Six personnes mortes durant la saison de chasse 2022-2023

6 victimes en 2022

Six personnes sont mortes l’an dernier sous les balles d’un chasseur. C’est le chiffre le plus bas jamais relevé, selon l’Office français de la biodiversité. Sur la saison de chasse 2021-2022, huit décès avaient été constatés. Les six victimes dénombrées sur la saison 2022-2023 étaient toutes des chasseurs.

Ce bilan annuel, rendu public le 23 août, fait également état d’un nombre d’accidents en baisse, avec 78 accidents constatés contre 90 la saison dernière (un accident est défini par toute blessure corporelle survenue par arme à feu dans le cadre d’une action de chasse). Il montre enfin une baisse du nombre d’incidents, à 84 contre 104 la saison dernière. Un incident est défini par une situation susceptible d’avoir mis en danger les personnes ou les biens — tirs en direction d’habitations, de véhicules ou d’animaux domestiques.

Pour l’OFB, ces chiffres – qui s’inscrivent dans la tendance à la baisse des accidents de chasse – sont le résultat des « efforts réalisés depuis deux décennies par les chasseurs, par les fédérations, par leurs partenaires, par l’État et l’OFB ». Formations, sensibilisations, contrôles porteraient leur fruit.

400 morts en 20 ans

En vingt ans, la chasse a tout de même tué plus de 400 personnes. Outre les décès, l’association Un jour un chasseur rappelle régulièrement les « traumatismes » des habitants des zones rurales, à cause de la chasse. « Un jour, une balle a traversé toute notre maison. À quelques secondes près, je me la prenais en pleine tête », peut-on ainsi lire dans le manifeste publié l’an dernier par le collectif.

L’association met à jour une carte de France qui recense les accidents contre les humains ou des animaux domestiques.

Les armes de chasse peuvent également tuer hors des battues. Reporterre avait ainsi identifié au moins 94 morts provoquées par des armes de chasse en 2020, et 95 en 2021 – avec des suicides et des féminicides en particulier.

L’écholocalisation chez les animaux marins

L’écholocalisation est utilisée par plusieurs animaux tels que les chauves-souris, les dauphins, les baleines à dents et certains oiseaux nocturnes. Cette technique permet aux animaux d’émettre des sons qui percutent les objets situés dans leur environnement, ce qui leur renvoie un écho. Les animaux l’utilisent pour la chasse, la communication, la détection des prédateurs et pour éviter des obstacles dans l’obscurité ou dans des eaux turbides. Nous savons que l’écholocalisation chez les espèces terrestres et aquatiques ont des fonctions semblables, mais y a-t-il aussi des différences entre elles?

Le son voyage à 344 mètres par seconde dans l’air, contrairement à 1482 mètres par seconde dans l’eau. La propagation du son est donc 5 fois plus rapide dans l’eau que dans l’air. De plus, les baleines et les chauves-souris,  par exemple, ne semblent pas émettre exactement les mêmes fréquences. Les baleines entendent des sons de 10 à 60 000 Hz, des fréquences allant des infrasons aux ultrasons. Les chauves-souris, elles, entendent de plus hautes fréquences variant entre 20 et 150 000 Hz. Les géants des mers sont donc les maîtres dans l’émission de basses fréquences, alors que les chauves-souris le sont plutôt dans les hautes fréquences. De nombreux insectes peuvent détecter et réagir aux sons des chauves-souris, alors que la plupart des poissons et des calmars ne répondent pas aux signaux des baleines, mais peuvent détecter les mouvements de l’eau générés par le prédateur qui approche. Ces différences ont donc une influence sur la façon dont les baleines et les chauves-souris utilisent l’écholocalisation.

Comment font-ils?

