Le Conseil d’Etat enterre définitivement les chasses traditionnelles d’oiseaux sauvages

conseil d'état

A la demande de la LPO, la plus haute juridiction administrative française ordonne, dans une décision rendue ce 24 mai, l’abrogation d’arrêtés vieux de près de 35 ans qui encadraient des pratiques de piégeage traditionnel d’oiseaux sauvages, déjà jugées illégales au regard du droit européen et suspendues chaque année depuis 2018.

Dans un recours déposé le 14 décembre 2021, la LPO demandait l’intervention du Conseil d’Etat suite à l’absence de réponse du Ministre de la Transition écologique concernant les demandes d’abrogation des 5 arrêtés-cadres du 17 août 1989 relatifs aux chasses traditionnelles d’oiseaux sauvages :

  • l’emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles destinés à servir d’appelants dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse,
  • la tenderie aux vanneaux dans le département des Ardennes,
  • la tenderie aux grives dans ce même département
  • la capture de l’alouette des champs au moyen de pantes dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques
  • la capture de l’alouette des champs au moyen de matoles dans les départements des Landes, du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne

Ces arrêtés-cadres constituent le socle juridique sur lequel se basait chaque année le ministère pour autoriser ces pratiques et fixer des plafonds de prélèvements annuels. Or, comme le Conseil d’Etat l’a déjà reconnu dans plusieurs décisions d’annulation de ces arrêtés annuels, ces modes de chasse méconnaissent les objectifs fixés par la Directive européenne « Oiseaux » du 30 novembre 2009 en ce qu’elles ne démontrent pas leur caractère sélectif, ni l’absence d’autre solution satisfaisante.

Les juges ont donc enjoint au Ministre de la transition écologique, chargé de la chasse, d’abroger définitivement les trois arrêtés-cadres relatifs à l’emploi des gluaux, à la tenderie aux vanneaux et aux grives, dans un délai de deux mois.

Suite à des modifications subtilement apportées en octobre 2022 lors d’une énième tentative gouvernementale de maintenir ces modes de chasses traditionnelles sous la pression des lobbies cynégétiques, les deux arrêtés-cadres de 1989 concernant la capture des alouettes à l’aide de pantes et de matoles ont été considérés comme étant déjà abrogés. Ceux qui les ont remplacés ont été à nouveau attaqués par la LPO et en attente d’être jugés.

Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « L’abrogation définitive de ces arrêtés-cadres ne permettra plus au gouvernement de récidiver impunément chaque année en autorisant à la demande des chasseurs des pratiques qu’il sait pourtant illégales. La décision du Conseil d’Etat vient enfin clore une démarche inqualifiable qui n’avait que trop duré. La LPO rappelle que l’exécutif doit s’appuyer sur le droit et la science pour conduire sa politique environnementale. »

 

Récapitulatif des recours et jugements pour ceux qui veulent approfondir et mesurer l’acharnement de l’Etat à détruire la biodiversité dès lors qu’il s’agit de protéger une minorité de chasseurs.

  • 1989 : arrêtés cadre du 17/08/89 sur les chasses traditionnelles. Pour les gluaux, 5 départements de PACA autorisés à capturer grives et merles au moyen de bâtons couverts de glu dite «maison » ! (En réalité achetable sur internet)
  • 1992 : arrêt du Conseil d‘Etat du 16/11/1992 qui rejette le recours LPO contre la pratique de la glu
  • 2004 : arrêt du 9/12/2004 de la CJUE qui condamne l’Espagne pour une pratique très proche (PARANYS) dans la communauté de Valence jugée cruelle et non sélective.
  • Février 2018 : un rapport vétérinaire du CNITV de Lyon confirme les dommages irréversibles sur les espèces capturées non ciblées du fait de la glu et aussi des solvants utilisés pour les décoller (plumes, squelettes et muscles, métabolisme…).
  • Juillet 2018 : arrêt de la CJUE contre Malte sanctionne le piégeage des passereaux en grande quantité et de manière non sélective
  • 2018 : nouveau recours LPO contre les AM de 1989 sur la base de la décision européenne – nouvelle défaite le 28/12/2018
  • Février 2019 : Arrêts CE sur les gluaux 2017/2018 mais annulant les gluaux pour défaut de consultation publique alors que la capture létale de 73 000 turdidés a une incidence directe et significative sur l’environnement au sens de l’article L 123-19-1 du CE
  • Avril 2019 : Anniversaire de la Directive Oiseaux et Plainte à la Commission Européenne sur les abus de la chasse française (chasse des oies en février, chasse d’espèces en mauvais état de conservation et gluaux)
  • Juillet 2019 : courrier de mise en demeure de la CE à la France
  • Novembre 2019 : le Conseil d’Etat sursoit à statuer et pose des questions préjudicielles à la CJUE en ce qui concerne la chasse aux gluaux
  • La LPO diffuse des images accablantes : les français découvrent ces pratiques odieuses
  • Juillet 2020 : avis motivé contre la France de la part de la CE (y compris contre les filets pour les palombes)
  • Février 2021 : arrêt de la CJUE qui souligne que la tradition ne peut constituer à elle seule un motif suffisant pour justifier de l’absence d’alternative satisfaisante, et que la chasse aux pièges visés par l’article 9 ne peut pas être considérée comme sélective si l’Etat membre ne rapporte pas la preuve que les prises accessoires d’oiseaux non ciblés sont de faible volume et ne causent aux dits oiseaux pas de dommages autres que négligeables.
  • Juin 2021 : arrêté du CE qui annule les arrêtés ministériels accordés pour les saisons 2018-2019 et 2019-2020 et confirme ainsi que la chasse à la glu est illégale.
  • Depuis 3 ans, pour les saisons de chasse 2020/2021,  2021/2022 et maintenant 2022/2023 : il n’y a plus de pratique autorisée de GLUAUX en PACA
  • Idem pour les tenderies aux pluviers et vanneaux dans les Ardennes (2018/2019)
  • Pour les pantes aux alouettes dans le SO (4 départements) (2020/2021) et les matoles aux alouettes (2020/2021) => Annulées par arrêt du Conseil d‘Etat du 6/08/2021 
  • Saison 2021-2022 : suspensions obtenues dès 2021 puis annulation sur le fond par 4 arrêts du Conseil d’Etat en date du 23 novembre 2022 !
  • Saison 2022-2023 : arrêtés pantes et matoles du 4/10/22 (JO 7/10/22) autorisant la prise de 106 000 alouettes dans le SO – attaqués par LPO et One Voice le 10/10/22- audiences de référé du 20/10/22.                                                Suspension obtenue par ordonnance du 21 octobre 2022 : arrêtés justifiés uniquement par la tradition, qui ne constitue pas un motif suffisant pour caractériser l’absence d’alternative satisfaisante ; l’Etat n’apporte pas la démonstration ni du faible volume, ni de l’absence de dommages autres que négligeables.
  • 24 mai 2023 le Conseil d’Etat confirme définitivement l’illégalité des arrêtés dérogatoires de 1989. Sauf pour les Pantes et Matoles puisque, voyant cette décision arriver, le Ministre Béchu a abrogé les arrêtés de 89 par de nouveaux… immédiatement attaqué par la LPO.

