire, en Suède, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les énergies fossiles ne représentent que 27 % des énergies. Son mix électrique se répartit sur le nucléaire, la biomasse, la réutilisation des déchets et l’hydroélectricité.

Une empreinte carbone encore trop importante

L’empreinte carbone est la quantité de gaz à effet de serre émise par l’activité humaine (prendre l’avion, utiliser un téléphone, etc.). En 2021, l’empreinte carbone d’un Français en une année est estimée à 8,9 tonnes de CO2.

Un chiffre en augmentation, puisqu’en 2020, cette empreinte était de 8,3 tonnes de CO2 par personne d’après le SDES. Or, selon les consignes gouvernementales, il faudrait tendre vers deux tonnes de CO2 par habitant pour suffisamment réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Pour reprendre la comparaison avec la Suède, l’empreinte carbone par habitant s’y établissait à 3,4 tonnes de CO2 en 2019, d’après la banque mondiale de données. Cela s’explique notamment par l’application d’une taxe carbone depuis plus de 30 ans. Cette dernière s’est multipliée par 6 depuis sa création en 1991.

Des leviers d’action possibles

Le Jour du dépassement est devenu un symbole des conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. C’est le sens donné à la politique de sobriété qui invite à adopter les bons réflexes pour réduire son empreinte carbone (réduire sa consommation de viande, privilégié les transports en commun, etc.). L’association en charge de l’inventaire des émissions de gaz polluants en France a d’ailleurs constaté une baisse de 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre en 2022. Une baisse qui peut s’expliquer par les campagnes de sensibilisation à la sobriété.

 

ET  SELON LA PHRASE CÉLÈBRE « EN MÊME TEMPS »

Emmanuel Macron veut une « pause » dans les règles environnementales européennes : c’est-à-dire ?

Plusieurs élus écologistes critiquent le président de la République, et voient dans cette déclaration le signe d’une ambition écolo en berne.

Tendez l’oreille : le vivant vous parle

tendez l'oreille

Tous moteurs éteints, écoutons les oiseaux en nous abstenant d’être bruyants. – Sue Cro / CC BY-NC 2.0 / FlickrBaleines, oiseaux, rats, humains… Le bruit, ce déchet invisible, nous empoisonne, écrit l’écologue Jacques Tassin, qui vient de publier « Écoute les voix du monde ». Il estime que « nos sociétés sont malades de ne plus savoir écouter. »

Jacques Tassin est écologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et membre correspondant à l’Académie d’agriculture de France. Spécialiste des relations entre humains et nature, il est l’auteur de Pour une écologie du sensible (Odile Jacob, 2020) et Écoute les voix du monde (Odile Jacob, 2023).

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Nous vivons dans un monde entre-tissé de voix, qui dégagent du sens par-delà l’invisible de la nuit ou du lointain, et révèlent la part merveilleuse du monde. Ces voix nous portent et nous parlent, sans même que nous y prêtions attention. Même les productions sonores abiotiques – tonnerre, murmures de pluie ou roulement des vagues – demeurent porteuses de sens et sont interprétables. Les plantes, sait-on depuis peu, sont sensibles aussi aux vibrations sonores. Tout comme les arbres, d’une certaine manière, écoutent. Mais le bruit contemporain, cet immondice de nos sociétés industrieuses, brouille l’accès à ces réalités sensibles du vivant. L’Anthropocène se double de Thorivocène (du grec thóryvos, bruit), ère du vacarme et de l’irrelationnel.

Les zones indemnes de pollution sonore ont chuté de 50 à 90 % depuis le début de l’essor industriel, au XIXe siècle, et les villes sont elles-mêmes devenues invivables. Dans le seul cœur de l’Île-de-France, le bruit causé par les transports entraîne, pour chaque habitant, une perte de onze mois de vie, soit une perte globale de 108 000 années de vie en bonne santé. Plus de 70 % des Parisiens sont incommodés par le bruit, fenêtres à double vitrage pourtant fermées. Et dans les environnements lycéens, l’écoute au casque de musiques amplifiées conduit aujourd’hui un élève de terminale sur sept à devoir s’accommoder d’une oreille vieillie de trente ans. Le bruit se glisse partout. Et, partout, il altère l’écoute.

Mais nous ne sommes pas seuls à en souffrir. Agissant tel un interrupteur relationnel, le bruit fait barrage à l’écoulement du vivant. Il obstrue la libre circulation des voix, multiplie les accrocs dans le tissu serré des relations entre êtres vivants. L’anthropophonie a désormais envahi les espaces marins en y multipliant les ronflements assourdissants des navires, les percussions répétées des prospections minières et autres problématiques sonars militaires. Elle est l’une des sources des emblématiques échouages de cétacés.