Les baleines à dents font de l’écholocalisation à l’aide de leur melon, la bosse sur leur front. Pour ce faire, elles émettent des sons dans l’eau qui rebondissent sur les différents objets et organismes. Lorsque le son percute un objet, il revient vers l’animal en passant par des tissus conducteurs du son situés dans la mâchoire inférieure. De là, il termine son chemin dans l’oreille interne. Cette capacité leur permet donc de détecter des objets ou des proies dans des milieux dépourvus de lumière. C’est d’ailleurs ainsi que s’y prend le cachalot, puisque celui-ci chasse régulièrement à 1500 mètres de profondeur. Il produit des clics unidirectionnels grâce à une proéminence hypertrophié sur sa tête nommé organe de spermaceti. En posant des hydrophones sur le dos de cachalots, des scientifiques ont démontré que l’organe de spermaceti génère les sons les plus forts du règne animal. La force de ce son lui permettrait de repérer des calmars géants, la base de son alimentation, jusqu’à 500 mètres de profondeur. Il semblerait même qu’ils soient si puissants qu’ils parviendraient à étourdir leur proies.

Que sont les décibels et les hertz?

Les décibels (dB) et les hertz (Hz) sont des unités de mesure. La fréquence représente le nombre d’oscillations de l’air ou de l’eau par seconde et celle-ci est mesurée en hertz. Plus le nombre de hertz est élevé, plus le son est aigu. À l’inverse, si celui-ci est très faible, le son est grave. L’unité de mesure du volume du son est le décibel. Plus la pression acoustique est forte, plus le bruit qui parvient à nos oreilles est fort.

De leur côté, les chauves-souris produisent des sons allant jusqu’à 140 dB à partir de leur larynx et les émettent ensuite par la bouche. Ces sons sont appelés des ultrasons et peuvent atteindre jusqu’à 150 000 Hz, ce qui est bien au-delà de ce que les humains peuvent entendre. Les hautes fréquences qu’elles émettent ont de courtes longueurs d’ondes et sont donc fortement réfléchies par de petites cibles telles que les insectes. En effet, les chauves-souris peuvent détecter un insecte jusqu’à 5 mètres de distance et même éviter des objets aussi fins que des cheveux humains. Pour éviter d’être étourdies par ses propres appels, elles ferment son oreille moyenne juste avant d’émettre le son, puis rétablit son audition en une fraction de seconde afin d’écouter l’écho qui lui est renvoyé.

les animaux qui en sont capables 1

Ces autres animaux qui en sont capables!

Bien que les baleines à dents et les chauves-souris soient reconnues pour leur capacité d’écholocalisation, bien d’autres sont dotés de cette capacité particulière! Par exemple, les guacharos des cavernes sont des oiseaux actifs la nuit qui utilisent des clics nets et audibles pour naviguer dans l’obscurité. Certaines musaraignes utiliseraient quant à elles des couinements ultrasonores dans le but d’explorer leur environnement. Les tenrecs, petits insectivores vivant à Madagascar, feraient des claquements de langue pour trouver de la nourriture. Les hérissons utiliseraient peut-être des ultrasons ressemblant à des sifflements, mais il n’a pas encore été prouvé avec certitude qu’ils en ont la capacité.

les animaux qui en sont capables 2

ASPAS :Newsletter – Juillet 2023

aspas

Au sommaire de ce mois-ci : c’est l’été, mais pas de répit pour faire justice ! Une nouvelle victoire pour les renards, le rapport de la Cour des comptes accablant pour les fédérations de chasse, la parution du guide Maires et chasse, le lancement de notre kit pédagogique « J’aime les ours ! » et, pour les plus connectés d’entre vous, le lancement de notre chaîne TikTtok, en immersion au sein de Vercors Vie Sauvage et du futur sanctuaire. Bonne lecture !

renard aspas juillet

JUSTICE POUR LES RENARDS DU PAS-DE-CALAIS !

Une nouvelle victoire sur le fond contre des battues administratives aux renards vient renforcer notre jurisprudence accumulée ces dernières années et devrait dissuader la préfecture de réautoriser de tels massacres de manière aussi injustifiée ! >> Lire l’article

chasse aspas juillet

LA COUR DES COMPTES DÉNONCE LE MANQUE
DE TRANSPARENCE DES FÉDÉRATIONS DE CHASSE

Au début du mois, la Cour des comptes dévoilait son rapport sur la gestion des ressources publiques attribuées aux Fédérations de chasseurs, réclamé l’an passé via une pétition lancée par le collectif #unjourunchasseur ; soutenue et encouragée par l’ASPAS. Résultat ? Les magistrats de la Cour pointent du doigt un manque de transparence financière dans la comptabilité des fédérations, et des projets peu qualitatifs notamment sur l’utilisation du fonds biodiversité, censé être alloué à des projets de préservation de la nature. Une raison de plus pour l’ASPAS de continuer à réaliser en toute indépendance, grâce à votre soutien, des projets concrets et d’œuvrer encore et toujours à la défense de la vie sauvage ! >> Lire le rapport

ours aspas juillet

 