Idées reçues : le grand cormoran menace-t’il la pisciculture et la pêche en France?

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Durant plus d’un siècle, les persécutions menées par l’homme contre le grand cormoran ont mené cette espèce au bord de l’extinction. Si en Chine, au Japon ou au Vietnam, une méthode de pêche traditionnelle utilise des cormorans dressés pour pêcher en eau douce, en Europe, les relations sont plus conflictuelles. Des pisciculteurs accusent l’oiseau de vider rivières et étangs. Qu’en est-il réellement ?

LE GRAND CORMORAN FAIT-IL CONCURRENCE AUX PÊCHEURS ?

L’impact de la prédation du grand cormoran est souvent difficile à mesurer, en l’absence d’étude précise, car on ne connaît pas toujours les densités de poissons.

En outre la mortalité des poissons a d’autres causes que la prédation exercée par les cormorans. Sur les piscicultures d’étangs, la prédation varie beaucoup d’un site à l’autre, mais elle peut localement avoir un impact économique important, d’autant que cette activité est peu rentable.

En revanche, en milieu naturel, le grand cormoran joue son rôle de prédateur opportuniste et ne met pas la faune piscicole en danger.

COMMENT PROTÉGER LES PISCICULTURES DU GRAND CORMORAN ?

Les piscicultures sont des milieux artificialisés où les densités de poissons peuvent être beaucoup plus élevées que dans les milieux naturels : pour le grand cormoran, elles représentent donc un garde-manger à ciel ouvert, extrêmement attractif.

Néanmoins, les grandes piscicultures intensives ont les moyens de se protéger et considèrent généralement que les pertes dues au cormoran sont négligeables.

Lorsque les dégâts sont importants, les pisciculteurs peuvent utiliser différents moyens de protection :

  • filets ou fils tendus sur la surface du plan d’eau ;,
  • installation de refuges et de végétation où les poissons peuvent s’abriter ;
  • suppression des perchoirs à proximité, effarouchement visuel ou acoustique ;
  • aménagement du calendrier piscicole (dates de vidange et d’empoissonnement).

Le choix et la combinaison des mesures les plus efficaces dépendront de la configuration du site.

LES DESTRUCTIONS DE GRANDS CORMORANS SONT-ELLES EFFICACES ?

Depuis 1992, le statut du grand cormoran a changé et la destruction de la sous-espèce continentale est devenue possible par dérogation, pour prévenir des dommages importants aux piscicultures en étang.

Un plafond du nombre d’oiseaux pouvant être détruits par tir est fixé annuellement pour chaque département, en fonction du nombre d’oiseaux recensés et de la présence d’étangs piscicoles. Ces tirs sont effectués par les exploitants ou par des chasseurs autorisés.

Le bilan est mitigé : localement, ces tirs peuvent réduire la pression de prédation sur l’étang concerné, mais ils ont aussi pour effet de disperser les oiseaux, qui vont coloniser de nouvelles zones. En revanche, ils ont peu d’effet sur le nombre de grands cormorans présents en France, qui dépend surtout de l’abondance des ressources alimentaires. Les effectifs d’oiseaux hivernants se sont stabilisés de manière naturelle après la forte augmentation des années 80-90, au fur et à mesure que leur exploitation des milieux favorables est arrivée à saturation.

QUEL RÔLE JOUE LE GRAND CORMORAN DANS LES MILIEUX NATURELS ?

Le retour ou le rétablissement d’espèces sauvages piscivores comme le héron, la loutre ou le grand cormoran, s’il est une excellente nouvelle pour notre patrimoine naturel, n’est pas toujours bien accepté par le monde de la pêche. Avant d’accuser ces animaux de consommer trop de poissons, ne faudrait-il pas envisager d’autres facteurs ?

L’eutrophisation des eaux, les pollutions industrielles et domestiques (dont les micro-plastiques), les pesticides, l’artificialisation des cours d’eau, la destruction des zones humides, le réchauffement climatique ou encore l’introduction d’espèces exotiques ont des impacts dévastateurs sur la qualité des milieux aquatiques.

D’ailleurs, c’est cette eutrophisation générale des eaux européennes, due aux effluents agricoles, qui a conduit à l’accroissement des poissons blancs, fournissant ainsi une nourriture abondante au grand cormoran.

En jouant son rôle naturel de prédateur, le cormoran diminue la surexploitation du zooplancton, ce qui réduit à son tour le phytoplancton et peut contribuer à une meilleure oxygénation des eaux. Loin d’être une menace, son retour apporte des bénéfices aux milieux naturels.

MIEUX CONNAÎTRE LE GRAND CORMORAN

Au sein de l’espèce grand cormoran, il existe plusieurs sous-espèces. La France en accueille deux : l’une continentale (Phalacrocorax carbo sinensis), qui fréquente les plans d’eau et rivières aussi bien que les côtes, et l’autre marine (Phalacrocorax carbo carbo), qui se cantonne au littoral. Il ne faut pas confondre le grand cormoran avec une espèce très proche, le cormoran huppé (Gulosus aristotelis), de plus petite taille, qui est strictement limité aux côtes rocheuses et aux îlots en bord de mer.