Mais son impact écologique total, alors que les océans abritent plus de la moitié de la biodiversité mondiale, demeure incommensurable. Tous les organismes marins, des poissons jusqu’aux huîtres, que l’on voudrait croire insensibles, souffrent profondément du brouillage de leurs repères sonores. Les baleines, par exemple, auraient connu une réduction de 90 % de la zone dans laquelle elles peuvent s’entendre. Des animaux marins abandonnent leur habitat favori, modifient la périodicité et le volume de leurs appels, voire changent d’appel pour pouvoir encore communiquer, ou même cessent de se nourrir. Le silence de la mer, jadis traversé d’admirables polyphonies vivantes interprétées par d’innombrables et talentueuses sirènes, s’est transmué en invivable raffût.

Cela ne va guère mieux pour les espaces terrestres. Chez l’alouette des champs ou le vanneau huppé, la diminution des effectifs en période de nidification peut atteindre 40 % à 1 500 mètres de distance des axes routiers. Comment en effet vivre en oiseau lorsque son chant n’est plus même audible ? D’évidence, le bruit dérange l’ensemble du vivant, et l’appauvrit en faisant fuir des oiseaux pollinisateurs.

Il peut aussi altérer directement sa santé. Dans le cerveau des rats, par exemple, l’exposition prolongée au bruit entraîne un état inflammatoire propice à la maladie d’Alzheimer ou d’autres pathologies proches, en association avec une dégradation du microbiote intestinal. Des souris immergées dans des ambiances bruyantes développent quant à elles des pathologies cardiaques. En somme, les méfaits du bruit ne connaissent aucune limite.

Le bruit nous coupe du monde

Au-delà de ses ravages sanitaires, le bruit nous coupe du monde. Comme un voile, il en recouvre les beautés. Il crée des absences, des troubles, des espaces de non-expression et de non-reconnaissance. D’origine souvent anonyme, il tient du déchet invisible et nous empoisonne.

Il demeure lié à l’indésirable, au non-intentionnel, telle une trace flottant dans le sillage de nos activités industrieuses. Il est cet indiscipliné qui traîne par-delà les rues et les villes, ne s’adresse à personne et, au bout du compte, ne dit rien. Il n’a pas de sens mais, toujours, il est une gêne, une atteinte à la qualité de vie. Perçu et ressenti, il est autant psychologique qu’acoustique.

Dans ses correspondances avec Maupassant, Flaubert défendait l’idée selon laquelle les relations entre les êtres humains constituent la seule réalité. Privé de relations, l’individu deviendrait une abstraction. Mais cela vaut pour tout être vivant. Les modulations sonores du vivant créent en effet des mondes imbriqués desquels se dégage une trame commune sensible : vent, eau, air, pluie, insectes, oiseaux, mammifères… Dans la mesure de ses capacités perceptives, chaque être vivant traverse son existence à l’écoute de ces autres voix tandis qu’il dispense la sienne autour de lui.

Nos sociétés sont malades de ne plus savoir écouter et de ne plus pouvoir s’entendre, à mesure qu’elles se répandent dans le bruit. Pourtant, dehors, camouflés dans les arbres reverdis, des oiseaux chantent et exultent. Rossignols et loriots viennent tout juste de nous rejoindre. Alors, tous moteurs éteints, écoutons-les en nous abstenant d’être bruyants. Peut-être sera-ce l’occasion de nous souvenir combien la vie est d’abord une constante mise en relation. Et combien nous ne pouvons nous-mêmes assurer notre plénitude existentielle qu’en prêtant attention à ce qui, précisément, se déploie intimement vers nous depuis l’invisibilité des voix.

Néonicotinoïdes : le Conseil d’Etat juge les dérogations accordées en 2021 et 2022 illégales

néonicotinoïde

Ces dérogations, accordées par l’Etat aux agriculteurs, n’auraient pas dû l’être, estime la justice administrative.

Ces autorisations n’auraient jamais dû être accordées. Le Conseil d’Etat juge que les dérogations accordées en 2021 et 2022 en France à des insecticides néonicotinoïdes pour protéger les semences de betteraves sucrières « sont illégales », dans une décision rendue mercredi 3 mai. « Aucune dérogation n’est en effet possible si la Commission européenne a formellement interdit un pesticide », souligne la plus haute juridiction administrative française dans un communiqué, se référant à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 janvier dernier.

L’UE a interdit depuis 2018 l’usage en plein champ, pour toutes les cultures, de trois néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride), accusés d’accélérer le déclin massif des colonies d’abeilles. Saisie par la justice belge après des recours contre des dérogations prises en Belgique, la CJUE avait estimé qu’aucune dérogation concernant les semences traitées aux néonicotinoïdes n’était justifiée, y compris dans les circonstances exceptionnelles invoquées pour protéger les betteraves sucrières.