L’ASPAS LANCE UN NOUVEAU
KIT PÉDAGOGIQUE « J’AIME LES OURS ! »

Contrairement aux idées reçues, l’ours brun est un animal généralement farouche et solitaire, qui fuit autant la présence humaine que ses propres congénères. Côté nourriture, les clichés ont aussi la vie dure : non, l’ours ne passe pas ses journées à attaquer des moutons mal protégés puisqu’il est à 75% végétarien ! Combien sont-ils ? Que mangent-ils ? Pourquoi est-il important de les sauver ? Destiné aux jeunes enfants (entre 6 et 11 ans), ce kit tord le cou aux idées reçues ! Disponible dès la fin du mois d »août. >> En savoir plus

ongulés aspas juillet

LE PREMIER SANCTUAIRE
D’ONGULÉS SAUVAGES DE FRANCE

Déjà plus de 100 000 euros collectés depuis le lancement de notre projet sanctuaire ! Un pas de géant pour notre cagnotte 1 million pour la libre évolution, pour sauver les animaux de l’ancien enclos de chasse ! Merci à tous les contributeurs ! Vous souhaitez en savoir plus sur ce projet innovant et pionnier ? >> En savoir plus

Pour One Voice : « 2023, l’année de tous les records pour les blaireaux ! »

blaireau-one voice

L’année 2023 est à marquer d’une pierre blanche. Dans dix nouveaux départements, les juges ont à nouveau suspendu les périodes complémentaires de vénerie sous terre. Un bouquet final qui vient clôturer une saison historique où 80 % des arrêtés contestés par l’association ont été suspendus : dans 29 territoires sur les 36 où One Voice a attaqué, les blaireautins et leurs parents auront la vie sauve. Plus de 4000 d’entre eux vivront, et le déterrage est plus que jamais sur la sellette.

En mars 2023, nous lancions une grande offensive juridique contre la période complémentaire de vénerie sous terre. Nous avons fait feu de tout bois, seuls ou avec nos partenaires chaque fois que c’était possible, et mobilisé toute notre énergie pour combattre ce mode de chasse insupportable. Jusqu’au cœur de l’été, nous avons attaqué les arrêtés préfectoraux et continué d’obtenir l’interdiction de ces massacres annoncés, souvent avant même l’ouverture de la chasse.

Dix nouvelles victoires, et des milliers de blaireaux sauvés

Aux 19 suspensions déjà obtenues au cours du printemps et de l’été, s’en ajoutent dix obtenues récemment.

Dans l’Aveyron, la Corrèze, la Creuse, la Haute-Vienne, l’Indre, l’Indre-et-Loire, la Seine-et-Marne et l’Orne, avec notre partenaire AVES, nous avons convaincu les juges de la nécessité de suspendre en urgence le déterrage. Face à l’absence totale de données sérieuses et aux risques pour les familles de blaireaux que nous avons systématiquement démontrés, les juges nous ont entendus et ont balayé d’un revers de main les arguments fallacieux des chasseurs soufflés à l’État.

Sur l’interdiction de mise à mort des petits, nous avons même repoussé les limites du droit ! Dans l’Essonne, où nous avons attaqué avec la LPO, le tribunal ne s’est pas laissé avoir par les tentatives de la préfecture qui avait reporté l’ouverture de cette chasse au 15 juillet soi-disant pour protéger les jeunes, et a dit « stop » au carnage malgré cette date tardive, puisque les blaireautins sont présents dans les terriers pendant au moins un an.

Et dans le Puy-de-Dôme, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a confirmé sa position : alors même que la préfecture avait pris un deuxième arrêté à la suite de notre première victoire – une magouille qui ne nous a pas vraiment surpris tant les préfectures sont coutumières de ces pratiques -, nous avons à nouveau obtenu gain de cause avec Animal Cross, AVES, FNE Aura, FNE Puy-de-Dôme et LPO Aura.