Un consommateur de poisson opportuniste

Le grand cormoran est un piscivore opportuniste : il se nourrit essentiellement de poissons vivants, qu’il pêche en plongeant depuis la surface. Il n’est pas spécialisé sur un type de proies en particulier : il pêche ou capture les espèces les plus facilement accessibles dans le milieu où il se trouve.

C’est pourquoi il consomme très souvent des poissons comme les cyprinidés (brème, carpe, gardon, ablette…) et percidés (perche, sandre), des espèces qui ont été favorisées par l’eutrophisation des eaux continentales. Il consomme également des espèces introduites (perche soleil, poisson-chat…). La plupart des proies sont de petite taille (une dizaine de centimètres) et l’oiseau les avale sous l’eau, mais lorsque la proie est plus grosse, il remonte à la surface pour l’avaler plus commodément, ce qui donne la fausse impression aux observateurs que le cormoran ne se nourrit que de gros poissons.

Un oiseau qui a failli disparaître

Durant plus d’un siècle, les persécutions menées par l’homme contre le grand cormoran ont mené cette espèce au bord de l’extinction. A la fin des années 1970, il ne restait plus que 5 300 couples dans une dizaine de colonies situées en Europe du Nord.

En 1975, pour stopper ce déclin, la France a classé le grand cormoran comme espèce protégée, puis en 1979 la protection de l’espèce a été instaurée dans toute l’Europe. Cette protection a permis au grand cormoran de connaître une forte croissance démographique au Pays-Bas et au Danemark. Puis, ces pays étant peu propices à l’hivernage, l’expansion géographique de ces populations s’est généralisée à l’échelle européenne. La multiplication des plans d’eau artificiels et l’augmentation de certaines populations de poissons ont fourni à l’espèce de nouveaux sites pour se nourrir et se reproduire.

La France est ainsi devenue le pays le plus important pour l’hivernage du grand cormoran : le recensement de janvier 2021 a comptabilisé un peu plus de 115 000 individus.

Source FNE

Pesticides dans l’arboriculture : France Nature Environnement et Générations futures saisissent la justice

pesticides dans l'arboriculture

Alors que l’érosion de la biodiversité des insectes menace directement le maintien des équilibres biologiques, les agent·es de l’Office français de la biodiversité ont été prié·es, à la demande du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, de ne pas contrôler les périodes de pulvérisation de pesticides par les arboriculteurs. Ces périodes sont pourtant définies par la réglementation et indispensables pour protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs en période de floraison. France Nature Environnement et Générations Futures saisissent la justice pour rappeler que nul n’est au-dessus des lois : la police de l’environnement et les magistrat·es doivent pouvoir faire leur travail. 

Une érosion de la biodiversité sans précédent : notre sécurité alimentaire en jeu

Notre sécurité alimentaire est intimement liée à l’état de la biodiversité des insectes pollinisateurs comme les abeilles. Ceux-ci jouent en effet un rôle majeur aussi bien dans la reproduction des plantes sauvages que pour la production agricole. Un service de pollinisation gratuit chiffré entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros de valeur marchande par an en France.  Pommes, poires, courgettes, colza, tournesol… 35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes.

Sauf que la biodiversité s’effondre : depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux scientifiques menés dans des écosystèmes variés montrent des baisses très importantes et durables des populations d’insectes, voire des extinctions d’espèces. Une espèce sur 10 d’abeille et de papillon est menacée d’extinction selon l’UICN. Et parmi les quatre causes principales de cette dégradation figure l’impact des pesticides. Une situation d’autant plus alarmante que d’après l’Autorité européenne de sécurité des aliments les lacunes des pratiques réglementaires ont conduit depuis des années à une sous-évaluation de l’exposition des abeilles aux pesticides. La protection des pollinisateurs est encore loin d’être suffisante.

Du bon sens dans la réglementation : la protection des pollinisateurs vis-à-vis des pesticides en période de floraison

En période de floraison, les abeilles sont principalement présentes et actives en milieu de journée. Leur présence décroît en cours d’après-midi, notamment à partir de 2 heures avant le coucher du soleil, jusqu’à leur disparition complète à la nuit tombée.

La réglementation fait donc preuve de bon sens en fixant les horaires de traitements de pesticides compatibles avec le rythme de vie des pollinisateurs en période de floraison : l’usage de pesticides est ainsi autorisé dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui le suivent.

Une telle mesure permet aux arboriculteurs et arboricultrices de travailler tout en réduisant les mortalités d’insectes pollinisateurs.

« Business as usual » pour les arboriculteurs, les abeilles bonne poire, l’effondrement pour nos pommes !

Plutôt que d’accepter d’adapter ses pratiques pour protéger une biodiversité qui nous et lui rend gratuitement service, la filière arboricole préfère continuer son « business as usual » et conserver ses profits tout en faisant peser les coûts d’un usage problématique des pesticides sur la société dans son ensemble.

Dans une note de la direction de l’Office français pour la biodiversité, dont le quotidien le Monde s’est fait écho, les inspecteurs de l’environnement sont expressément priés, à la demande du Ministère de l’agriculture, de s’abstenir de contrôler les arboriculteurs, (mais pas les autres cultures concernées comme les colzas et tournesols), pour vérifier qu’ils n’abusent pas de pesticides pendant la période de floraison. La note demande de faire de la « pédagogie » à la place…

Tant pis pour le principe constitutionnel selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », le ministère de l’Agriculture préfère croquer le fruit du clientélisme pour mettre les arboriculteurs au-dessus. « Business as usual » pour les arboriculteurs, les abeilles bonne poire, l’effondrement pour nos pommes! Une décision court-termiste qui privilégie les profits au détriment du vivant et retarde encore la transition écologique indispensable pour répondre à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

France Nature Environnement et Générations Futures saisissent la justice contre cette instruction manifestement illégale

Face à ces petits arrangements qui peuvent être lourds de conséquences, France Nature Environnement et Générations Futures déposent un recours devant la justice administrative pour faire garantir le respect des mesures de bon sens prévues par la loi pour la protection des pollinisateurs.