« Le fait d’avoir raison trop tard laisse un goût amer »

En France, le Parlement avait autorisé fin 2020 le retour temporaire de deux néonicotinoïdes pour voler au secours de la filière betteravière dont les rendements avaient été drastiquement réduits par la jaunisse, une maladie virale transmise par le puceron vert. Des dérogations avaient été accordées par arrêté ministériel le 5 février 2021 puis le 31 janvier 2022 et le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’était dit favorable à une nouvelle dérogation pour 2023, avant que la décision de la CJUE ne signe la fin de l’usage des néonicotinoïdes partout en Europe et donc en France – où ils étaient uniquement utilisés en enrobage des semences pour des cultures en plein champ.

Plusieurs syndicats agricoles, associations environnementales et d’apiculteurs avaient immédiatement attaqué ces arrêtés de 2021 et 2022. Ils avaient été déboutés par le Conseil d’Etat qui jugeait alors en référé (en urgence) que les dérogations, prises « le temps que d’autres solutions soient trouvées pour protéger les cultures », étaient conformes au droit européen. Dans une décision rendue au fond sur les mêmes arrêtés, le Conseil d’État rend mercredi la décision contraire, se fondant sur l’arrêt de la CJUE.

« Le fait d’avoir raison trop tard laisse un goût amer aux associations car la réautorisation illégale des néonicotinoïdes a permis aux betteraviers de semer près de 40 milliards de graines et ainsi polluer illégalement la nature », a réagi l’association requérante Agir pour l’environnement.

Ce que les oiseaux nous disent du monde

le rouge_gorge m'a regardé

De sa rencontre avec un rouge-gorge, le maraîcher bio Mathieu Yon s’interroge : trouverons-nous un jour un langage commun pour que la nature et ses maux ne restent pas silencieux ?

Ce matin dans mon champ, j’ai vu un rouge-gorge pris sous un voile d’hivernage. Je l’ai enveloppé dans mes mains pour le sortir. À cet instant, il n’y avait ni réflexion ni émotion de ma part. Je ne pensais à rien. Il y avait seulement un geste simple et un lien fragile avec le monde. Le rouge-gorge m’a regardé une seconde, puis il s’est envolé.

Certains médias, certains membres du gouvernement emploient le mot « barbare » pour décrire les manifestants de Sainte-Soline. Historiquement, ce mot désigne ceux dont on ne comprend pas la langue. Il n’y a donc plus de curiosité, plus de désir de découvrir les langues de Sainte-Soline ou de Notre-Dame-des-Landes. De nombreux efforts sont au contraire déployés pour les maintenir en dehors du discours. Pourtant, il faudra bien essayer de mettre des mots entre nous.

Mon rouge-gorge n’était pas un barbare. J’ai même cru qu’il me dirait quelque chose sur les violences qui traversent la société. Mais il n’a rien dit, me jetant à peine un regard, comme une miette de pain. Et il s’est envolé. J’aurais pu lui demander sa langue maternelle et ce qu’il pensait du mot « barbare ». J’aurais pu lui parler de Sainte-Soline et du ciel bleu qui ressemble de plus en plus à un désert.

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« Un jour, nous tomberons si bas que nous commencerons à côtoyer les brins d’herbe et les oiseaux comme des compagnons du langage. » Pixabay/CC/Gruendercoach

J’ai oublié toutes ces questions. Mais pendant un instant, j’avais une encre rouge dans ma main. Après son envol, cette tache d’encre n’a pas voulu partir. Elle est encore dans ma paume lorsque j’écris ces lignes sur une page blanche, assis à la table de la cuisine. Cette encre rouge plie les bruits du monde dans un placard et fait remonter un son faible, ténu, mais qui ne lâche pas : comme si on pouvait entendre une tige d’herbe frottée par un archet invisible.

Sans elle, à qui pourrais-je dire que la pluie me manque, et que nos infrastructures très sérieuses ne fabriqueront pas les nuages ? Sans elle, comment pourrais-je noter l’apparition des premières coccinelles et saluer l’orage comme le tracteur du voisin ?

Ce qui coule dans nos veines

L’encre rouge ne parle pas sur les ondes, on ne l’entend pas sur les réseaux sociaux. Mais on peut l’apercevoir dans l’innocence du ver de terre qui n’insulte pas le soc, dans la rivière qui n’accuse pas la sécheresse, ou dans le regard du rouge-gorge qui ne réprimande pas le maraîcher, mais qui laisse couler un peu d’encre dans sa main pour qu’il puisse noter son langage.

Personne ne voit que la bataille est perdue, et que cette défaite nous honore, car elle nous rend vulnérables. Ceux qui veulent la victoire à tout prix me font de la peine. Ils sont tous condamnés à réussir, et ils ne connaîtront jamais le goût brûlant de la perte. Ce goût que l’on ressent lorsque la vie prend une tournure inattendue, attirée par un chemin de traverse.