Au total, ce sont donc plus de 4000 individus qui ont été sauvés en tout et pour tout dans 29 départements qui dérogeaient à la fermeture de cette chasse déjà autorisée le reste de l’année, et dont nous avions dénoncé la cruauté grâce à une enquête en infiltration à hauts risques au sein d’un équipage de déterreurs.

Période complémentaire de vénerie sous terre : le début de la fin !

Grâce à tous ces succès, le déterrage au printemps et en été est plus que jamais remis en cause. Le Conseil d’État lui-même a confirmé sans ambiguïté que la loi interdit de tuer les blaireautins, et nous a invités à continuer, département par département, d’attaquer les arrêtés. Qu’il compte sur nous ! Car si la période complémentaire est sur la sellette, les préfets ne lâchent pas l’affaire : pour le printemps 2024, plusieurs dizaines d’arrêtés ont déjà été adoptés… Mais nous serons là, chaque fois que nécessaire, pour mettre un terme définitif à ces massacres.

N’oublions pas qu’après la période complémentaire, le déterrage pourra reprendre dès le mois de septembre dans de très nombreux départements. Les blaireaux seront visés, mais également les renards, comme nous l’avions montré dans nos infiltrations. Nous allons continuer de multiplier les initiatives –comme notre plainte à la Convention de Berne – et de porter la voix de ces animaux, au plus près du public !

Toutes ces victoires ouvrent la voie à la fin de l’acharnement insupportable que subissent ces héros si discrets, véritables architectes des sous-sols de nos territoires. Derrière leur pelage noir et blanc, ils rendent des services majeurs à la nature (leurs terriers abritent par exemple des espèces protégées comme les chauves-souris, les chats forestiers ou encore les loutres). Dans le Bas-Rhin comme dans plusieurs pays européens (Royaume-Uni, Pays-Bas, Luxembourg…), leur chasse est interdite et les dégâts n’ont pas augmenté : logique, puisque les blaireaux se nourrissent surtout de baies. Ils peuvent s’y reproduire tranquillement – et très lentement, ce qui justifie d’autant plus leur protection.

Pour que les déterreurs arrêtent de semer la terreur dans les campagnes – comme le souhaitent plus de quatre Français sur cinq (sondage IPSOS/One Voice septembre 2022) -, plus que jamais, nous avons besoin que le public signe notre pétition pour obtenir l’abolition de la vénerie sous terre des blaireaux et leur protection.

Les 29 victoires du printemps-été 2023

  • Aisne : audience du 16/06/2023 (TA d’Amiens)
  • Aube : audience du 06/06/2023 (TA de Châlons-en-Champagne)
  • Allier : audiences du 30/05/2023 et du 18/07/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
  • Aveyron : audience du 27/07/2023 (TA de Toulouse)
  • Charente-Maritime : audience du 09/05/2023 (TA de Poitiers)
  • Corrèze : audience du 17/07/2023 (TA de Limoges)
  • Creuse : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
  • Essonne : audience du 09/08/2023 (TA de Versailles)
  • Eure-et-Loir : audience du 05/06/2023 (TA d’Orléans)
  • Haute-Loire : audience du 20/06/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
  • Haute-Vienne : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
  • Ille-et-Vilaine : audience du 08/06/2023 (TA de Rennes)
  • Indre : audience du 01/08/2023 (TA de Limoges)
  • Indre-et-Loire : audience du 10/08/2023 (TA d’Orléans)
  • Loir-et-Cher : audience du 03/07/2023 (TA d’Orléans)
  • Loiret : audience du 05/06/2023 (TA d’Orléans)
  • Maine-et-Loire : audience du 27/07/2023 (TA de Nantes)
  • Manche : audience du 09/05/2023 (TA de Caen)
  • Meuse : audience du 13/06/2023 (TA de Nancy)
  • Nièvre : audience du 31/03/2023 (TA de Dijon)
  • Oise : audience du 09/05/2023 (TA d’Amiens)
  • Orne : audience du 03/08/2023 (TA de Caen)
  • Puy-de-Dôme : audiences du 30/05/23 et du 01/08/2023 (TA de Clermont-Ferrand)
  • Savoie : audience du 16/06/2023 (TA de Grenoble)
  • Seine-et-Marne : audience du 25/07/2023 (TA de Melun)
  • Tarn-et-Garonne : audience du 03/05/2023 (TA de Toulouse)
  • Vienne : audience du 26/05/2023 (TA de Poitiers)