Au-delà, France Nature Environnement et Générations Futures demandent à ce que des moyens dignes soient alloués à la police de l’environnement et à l’institution judiciaire afin qu’elles puissent fonctionner convenablement et traiter les atteintes à l’environnement de manière égale sur l’ensemble du territoire.

Source : FNE

L’État français a tué le seul loup du Limousin !

loup-limousin

Dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 mai 2023, des lieutenants de louveterie ont abattu un loup à proximité d’un troupeau sur la commune de Tarnac, en Corrèze, sur le plateau de Millevaches. Ce tir était autorisé par la préfecture, pour soi-disant protéger les troupeaux.

Ce faisant, c’est purement et simplement le seul loup présent de manière permanente connu de tout le Limousin qui a été tué (photo ci-dessus, crédit Carduelis). C’est un véritable scandale ! Les pouvoirs publics continuent de faire abattre des animaux d’une espèce protégée sur des fronts de recolonisation. On assiste là à une extermination locale.

D’après la préfecture, le troupeau était protégé. Mais un simple filet électrique de 90 cm de hauteur et la présence de deux ânes ne peuvent constituer une protection efficace contre des loups ou même des chiens divagants. Par ailleurs, on sait juste, par les déclarations des lieutenants de louveterie, que le loup passait à côté du troupeau comme le font régulièrement des loups à côté de nombreux troupeaux, sans tentative de prédation.

Des actions de protection des troupeaux avaient été initiées au niveau local, au sein du Parc naturel régional de Millevaches ou avec des associations locales (surveillance bénévole de troupeaux).

Et la réponse donnée par la préfecture a été de tuer l’unique loup présent.

Pourtant, l’habitat naturel étant favorable, d’autres loups arriveront, c’est inéluctable. Les pouvoirs publics vont-ils continuer à tuer ces loups recolonisateurs ? Ou un réel effort de protection des troupeaux sera mis en place dans les nouvelles zones de retour du loup ? Seuls les moyens de protection des troupeaux effectifs fonctionnent sur le long terme, on ne le répétera jamais assez : l’avenir et de l’élevage et des loups ne peut se faire qu’à cette condition.

L’État français se montre une nouvelle fois hors-la-loi vis-à-vis des directives européennes qui stipulent que des loups ne peuvent être abattus que :

  • si la population de loups, y compris locale, n’est pas mise en danger (ce qui n’est pas le cas ici vu que le seul loup de la zone a été tué)
  • si toutes les autres solutions n’ont pas marché (ce qui n’est pas non plus le cas vu la faible hauteur des clôtures et l’absence de chiens de protection).

Et quid des méthodes d’effarouchement ? Les tirs d’effarouchement par exemple devraient être un préalable à tout tir mortel mais s’ils figurent bien dans le protocole, ils ne sont pas obligatoires ! Rappelons aussi qu’aucune étude n’a prouvé l’efficacité des tirs mortels sur la défense des troupeaux.

Alors arrêtons de tuer des loups et redoublons d’efforts sur la mise en œuvre des moyens de protection des troupeaux, notamment sur les fronts de recolonisation !

Dangerosité supposée de l’ours : une mise au point s’impose

dangerosité de l'ours

Depuis la mort d’un trailer dans le Trentin italien, les opposants à la sauvegarde de l’ours en France n’ont de cesse d’instrumentaliser médiatiquement et à toute occasion ce dramatique événement, en tentant d’instaurer une psychose collective.

Dernière en date, l’exploitation médiatique alarmiste de la rencontre rapprochée d’un ours par deux randonneuses sur la commune d’Orlu, dont le seul point notable était l’attitude placide du plantigrade.

Contrairement à ce qui a été suggéré, la présence de l’ours sur ce secteur de l’Ariège, bien que peu fréquente, n’a rien d’exceptionnelle : de jeunes ours mâles en exploration parcourent régulièrement cette zone depuis plus de 25 ans, sans que l’on puisse en déduire une quelconque tendance sur la population ou une possible installation.

Il convient de ne pas se laisser instrumentaliser par des peurs irrationnelles, et de remettre le risque causé par l’ours dans sa juste perspective, à partir des données factuelles :

  • Lors des rencontres homme-ours, l’ours s’éloigne dans 80% des cas alors qu’il est indifférent dans 20% des cas restant. Parfois il peut montrer de la curiosité. Les rares cas de comportement agressif (quelques %) concernent surtout des femelles suitées d’oursons, ou des ours surpris à courte distance, pouvant entraîner une charge d’intimidation.
  • Les charges avec contacts et blessures, voire décès, restent une très rare exception : au niveau mondial on relève moins de 10 décès dus à l’ours par an, loin derrière d’autres espèces d’animaux sauvages ou domestiques, mais ceux-là moins médiatiques (Bombieri 2019).

Par exemple :                                                                                                 

  • Par an, les chiens causent au moins 25 000 décès dans le monde, 30 en Europe, 1,5 en France.
  • Un cerf a tué un homme l’hiver dernier en France. Les charges de sanglier peuvent être mortelles, mais rarement.
  • Par an, les bovins tuent une vingtaine de personnes aux USA, 6 au Royaume-Uni (promeneurs), 6 en France (professionnels).
  • Dans nos Pyrénées, les charges de bovins en estive entraînent en moyenne 2 blessés graves par an parmi la seule population des randonneurs et des chasseurs, et sur le seul versant français. Auxquels on peut ajouter un décès en 2013.

Ces chiffres, sans parler des risques inhérents au milieu montagne, se passent de commentaires et montrent que l’agitation se focalisant autour de la dangerosité de l’ours dans les Pyrénées est essentiellement partisane et politique.

Comme pour toute pratique en milieu naturel, minimiser les risques, y compris la faible fraction due à l’ours, passe par la connaissance et l’information afin d’adopter une attitude adaptée.