Les vainqueurs, qu’ils soient de gauche ou de droite, méprisent le courage du rouge-gorge affichant vaillamment sa défaite sur son poitrail. Ils le méprisent, car ils savent que cette encre rouge ne coule pas dans leurs veines, et que leurs triomphes laisseront un goût de satisfaction repue.

Laisser une trace

J’ai essayé de partager avec vous l’encre rouge de la défaite, comme une phrase impossible à terminer ou une histoire sans fin. J’ai essayé de traduire le silence du rouge-gorge qui était dans ma paume ce matin. Un jour, nous tomberons si bas que nous commencerons à côtoyer les brins d’herbe et les oiseaux comme des compagnons du langage. Nous avons encore beaucoup à perdre pour y parvenir.

Quand notre objectif ne sera pas de réussir, mais de préparer la suite, alors nous aurons gagné. Car nous aurons fabriqué un langage commun, comme un outil que l’humanité qui vient apprendre à manier. Cet outil inventera d’autres usages du monde : des manières de cultiver qui agradent les sols, des manières de se déplacer qui augmentent les ressources, et bien d’autres choses encore.

Quand nous aurons trouvé ce langage, même si le climat est perdu, même si les saisons ne reviennent pas, nous aurons laissé une trace que les générations futures pourront lire. Une trace qui leur donnera la possibilité d’inventer une autre histoire. Si nous parvenons à cela, nous éprouverons la joie du travail inaccompli. Et nos vies n’auront pas été vaines.

« Une baleine vaut 2 millions de dollars » : pourquoi ces cétacés sont-ils essentiels pour l’humanité ?

Baleine-grise-2 millions de dollars

Saviez-vous que les baleines étaient indispensables à la survie des hommes ? Leur valeur a d’ailleurs été estimée à 2 millions de dollars. Explications avec l’organisation à but non-lucratif The Animal Fund.

Comme tous les ans, la principauté de Monaco organise la Monaco Ocean Week, une semaine de rencontres, de débats et d’actions dédiées à l’océan. Parmi les participants se trouvait l’organisation à but non-lucratif The Animal Fund, venue parler de l’importance des baleines pour la survie de l’humanité. L’occasion d’en apprendre davantage sur ces cétacés menacés, nécessaires à l’humanité.

Qui sont les baleines ?

Il existe 86 espèces de baleines, de dauphins et de marsouins dans l’océan. Les baleines, elles, se classent en deux catégories :

Les baleines à dents (Odontoceti). Elles peuvent avoir de deux à 250 dents selon l’espèce. Elles se caractérisent par un évent avec un seul trou, elles sont plus petites que les baleines à fanons, elles vivent en groupes, et utilisent l’écho-localisation pour chasser et se déplacer. On retrouve dans ce groupe les bélugas ou les cachalots, par exemple.

Les baleines à fanons (Mysticeti). Elles se caractérisent par leurs fanons, utilisés pour filtrer de petits organismes comme le krill. Elles possèdent un évent à eux trous, sont plus grandes que les baleines à dents, et utilisent des sons pour la communication et la navigation. Les baleines à bosse et les baleines franches de l’Atlantique nord, par exemple, composent ce groupe.

Les baleines, ces éco-ingénieurs de l’océan

Comme l’explique The Animal Fund, les baleines produisent indirectement plus de 50% de notre oxygène.

L’organisation les qualifie de « sauveuses des écosystèmes« , car elles aident à maintenir un océan qui capture autant de carbone que toutes les forêts tropicales de la planète.

En moyenne, chaque baleine contribue en effet à éliminer autant de carbone de notre atmosphère que 30 000 arbres. On estime ainsi qu’une baleine peut séquestrer 33 tonnes de carbone au cours de sa vie. Leur espérance de vie allant de 50 et 200 ans, cela fait d’elles « l’un des plus grands réservoirs de carbone vivant ».

Baleines et plancton dépendent l’un de l’autre

Depuis 1950, l’océan a subi un déclin de 40 % des populations de phytoplancton – dont se nourrissent la majorité des baleines à fanons. En cause : la pollution, le changement climatique, l’acidification des océans… et la diminution des populations de baleines.

Phytoplanctons et baleines sont en effet intimement liés : la baleine se nourrit du phytoplancton, mais ce dernier a besoin des cétacés pour exister.

Les déjections des baleines contiennent en effet des nutriments essentiels à la croissance du phytoplancton, comme le fer et l’azote.

Une baleine bleue, par exemple, défèque 3 tonnes de matières fécales par jour. Pour cette raison, The Animal Fund qualifie ces cétacés de « fermiers de la mer », à l’image d’un fermier épandant du fumier sur ses cultures.