Les animaux, maîtres du temps et de l’espace

oies cendrées millau

16.08.2023, par

Laure Cailloce

 

Groupe d’oies cendrées volant au dessus du viaduc de Millau, Vallée du Tarn, Aveyron. C’est la combinaison de plusieurs systèmes de navigation qui permet aux animaux tels les oiseaux migrateurs d’effectuer de longs trajets sans se perdre.

Compas céleste, chronomètre interne et mémoire exceptionnelle permettent aux animaux de se projeter aussi bien dans le passé que dans le futur pour prendre des décisions. Quatrième volet de notre série d’été consacrée à l’intelligence animale.

Imaginez un être de quelques millimètres de long à peine, capable de parcourir plusieurs centaines de mètres pour trouver de la nourriture et de revenir sans se perdre à son point de départ, chargé du précieux butin. Cet exploit, des milliards de fourmis l’accomplissent chaque jour partout sur la planète. Et malgré la petite taille de ces insectes, il n’est pas resté longtemps inaperçu des naturalistes… « Au XIXe siècle déjà, Darwin s’émerveillait de la façon dont les insectes sociaux, abeilles, fourmis, arrivaient à retrouver leur nid et, dès les années 1880, les scientifiques comme le Français Jean-Henri Fabre se sont employés à déplacer des fourmis et n’ont pu que confirmer leur incroyable sens de la navigation », rappelle Antoine Wystrach, éthologue au Centre de recherches sur la cognition animale1 à Toulouse. La question, dès lors, n’a cessé de se poser : mais comment font-elles ?

Observation du comportement de navigation d'une fourmi "Cataglyphis velox"
Observation du comportement de navigation d’une fourmi « Cataglyphis velox », se déplaçant sur une boule flottant sur un coussin d’air, tel un tapis roulant omni-directionel. Son comportement est étudié par Antoine Wystrach, chercheur en neuroéthologie au Centre de recherches sur la cognition animale (CRCA). Les comportements de navigation visuelle des fourmis sont des exemples remarquables de la capacité des mini-cerveaux à produire des comportements sophistiqués, dans des environnements complexes. Les travaux d’Antoine Wystrach visent à disséquer les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la navigation de ces insectes. Il développe de nouveaux outils originaux, comme une technologie permettant le contrôle total de l’information sensori-motrice perçue par des fourmis, alors qu’elles naviguent dans des reconstructions en réalité virtuelle de leur environnement naturel. Ceci permet d’effectuer de nouvelles manipulations expérimentales, qui ne sont pas limitées par les contraintes habituelles du monde réel. Ses travaux lui valent de recevoir la médaille de bronze du CNRS 2021. UMR5169 Centre de Recherches sur la Cognition Animale 20220028_0002

Étude des capacités de navigation des fourmis au Centre de recherches sur la cognition animale. Au XIXe siècle déjà, Darwin s’émerveillait de la façon dont les insectes sociaux arrivaient à retrouver leur nid.

L’exemple des fourmis d’Australie étudiées par l’éthologue donne un bon aperçu de leurs incroyables compétences. « Sur le terrain, il arrive que le vent souffle fort et que des bourrasques projettent les fourmis à plus de dix mètres sans jamais réussir à les perdre, puisqu’elles retrouvent systématiquement leur nid ! » témoigne le chercheur, qui a décidé de reproduire l’expérience avec un souffleur de feuilles, afin de mieux comprendre les stratégies à l’œuvre. Il a alors observé un drôle de comportement : juste avant d’être soufflées, les fourmis s’accrochent au sol avec leurs pattes et semblent lire leur orientation dans le ciel. « Leurs antennes permettent de détecter la direction du vent par rapport à leur corps – est-ce qu’il vient de leur gauche, de leur droite, de derrière…, explique l’éthologue. Combinée à la lecture du ciel, cette information leur permet d’en déduire d’où souffle le vent par rapport à celui-ci. » La preuve par l’expérience : lorsque les chercheurs bloquent leur accès au ciel au moment où elles s’arc-boutent au sol, les fourmis sont dans l’incapacité de retrouver leur chemin.