Loin des polémiques stériles, notre association agit dans ce sens à son niveau, concernant l’ours, à travers :

 

  • Un MOOC, formation gratuite en ligne sur les grands prédateurs, via Erasmus+ et des partenaires européens : https://mooc-large-carnivores.org/
  • Un programme de bénévolat, Parole d’Ours, qui va à la rencontre des pyrénéens chaque été depuis 15 ans, et fournit de la documentation sur le plantigrade, y compris celle de l’Etat (DREAL), dans les commerces et offices du tourisme.

Mal faits, des nichoirs peuvent être néfastes pour les oiseaux

nichoirs mal faits

Des nichoirs mal conçus ou installés à des endroits inappropriés peuvent nuire à la reproduction des volatiles. – Pxhere/

 C’est un grand classique des ateliers bricolage avec les enfants : la confection et l’installation de nichoirs à oiseaux. Mais l’exercice est moins simple qu’il n’y paraît. D’après une étude publiée le 26 avril dans la revue Avian Research, des nichoirs mal conçus ou installés à des endroits inappropriés peuvent nuire à la reproduction des volatiles.

Introduits dans les années 1920 pour pallier la disparition des trous d’arbres, les nichoirs jouent un rôle important dans la protection des oiseaux et la recherche en ornithologie. Mais les 321 articles analysés par les auteurs de l’étude, tous publiés entre 2003 et 2022, mettent en évidence de possibles conséquences négatives sur les espèces menacées, voire une augmentation du risque d’extinction.

La forme et la taille du nichoir revêtent une grande importance. L’effet du diamètre de l’entrée, qui va favoriser une espèce plutôt qu’une autre, est bien connu des ornithologues amateurs : une mésange charbonnière ou mésange variée va apprécier un diamètre de 4 à 5 centimètres (cm), une mésange nonnette un diamètre de 3 cm. Mais d’autres caractéristiques sont également très importantes. Dans un nichoir trop grand et difficile à chauffer, les parents peuvent s’épuiser à maintenir une température adéquate ; à l’inverse, une chaleur excessive dans un nichoir trop petit et surpeuplé peut tuer la nichée, surtout si l’abri est construit en matériaux peu isolants (contreplaqué mince) et/ou de couleur sombre. Des matériaux de construction trop vieux peuvent favoriser les parasites, les odeurs — humaines, de produits chimiques — et attirer les prédateurs. Dans un nichoir à l’ouverture trop grande ou pas assez profond, les oiseaux sont à portée de crocs, notamment des chats errants.

Le choix du lieu d’installation du nichoir est lui aussi crucial. Une densité trop importante de nichoirs peut accroître la compétition intra et interespèces et ses effets néfastes — agressivité, conflits pour la nourriture, parents accaparés par la surveillance du nichoir, diminution de la taille des nichées, etc. Cette guerre impitoyable favorise certaines espèces au détriment d’autres : les moucherolles tachetés battent en retraite face aux mésanges charbonnières, lesquelles ne font pas le poids face aux gobemouches tachetés, ces derniers pouvant être chassés par des guêpes, des chauves-souris ou des écureuils. Si l’emplacement est trop bruyant, la communication entre les parents chanteurs peut être plus difficile. Quant à la lumière artificielle, elle peut affecter le sommeil et l’immunité des volatiles.

Alors, faut-il laisser les oiseaux de son jardin se débrouiller seuls ? Non, mais les chercheurs plaident pour des travaux plus approfondis sur certains points précis, comme les nichoirs en milieu urbain et l’odorat des oiseaux. « Les nichoirs artificiels peuvent attirer des oiseaux utiles, favoriser la lutte biologique et contribuer de manière significative à l’écologie de la reproduction des oiseaux, à la protection de la diversité, à la génétique des populations et à la dynamique des populations, concluent-ils. L’impact négatif des nichoirs sur les oiseaux devrait être résumé et éliminé en temps utile, ce qui contribuera à la protection des oiseaux et de la biodiversité, et au maintien de l’équilibre de l’écosystème. »

Les oiseaux disparaissent d’abord à cause de l’agriculture intensive, selon cette nouvelle étude

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Les populations d’oiseaux ne cessent de diminuer en Europe. Une récente étude a comparé l’impact des différents secteurs responsables de leurs disparitions.

Par Margaux Lamoulie

– L’agriculture intensive fait encore parler d’elle. Une étude parue ce lundi 15 mai démontre que les exploitations agricoles sont les premières responsables du déclin des populations d’oiseaux.

En effet, de nombreux rapports montrent depuis quelques années que la démographie des volatiles est en baisse. Selon National Geographic, la population d’oiseau en Europe a baissé de 17 % à 19 % depuis 1980, ce qui correspond à la disparition de 560 millions à 620 millions de bêtes. « Le fait que la population d’oiseaux diminue fortement, c’était un fait déjà connu. Des analyses locales ou internationales avaient déjà été réalisées, mais aucune ne combinait une grande variété d’espèce sur une large période de temps, et le tout à grande échelle » a confié au HuffPost Stanislas Rigal, l’auteur principal de cette nouvelle étude.

L’équipe de chercheurs a donc réussi à rassembler tous ces critères pour la première fois. Leur étude repose sur plus de trente-sept ans de données provenant de vingt mille sites dispersés dans vingt-huit pays européens. Cela leur a permis de se pencher sur 170 espèces d’oiseaux communs, et notamment la famille des passereaux.

Quatre secteurs étudiés, l’un d’entre eux sort du lot

Les scientifiques ont identifié quatre principaux facteurs qui influencent la démographie des oiseaux : la couverture forestière, l’urbanisation, la hausse des températures et l’agriculture intensive. Afin de déterminer leur impact, ils ont mis en rapport les tendances annuelles de reproduction des espèces et celles des quatre critères sélectionnés. Résultat : le plus dévastateur est de loin l’agriculture. Les oiseaux des milieux agricole sont davantage touchés, mais les conséquences se répercutent chez les autres espèces.