« Moins de baleines entraîne moins de phytoplancton et donc moins d’oxygène. Un monde sans phytoplancton et sans arbres serait un monde où nous ne pourrions plus respirer », affirme l’organisation.

La baleine : une valeur à 2 millions de dollars

Des scientifiques du Fonds monétaire international (FMI) ont évalué la valeur d’une baleine à 2 millions de dollars (environ 1,8 million d’euros). Cela est dû à leur capacité à réduire les concentrations de CO2 dans l’atmosphère et à leur valeur touristique, comme avec le « whale watching ».

« Selon le FMI, une augmentation de 1% du phytoplancton permettrait de capter des millions de tonnes de CO2 supplémentaires, rappelle l’organisation. L’océan étant le plus grand puits de carbone sur terre, la conservation des baleines pourrait s’avérer être un outil vital pour lutter contre l’augmentation des émissions de carbone. »

Comment agir à notre niveau pour protéger les baleines ?

Les menaces qui pèsent sur les baleines sont nombreuses : réchauffement climatique, acidification des océans, collision avec les navires, pollution sonore (tests de sonars, explosions etc.), pollution (marées noires, toxines, déchets plastiques), surpêche et filets fantômes, ou encore la chasse à la baleine et la captivité.

Si vous ne pouvez pas agir sur tous ces dangers, il est en revanche possible d’apporter sa contribution pour lutter contre certains d’entre eux, à commencer par la pollution liée au plastique.

Pour cela, rien de plus simple : utilisez des alternatives, éviter les emballages en plastique et le plastique à usage unique.

Concernant la surpêche, The Animal Fund conseille tout simplement de diminuer sa consommation de poisson.

Si vous décidez d’aller observer les baleines dans leur environnement naturel, faites bien attention de choisir une compagnie de whale watching éco-responsable. Et surtout, n’assistez pas aux spectacles d’orques ou de dauphins dans les marinelands.

Ne consommez pas de viande de baleine ou d’articles contenant des produits dérivés.

Et si vous souhaitez vous investir encore plus, n’hésitez pas à rejoindre des organisations.

 

Pourquoi le déclin des manchots pourrait aggraver le changement climatique ?

Manchot

Le déclin des populations de manchots pourrait avoir un impact sur le cycle du fer de l’Océan Austral, et donc sur la capacité de l’océan à capter le CO2 de l’atmosphère, selon une étude publiée le 11 avril 2023.

Le fer est un élément crucial des écosystèmes de l’Océan Austral, en tant que source de nutriment pour le phytoplancton (plancton végétal).

L’étude, publiée dans la revue Nature Communications, souligne le rôle essentiel des manchots qui consomment le krill (plancton animal riche en fer) et fertilisent par leurs déjections les eaux méridionales.

⋙ Quelle est la différence entre un manchot et un pingouin ?

521 tonnes de fer recyclées chaque année par les manchots à jugulaire

Les chercheurs ont calculé le volume d’excréments, ou guano, d’une colonie de manchots à jugulaire de l’Île de la Déception, au large de la Péninsule Antarctique, en traitant des images de drone à l’aide d’une intelligence artificielle. Grâce à des analyses chimiques de ce guano, ils y ont trouvé une très forte concentration en fer, de l’ordre de 3 milligrammes par gramme.

En extrapolant ces données à l’ensemble de l’espèce, les auteurs estiment que les manchots à jugulaire, une des espèces de manchots les plus abondantes, recyclent environ 521 tonnes de fer chaque année.

Si cela fait d’eux, selon les auteurs, un des contributeurs “majeurs” du cycle du fer, c’est moitié moins qu’il y a 40 ans, puisque leur population a été divisée par deux depuis les années 80.

Les océans capturent chaque année un tiers du dioxyde de carbone (CO2) émis dans l’atmosphère, notamment grâce à l’activité de photosynthèse du phytoplancton. Dans des régions comme celle du courant circumpolaire antarctique, leur croissance est limitée par la faible disponibilité de micronutriments comme le fer.

Les baleines à fanon sont connues pour le rôle qu’elles jouent en consommant le krill et rendant le fer disponible, mais l’impact similaire des oiseaux marins comme les manchots n’avait pas encore été étudié.

Contrairement aux baleines qui traversent les différentes régions océaniques, les manchots passent leur vie cantonnés aux écosystèmes de l’Océan Austral : spécifiquement, pour les manchots à jugulaire, la péninsule antarctique et les îles environnantes.

Ils contribueraient donc à un recyclage du fer plus concentré dans ces régions”, estime Oleg Belyaev, l’auteur principal de l’étude, chercheur à l’Institut des sciences marines d’Andalousie (ICMAN).

À cause de l’effondrement de la population de ces oiseaux, lié au changement climatique, les auteurs s’inquiètent d’un possible déséquilibre de l’écosystème de l’Océan Austral, et de sa capacité à séquestrer le CO2 de l’atmosphère. “Il s’agit, avec cette recherche, de faire prendre conscience de l’importance écologique de ces oiseaux marins”, a confié Oleg Belyaev.

L’étonnant laxisme de l’État face à la colère des agro-industriels

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L’État réprime fortement les manifestants écologistes, mais ne touche pas aux mobilisations d’agriculteurs productivistes. La preuve en trois exemples.

« Des volontés de manifestations extrêmement violentes contre les forces de l’ordre et contre les symboles de l’État. » Tels ont été début avril les mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour décrire la mobilisation prévue les 22 et 23 avril prochains contre le projet d’autoroute A69, entre Toulouse et Castres. Une déclaration qui sonne comme un énième avertissement aux opposants à ce projet, et aux Soulèvements de la Terre, l’un des organisateurs de l’événement.

Comme pour la mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars dernier, le scénario se répète : le gouvernement alerte sur les violences possibles, préparant les esprits à un maintien de l’ordre massif et lourdement armé. Pourtant, rien de tel quand, à l’inverse, une manifestation d’agriculteurs conventionnels ou de pêcheurs se profile. Alors que des symboles de l’État sont régulièrement visés. Trois exemples sont significatifs.

  1. La FNSEA, toujours proche des pouvoirs publics malgré des manifestations destructrices

Le mercredi 22 mars, avant Sainte-Soline, entre 120 et 200 tracteurs de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) 17 ont manifesté à La Rochelle contre l’interdiction des pesticides et pour les mégabassines. Ils ont pu décharger purin et pneus usagés devant la direction départementale des territoires et de la mer sans que cela ne soit considéré comme une atteinte à un symbole de la République. Ils ont même été reçus par le préfet.

À l’occasion de cette manifestation, pneus et fumier ont également été déversés devant la mairie de L’Houmeau, dont le maire souhaite racheter des terres pour y faire du maraîchage biologique. « Ce n’était qu’un premier avertissement. S’il faut séquestrer le maire dans sa mairie, nous le ferons », menaçait à cette occasion Sébastien Brochet, président de la FNSEA pour le canton de La Rochelle, dans le journal Sud Ouest. Une autre mairie, celle de Nieul-sur-Mer — dont le maire a réclamé un moratoire sur le pesticide prosulfocarbe — a eu droit au même traitement.

Les démonstrations de force sont un classique des manifestations d’agriculteurs de la FNSEA. En février dernier, à Mont-de-Marsan (Landes), les agriculteurs laissaient derrière eux une facture de 120 000 euros de nettoyage. Toujours en février, les agriculteurs gardois faisaient un feu de vigne géant devant la préfecture à Nîmes et déversaient du fumier devant la sous-préfecture du Vigan.

En 2014, Reporterre recensait déjà les coups d’éclat du syndicat agricole majoritaire : saccage du bureau de la ministre de l’Environnement Dominique Voynet en 1999, destruction du mobilier et des ordinateurs pour 60 000 euros de dégâts à l’hôtel des impôts de Morlaix en 2004 ; destruction de zone humide et prise à partie des agents du parc naturel régional du Morvan en 2013… Le tout a donné lieu à des peines d’amende symboliques ou des relaxes.

Plusieurs tonnes de fumiers et d’ordures ont été déversées devant les locaux de FNE Midi-Pyrénées en février dernier. Twitter/France Nature Environnement

L’habitude est ancrée depuis plusieurs dizaines d’années. « En 1974, Alexis Gourvennec [syndicaliste et entrepreneur agricole] déclarait : “2 000 agriculteurs qui cassent tout, c’est plus payant que 10 000 manifestants qui défilent dans le calme” », rappelait la journaliste Inès Léraud à la soirée de soutien aux Soulèvements de la Terre coorganisée par Reporterre. Et d’ajouter : « Depuis, à l’appel de la FNSEA, on ne compte plus les tonnes de pneus, palettes brûlées sur la voie publique, les installations ferroviaires sabotées, véhicules de police et gendarmerie détériorés, les denrées alimentaires et récoltes détruites, les bâtiments officiels aspergés de lisier ou mis à sac, les fonctionnaires molestés. »

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Malgré ces atteintes aux personnels et bâtiments de service public, les manifestations de la FNSEA ne déclenchent pas la mobilisation de milliers de forces de police et l’utilisation de milliers de grenades. Pour rappel, l’action des forces de police à Sainte-Soline a fait 200 blessés dont 40 graves selon les organisateurs. Un manifestant est toujours entre la vie et la mort, dans un état très préoccupant.