Leur disparition est le résultat d’une déstabilisation de la biodiversité. En effet, les oiseaux se nourrissent essentiellement d’insectes. Mais comme le souligne l’étude, agriculture intensive rime souvent avec destruction de la biodiversité : parce que les forêts et les haies, qui grouillent de vie, sont abattues pour agrandir les cultures, mais aussi parce que les pesticides et insecticides tuent les insectes.

Les oiseaux ont donc de plus en plus de mal à s’alimenter, et cela est particulièrement critique au moment de la reproduction et de la naissance des petits. D’autant plus que la plupart des oiseaux communs d’Europe ont une espérance de vie assez courte (quelques années), et n’ont donc pas beaucoup d’occasions de se reproduire. C’est principalement la répétition de ce cycle qui a mené à la disparition des oiseaux, faisant de l’agriculture l’impact le plus dévastateur des quatre critères.

La couverture forestière et l’urbanisation en cause

Heureusement pour nos passereaux, le continent européen reste relativement riche en espaces forestiers. La préservation des espaces boisés, mais aussi la reforestation (volontaire ou via l’abandon de surfaces cultivées) sont des alliés des oiseaux en quête de refuge.

Il s’agit alors de forêt secondaire, c’est-à-dire une forêt repoussant sur une terre qui a été dominée par l’Homme. Bien qu’elles ne soient pas aussi optimales pour les oiseaux que les forêts primaires, qui sont restées vierge d’activité humaine, elles offrent tout de même un certain nombre de cachettes et de nourritures aux oiseaux. Elles sont donc plutôt avantageuses pour l’espèce.

Pour ce qui est de l’urbanisation, son impact est lui aussi modéré. Car si les habitats naturels des oiseaux sont détruits par l’étalement des villes, des espèces nommées « cavernicoles » sont capables de s’adapter au milieu urbain. Elles se contentent de n’importe quelle infractuosité et y construisent des nids sommaires avec quelques brindilles, sans avoir besoin de beaucoup de ressources.

Le réchauffement, pas le premier coupable

« Cela est toutefois de plus en plus difficile sur les bâtiments modernes, où les aspérités pouvant servir de cachettes aux oiseaux manquent » temporise Stanislas Rigal. Un besoin particulièrement aigu dans un contexte où les villes confrontées au réchauffement deviennent des îlots de chaleur.

Pourtant si la hausse des températures cause de nombreux problèmes environnementaux, elle n’est pas aussi destructrice pour les oiseaux que l’on pourrait le penser. Car bien que le réchauffement handicape certaines espèces, « il est aussi favorable à d’autres, pour lequel la chaleur est bénéfique » explique le principal auteur de la thèse.

Mais surtout, le changement climatique est déjà engagé, et « c’est malheureux, mais c’est déjà trop tard » confit Rigal. Alors que pour le milieu agricole, il est encore temps de changer la donne, estime le chercheur : « L’agriculture en elle-même peut évoluer sous l’influence de mesures et de lois. On ne pointe pas du doigt les agriculteurs, mais c’est le modèle qui est à repenser.»

Jour du dépassement de la France : pourquoi arrive-t-il plus tôt que dans le reste du monde ?

jeunes militants écologistes

Par Matéo Da Ponte le 10.05.2023 à 17h23

Si tout le monde vivait comme les Français, il nous faudrait presque trois planètes Terre pour répondre à nos besoins. La conséquence d’une consommation excessive de ce que les écosystèmes peuvent régénérer d’après Earth Overshoot Day.

Jeunes militants écologistes français lors d’une grève pour le climat, à Perpignan, en 2019.

ARNAUD LE VU / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

 

En 2022, l’humanité avait consommé l’ensemble des ressources que la planète peut générer en un an, le 28 juillet 2022. C’est ce qu’on appelle le Jour du dépassement, qui est calculé par Global Footprint Network (GFN), un institut de recherche international établi en Californie (Etats-Unis). En France, ce jour a eu lieu le 5 mai 2023. À titre de comparaison, ce jour tombe le 26 mars pour la Belgique, le 29 mai pour la Croatie et le 11 juin pour la Roumanie. En dehors de l’Europe, le jour du dépassement arrive le 2 juin en Chine et le 24 juin en Argentine. La France, comme beaucoup de pays en Europe, est l’un des pays les plus en « déficit écologique ».

La dépendance de la France aux énergies fossiles

Crédits : SDES, Bilan énergétique de la France

La guerre en Ukraine nous l’a encore montré : la France est dépendante en matière d’énergies fossiles, dont le pétrole et le gaz. À l’heure actuelle, les énergies renouvelables ne représentent que 14 % de la consommation des énergies dans l’Hexagone (chiffres de 2020 du Service des données et études statistiques, le SDES). Ce qui est insuffisant pour répondre aux demandes en énergie des Français. Or, les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des ressources fossiles sont des causes majeures de l’évolution de la date du jour de dépassement, selon les calculs faits par GFN.

A contrario, la Roumanie s’illustre en Europe pour son indépendance aux énergies fossiles avec 24 % d’énergies renouvelables, selon la Direction générale du Trésor. De manière similaire, en Suède, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les énergies fossiles ne représentent que 27 % des énergies. Son mix électrique se répartit sur le nucléaire, la biomasse, la réutilisation des déchets et l’hydroélectricité.

Une empreinte carbone encore trop importante

L’empreinte carbone est la quantité de gaz à effet de serre émise par l’activité humaine (prendre l’avion, utiliser un téléphone, etc.). En 2021, l’empreinte carbone d’un Français en une année est estimée à 8,9 tonnes de CO2.

Un chiffre en augmentation, puisqu’en 2020, cette empreinte était de 8,3 tonnes de CO2 par personne d’après le SDES. Or, selon les consignes gouvernementales, il faudrait tendre vers deux tonnes de CO2 par habitant pour suffisamment réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Pour reprendre la comparaison avec la Suède, l’empreinte carbone par habitant s’y établissait à 3,4 tonnes de CO2 en 2019, d’après la banque mondiale de données. Cela s’explique notamment par l’application d’une taxe carbone depuis plus de 30 ans. Cette dernière s’est multipliée par 6 depuis sa création en 1991.