  1. Protection pour les agriculteurs, pas pour les militants écologistes

Après la manifestation à La Rochelle, les agriculteurs de la FNSEA 17 ont aussi fait un crochet par le domicile de Patrick Picaud, membre de l’association Nature Environnement 17, qui mène des recours juridiques souvent gagnants contre les mégabassines. « Ils ont éparpillé pneus, gravats, fumier et tuyaux dans mon jardin », raconte-t-il. Sa femme, présente, a dû faire face à une cinquantaine d’agriculteurs en colère. « Ils ont aussi dit qu’ils allaient revenir brûler ma maison », indique M. Picaud. Les intimidations contre lui durent depuis 2012. Il a connu « des affiches avec [s]on portrait et un avis de recherche placardés dans les communes alentours, des pneus crevés, [s]a boîte aux lettres vandalisée, liste-t-il. Toutes les plaintes ont été classées sans suite ». Cette fois-ci, les auteurs étant facilement identifiables et une enquête est en cours.

Après dix ans d’intimidations, il n’a pas tenté de demander une protection. « Ce n’est pas la peine, on met des milliers de forces de l’ordre pour défendre les bassines, mais il n’y a pas de volonté de défendre les gens qui s’impliquent. » La journaliste bretonne Morgan Large, qui s’est fait déboulonner une roue de sa voiture à deux reprises et empoisonner son chien — probables représailles à son travail sur l’agriculture industrielle —, a elle demandé une protection policière. Un simple numéro à appeler en cas d’urgence, qui lui a été refusé. Le fait que l’association France Nature Environnement ait recensé cinquante-deux cas d’agressions, d’atteintes aux biens ou de menaces contre ses membres depuis 2015 — une bonne partie émanant du monde agricole productiviste — n’a pas non plus ému le ministre de l’Intérieur.

La journaliste Morgan Large s’est fait déboulonner une roue de sa voiture à deux reprises. © AFP / Loïc Venance

En Île-de-France, les militants contre l’urbanisation du plateau de Saclay ont eux aussi pu expérimenter ce parti pris des gendarmes. Alors qu’ils distribuaient des tracts à l’entrée d’un festival organisé par les Jeunes agriculteurs — un syndicat proche de la FNSEA —, en octobre 2022, « des agriculteurs nous ont bousculés, arraché et détruit nos tracts et pancartes pour nous faire partir, sous l’œil impassible d’une vingtaine de gendarmes, raconte Sabrina Belbachir, du Collectif contre la ligne 18 et l’artificialisation des terres. Et quand on est sortis du champ, les gendarmes ont pris le relai en nous menaçant de nous accuser de trouble à l’ordre public ».

À l’inverse, la gendarmerie nationale prend soin des agriculteurs de la FNSEA. Elle a signé avec le syndicat, en 2019, une convention pour la création d’une cellule spéciale dédiée aux « atteintes au monde agricole ». Nommée Déméter, elle doit lutter contre les vols sur les fermes, mais aussi surveiller les militants antipesticides ou opposés à l’élevage industriel. Quand ses missions ont été partiellement retoquées par la justice, début 2022, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et deux ses collègues ministres se sont même empressés de rassurer la FNSEA au Salon de l’agriculture quant au maintien du dispositif.

  1. Les pêcheurs incendient le service public de la biodiversité

L’affaire a laissé les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) sous le choc. Le 31 mars, un incendie a dévasté les bureaux de ces fonctionnaires en charge de la protection de la biodiversité marine, à Brest. Il s’est probablement déclenché à la suite d’une manifestation des pêcheurs devant le bâtiment, la veille. « Le responsable du site a donné le chiffre de 300 fusées de détresse tirées sur notre bâtiment le 30 mars, déplorait Sylvain Michel auprès de Reporterre, représentant syndical à l’OFB. Il y en a eu des dizaines voire des centaines, dont certaines directement sur notre bâtiment, en plus d’un feu allumé en face. »

L’incendie de l’OFB à Brest, le 31 mars, a fortement affecté les personnes travaillant sur le site en partie détruit. © SDIS 29

Surtout, « la police n’a pas cherché à s’opposer et a même reçu l’ordre de laisser-faire, nous indiquait un agent de l’OFB sous couvert d’anonymat. […] Une dizaine de policiers étaient présents lors de la manifestation et avaient ordre de ne pas intervenir tant qu’il n’y avait que des dégâts matériels ». C’est pourtant la protection de biens matériels qui a, entre autres, justifié la forte mobilisation des forces de police lors de la manifestation à Sainte-Soline.

En revanche, l’atteinte à un bâtiment de la République par les pêcheurs qui défendaient le chalutage industriel n’a pas suscité de réaction de Gérald Darmanin. Le secrétaire d’État à la mer Hervé Berville est, lui, accusé d’avoir mis de l’huile sur le feu. L’association Bloom a porté plainte, dénonçant les propos « mensongers » du secrétaire d’État qui ont, selon elle, attisé la colère des pêcheurs et fait croire que les mesures de protection de la biodiversité pourraient porter préjudice à la pêche artisanale, ce qu’elle conteste.

Dans le cas des mégabassines comme de la pêche, « l’État se range du côté de ceux qui exploitent le vivant et contre ceux qui essayent de le défendre », se désespère auprès de Reporterre un agent de l’OFB sous couvert d’anonymat.

 

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Pollution plastique : des chercheurs découvrent la « plasticose », une maladie causée par l’ingestion de déchets par des oiseaux marins

puffin à pied pâle

Une étude menée sur de jeunes puffins à pieds pâles en Australie a permis d’identifier des fibroses digestives spécifiquement causées par des résidus plastiques.

Un puffin à pieds pâles vole au large de Kaikoura (Nouvelle-Zélande), le 25 novembre 2008. (MARTIN GRIMM / PICTURE ALLIANCE / MAXPPP)

C’est une découverte dont ils se seraient bien passés. Des chercheurs ont identifié chez des oiseaux marins des cas de fibroses digestives causées par l’ingestion de plastique, selon une étude publiée dimanche 26 février par la revue Journal of Hazardous Materials (en anglais)« L’ampleur et la gravité des fibroses constatées dans cette étude permettent d’envisager une nouvelle maladie de fibrose induite par le plastique, que nous appelons ‘plasticose' », écrivent les auteurs, rattachés à des centres de recherche en Australie et au Royaume-Uni.

Contrairement à des maladies causées par des virus ou des bactéries, la « plasticose » mise au jour est provoquée par des petits éléments de plastique qui enflamment le tube digestif. Au fil du temps, l’estomac se retrouve tapissé de cicatrices, qui ne se résorbent pas, et se déforme, avec des conséquences sur la croissance de l’animal, ses capacités digestives et sa survie, détaille le Museum d’histoire naturelle de Londres (en anglais), impliqué dans l’étude, menée en Australie.

« De l’extérieur, ces oiseaux peuvent avoir l’air bien portant, mais ils ne vont pas bien à l’intérieur », alerte l’un des co-auteurs, Alex Bond, soulignant que c’est la première fois que les tissus de l’estomac d’oiseaux marins font l’objet d’une telle étude. Pour l’heure, une seule espèce, en l’occurence de jeunes puffins à pieds pâles, réputés très exposés au plastique, a fait l’objet de ces recherches.

Les microplastiques détraquent le système digestif des oiseaux marins (2ARTICLES)

microplastique

Les chercheurs estiment que ce phénomène pourrait également se produire chez l’homme.

Les scientifiques savent depuis longtemps que les oiseaux marins ingèrent des microplastiques en les confondant avec de la nourriture. Et selon une étude publiée lundi 27 mars dans la revue Nature Ecology & Evolution, ces déchets ne se contentent pas d’obstruer ou de transiter par l’estomac, mais perturbent aussi l’équilibre de l’ensemble du système digestif.

En étudiant le tube digestif de deux espèces d’oiseaux marins de l’Atlantique, le fulmar boréal et le puffin cendré, les chercheurs ont constaté que les minuscules particules de plastique détraquaient leur microbiome – ensemble complexe de micro-organismes, comprenant de bonnes et de mauvaises bactéries. En gros, plus l’oiseau ingère de microplastiques, plus les bactéries gastriques, pour la plupart bénéfiques, diminuent, tandis que prolifèrent les agents potentiellement pathogènes.

De possibles conséquences chez l’homme

Les microplastiques, issus de la décomposition des produits plastiques dans l’environnement, se retrouvent à travers le monde, des fosses océaniques les plus profondes au sommet du mont Everest, et dans la plupart des chaînes alimentaires animales. Chez l’homme, des traces ont été détectées dans le sang, le lait maternel et le placenta.

L’étude confirme des résultats antérieurs selon lesquels l’ingestion prolongée de microplastiques provoque ce qu’on appelle une dysbiose intestinale, c’est-à-dire un déséquilibre entre les bactéries saines et les bactéries nocives de l’appareil digestif. Ses implications peuvent être considérables, car, comme les oiseaux, de nombreuses espèces, dont l’homme, ont un microbiome important au sein de leur système digestif. « C’est toute une symbiose qui s’opère, aussi bien chez les oiseaux que chez les humains », a souligné auprès de l’AFP Gloria Fackelmann, de l’université d’Ulm (Allemagne), autrice principale de l’étude.

Les auteurs de l’étude espèrent que leurs découvertes chez les oiseaux de mer donneront lieu à des études connexes chez l’homme. « Si cette substance fabriquée par l’homme (le plastique) peut modifier notre microbiome, je pense que cela devrait faire réfléchir les gens », a déclaré Gloria Fackelmann.

Source : France Info

LA PLASTICOSE

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