Des leviers d’action possibles

Le Jour du dépassement est devenu un symbole des conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. C’est le sens donné à la politique de sobriété qui invite à adopter les bons réflexes pour réduire son empreinte carbone (réduire sa consommation de viande, privilégié les transports en commun, etc.). L’association en charge de l’inventaire des émissions de gaz polluants en France a d’ailleurs constaté une baisse de 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre en 2022. Une baisse qui peut s’expliquer par les campagnes de sensibilisation à la sobriété.

 

ET  SELON LA PHRASE CÉLÈBRE « EN MÊME TEMPS »

Emmanuel Macron veut une « pause » dans les règles environnementales européennes : c’est-à-dire ?

Plusieurs élus écologistes critiquent le président de la République, et voient dans cette déclaration le signe d’une ambition écolo en berne.

Tendez l’oreille : le vivant vous parle

tendez l'oreille

Tous moteurs éteints, écoutons les oiseaux en nous abstenant d’être bruyants. – Sue Cro / CC BY-NC 2.0 / FlickrBaleines, oiseaux, rats, humains… Le bruit, ce déchet invisible, nous empoisonne, écrit l’écologue Jacques Tassin, qui vient de publier « Écoute les voix du monde ». Il estime que « nos sociétés sont malades de ne plus savoir écouter. »

Jacques Tassin est écologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et membre correspondant à l’Académie d’agriculture de France. Spécialiste des relations entre humains et nature, il est l’auteur de Pour une écologie du sensible (Odile Jacob, 2020) et Écoute les voix du monde (Odile Jacob, 2023).

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Nous vivons dans un monde entre-tissé de voix, qui dégagent du sens par-delà l’invisible de la nuit ou du lointain, et révèlent la part merveilleuse du monde. Ces voix nous portent et nous parlent, sans même que nous y prêtions attention. Même les productions sonores abiotiques – tonnerre, murmures de pluie ou roulement des vagues – demeurent porteuses de sens et sont interprétables. Les plantes, sait-on depuis peu, sont sensibles aussi aux vibrations sonores. Tout comme les arbres, d’une certaine manière, écoutent. Mais le bruit contemporain, cet immondice de nos sociétés industrieuses, brouille l’accès à ces réalités sensibles du vivant. L’Anthropocène se double de Thorivocène (du grec thóryvos, bruit), ère du vacarme et de l’irrelationnel.

Les zones indemnes de pollution sonore ont chuté de 50 à 90 % depuis le début de l’essor industriel, au XIXe siècle, et les villes sont elles-mêmes devenues invivables. Dans le seul cœur de l’Île-de-France, le bruit causé par les transports entraîne, pour chaque habitant, une perte de onze mois de vie, soit une perte globale de 108 000 années de vie en bonne santé. Plus de 70 % des Parisiens sont incommodés par le bruit, fenêtres à double vitrage pourtant fermées. Et dans les environnements lycéens, l’écoute au casque de musiques amplifiées conduit aujourd’hui un élève de terminale sur sept à devoir s’accommoder d’une oreille vieillie de trente ans. Le bruit se glisse partout. Et, partout, il altère l’écoute.

Mais nous ne sommes pas seuls à en souffrir. Agissant tel un interrupteur relationnel, le bruit fait barrage à l’écoulement du vivant. Il obstrue la libre circulation des voix, multiplie les accrocs dans le tissu serré des relations entre êtres vivants. L’anthropophonie a désormais envahi les espaces marins en y multipliant les ronflements assourdissants des navires, les percussions répétées des prospections minières et autres problématiques sonars militaires. Elle est l’une des sources des emblématiques échouages de cétacés.

Mais son impact écologique total, alors que les océans abritent plus de la moitié de la biodiversité mondiale, demeure incommensurable. Tous les organismes marins, des poissons jusqu’aux huîtres, que l’on voudrait croire insensibles, souffrent profondément du brouillage de leurs repères sonores. Les baleines, par exemple, auraient connu une réduction de 90 % de la zone dans laquelle elles peuvent s’entendre. Des animaux marins abandonnent leur habitat favori, modifient la périodicité et le volume de leurs appels, voire changent d’appel pour pouvoir encore communiquer, ou même cessent de se nourrir. Le silence de la mer, jadis traversé d’admirables polyphonies vivantes interprétées par d’innombrables et talentueuses sirènes, s’est transmué en invivable raffût.

Cela ne va guère mieux pour les espaces terrestres. Chez l’alouette des champs ou le vanneau huppé, la diminution des effectifs en période de nidification peut atteindre 40 % à 1 500 mètres de distance des axes routiers. Comment en effet vivre en oiseau lorsque son chant n’est plus même audible ? D’évidence, le bruit dérange l’ensemble du vivant, et l’appauvrit en faisant fuir des oiseaux pollinisateurs.

Il peut aussi altérer directement sa santé. Dans le cerveau des rats, par exemple, l’exposition prolongée au bruit entraîne un état inflammatoire propice à la maladie d’Alzheimer ou d’autres pathologies proches, en association avec une dégradation du microbiote intestinal. Des souris immergées dans des ambiances bruyantes développent quant à elles des pathologies cardiaques. En somme, les méfaits du bruit ne connaissent aucune limite.

Le bruit nous coupe du monde

Au-delà de ses ravages sanitaires, le bruit nous coupe du monde. Comme un voile, il en recouvre les beautés. Il crée des absences, des troubles, des espaces de non-expression et de non-reconnaissance. D’origine souvent anonyme, il tient du déchet invisible et nous empoisonne.

Il demeure lié à l’indésirable, au non-intentionnel, telle une trace flottant dans le sillage de nos activités industrieuses. Il est cet indiscipliné qui traîne par-delà les rues et les villes, ne s’adresse à personne et, au bout du compte, ne dit rien. Il n’a pas de sens mais, toujours, il est une gêne, une atteinte à la qualité de vie. Perçu et ressenti, il est autant psychologique qu’acoustique.

Dans ses correspondances avec Maupassant, Flaubert défendait l’idée selon laquelle les relations entre les êtres humains constituent la seule réalité. Privé de relations, l’individu deviendrait une abstraction. Mais cela vaut pour tout être vivant. Les modulations sonores du vivant créent en effet des mondes imbriqués desquels se dégage une trame commune sensible : vent, eau, air, pluie, insectes, oiseaux, mammifères… Dans la mesure de ses capacités perceptives, chaque être vivant traverse son existence à l’écoute de ces autres voix tandis qu’il dispense la sienne autour de lui.

Nos sociétés sont malades de ne plus savoir écouter et de ne plus pouvoir s’entendre, à mesure qu’elles se répandent dans le bruit. Pourtant, dehors, camouflés dans les arbres reverdis, des oiseaux chantent et exultent. Rossignols et loriots viennent tout juste de nous rejoindre. Alors, tous moteurs éteints, écoutons-les en nous abstenant d’être bruyants. Peut-être sera-ce l’occasion de nous souvenir combien la vie est d’abord une constante mise en relation. Et combien nous ne pouvons nous-mêmes assurer notre plénitude existentielle qu’en prêtant attention à ce qui, précisément, se déploie intimement vers nous depuis l’invisibilité des voix.

ASPAS :Newsletter – Avril 2023

ASPAS

Parmi nos dernières actualités : le lancement des Havres de Vie Sauvage®, de nouvelles actions pour les “nuisibles”, le programme de la 2e Journée mondiale des blaireaux et notre réaction suite à une attaque d’ours en Italie. Sans oublier, bien sûr, toutes nos actions en justice pour les espèces et les espaces ! Bonne lecture à toutes et à tous, et merci pour votre fidélité et votre générosité sans faille.

Martre des pins dans l'herbe
Martre des pins dans l’herbe

NON À LA DIABOLISATION DES « NUISIBLES » !

Geais, fouines, martres, corneilles… Renards ?! Fin juin, le ministère de la Transition écologique révèlera le nom des malheureux élus de la prochaine “liste de la mort”, qui classe pour les trois prochaines années les animaux qualifiés d’ESOD (“espèces susceptibles d’occasionner des dégâts”) légalisant ainsi leur “destruction” sans quota par les piégeurs et chasseurs. Pour contrer cette liste sans queue ni tête et qui fait totale impasse sur la place de ces animaux dans leur écosystème, l’ASPAS a renforcé fin mars sa campagne de mobilisation citoyenne pour la dernière ligne droite.
>> En savoir plus et agir

La cause des “nuisibles”, et plus particulièrement du renard a aussi pu toucher de nouveaux publics grâce au partenariat que l’ASPAS a noué avec la revue 100% indépendante Sans Transition ! et son numéro spécial consacré à la condition animale.

blaireau

15 MAI, LA 2E JOURNÉE MONDIALE POUR LES BLAIREAUX

Vous serez rassurés de l’apprendre : depuis la première Journée des blaireaux lancée par l’ASPAS en 2022, nos « petits ours » n’ont croqué aucun bambin ni fait dérailler le moindre train ! Ce 15 mai, mais aussi le week-end des 13 et 14, tout plein d’évènements sont organisés partout en France par de nombreuses associations, communes, artistes, etc. >> Consulter la carte des évènements

Le 15 mai, hélas, c’est aussi le début de la nouvelle saison de déterrage dans plusieurs départements de France… Plusieurs consultations publiques sont en cours dans les préfectures : soyons nombreuses et nombreux à saisir cette occasion pour nous opposer à cette pratique cruelle et barbare !

Le Sénat, lui, s’est déjà exprimé sur ce sujet dans un rapport affligeant qui fait suite à la pétition lancée en mars 2022.

votre propre réserve naturelle

ET SI VOUS CRÉIEZ VOTRE
PROPRE RÉSERVE NATURELLE ?

Vous êtes propriétaire d’un terrain d’au moins 5 hectares et souhaitez le protéger durablement ? Faites-en un Havre de Vie Sauvage®, le tout nouveau label lancé par l’ASPAS dont le but est d’augmenter la part de nature laissée en libre évolution !
>> En savoir plus

geai des chênes

EN ANGLETERRE, DES GEAIS ONT
PLANTÉ UNE FORÊT EN LIBRE ÉVOLUTION !

Oiseau chassé et piégé en France, le geai des chênes est protégé en Angleterre où sa réputation de planteur d’arbres a été démontrée en 2021 par une étude scientifique menée sur deux simili “Réserves de Vie sauvage” – des anciennes parcelles agricoles laissées en libre évolution depuis plusieurs décennies ! >> En savoir plus

 

 

POUR UNE RELATION PACIFIÉE AVEC LES OURS

Suite à une attaque d’ours qui a tragiquement coûté la vie à un jeune Italien le 5 avril dernier, l’ASPAS tient à exprimer son émotion aux proches de la victime mais aussi à rassurer : de tels accidents sont extrêmement rares, et plus les humains connaîtront les ours et leurs comportements, plus rares encore seront les accidents.
>> Lire notre communiqué

aspas et sanglier

VICTOIRE POUR LES SANGLIERS ET LES REFUGES ASPAS

Plus de 2 ans après les faits, la justice a annulé un arrêté préfectoral qui autorisait la destruction d’un nombre illimité de sangliers sur un refuge ASPAS des Côtes d’Armor pourtant interdit à la chasse ! >> En savoir plus

GOUPIL, LE MAGAZINE DES MEMBRES DE L’ASPAS

Bientôt des bisons en liberté en France ? Rêvons un peu, avec le dossier central de notre dernier Goupil rédigé par Gilbert Cochet consacré aux bienfaits du réensauvagement ! Au sommaire également de ce numéro, bientôt dans les boîtes aux lettres de nos adhérents : les résultats de notre sondage pour mieux vous connaître, l’intégralité de nos victoires en justice, l’actualité de nos Réserves de Vie Sauvage® et toutes nos actions pour les blaireaux, les ours, les loups, et les animaux considérés comme “nuisibles”, au niveau local et national.

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