La fourmi, le podomètre interne et le compas céleste

La navigation chez tous les animaux, grands ou petits, combine en réalité deux stratégies universelles : l’intégration du trajet, qui permet à l’animal d’avoir une première estimation de la distance parcourue et de la direction prise, et l’utilisation de repères terrestres mémorisés. « Les fourmis du désert sont les championnes du monde d’intégration du trajet, raconte Antoine Wystrach. Elles estiment la distance parcourue au nombre de pas qu’elles font – on parle de podomètre interne, car si on les équipe de petites échasses à l’aller et pas au retour, cela brouille leur estimation ! –, et évaluent la direction grâce au compas céleste : la position du Soleil dans le ciel, la polarisation de la lumière (que l’œil humain ne perçoit pas), la variation d’intensité de la lumière dans le ciel, mais aussi le changement subtil de couleurs (plus vert côté soleil, plus ultraviolet de l’autre côté)… sont autant d’indices qui font de ce compas céleste un instrument très fiable. » Avantage de l’intégration du trajet : cette technique fonctionne dès la toute première sortie du nid. Inconvénient : utilisée seule, elle ne permet pas à la fourmi de retrouver son chemin si elle est déplacée à vingt mètres de son nid.
 

La navigation chez tous les animaux, grands ou petits, combine deux stratégies universelles : l’intégration du trajet, qui permet à l’animal d’avoir une première estimation de la distance parcourue et de la direction prise, et l’utilisation de repères terrestres mémorisés.

C’est là qu’intervient la seconde stratégie : celle des repères terrestres. On ne parle pas ici de mémoriser telle branche ou tel caillou, croisés en chemin… Ce sont en effet des scènes visuelles complètes que les fourmis « impriment » tout au long du parcours. Leur vue à très basse résolution et leur champ visuel à 300 degrés leur permettent d’embrasser toute une scène en un seul coup d’œil, sans détails superflus, et donnent une signature spécifique à chaque endroit traversé.

 

« En réalité, ces différentes techniques de navigation sont plus ou moins sollicitées suivant les espèces, explique Antoine Wystrach. Celles du désert feront plus confiance à l’intégration du trajet, tandis que les espèces qui vivent en forêt feront davantage appel aux repères terrestres. Mais c’est bien la redondance des systèmes utilisés qui permet à toutes d’effectuer des trajets de plus en plus précis et de revenir en ligne droite au nid, une fois la nourriture trouvée. » Il n’y a rien de mécanique dans ces comportements : on voit durant la phase de développement des jeunes fourmis leurs compétences en navigation se renforcer à mesure que les jours passent, preuve que l’apprentissage et l’expérience sont primordiaux pour le développement de ces capacités cognitives.

Fourmi "Melophorus bagoti" d'Australie
Fourmi « Melophorus bagoti » d’Australie. Cette image a été réalisée dans le cadre de recherches sur l’aversion au risque comme stratégie de survie chez deux espèces de fourmis, « Melophorus bagoti » d’Australie et « Cataglyphis fortis » du Sahara. Ces fourmis sont capables, pour éviter les pièges, de changer de trajectoire grâce à un mécanisme d’apprentissage aversif. Elles associent des repères visuels à des expériences négatives, elles mémorisent les traces d’un parcours potentiellement risqué. UMR5169 Centre de Recherches sur la Cognition Animale 20200038_0002

Les fourmis « enregistrent » des scènes visuelles complètes tout au long du parcours, ce qui leur permet de rebrousser chemin sans se perdre.

La carte mentale du chimpanzé

Plus proches de nous génétiquement, nos cousins chimpanzés ont révélé très récemment des qualités de navigation qui dépassent pourtant de loin les aptitudes des humains ordinaires : ils utilisent pour s’orienter une véritable carte spatiale mentale. À l’origine de cette découverte, Christophe Boesch, primatologue, directeur émérite à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste, à Leipzig, en Allemagne, travaille depuis plus de quarante ans au cœur du parc national de Taï, en Côte d’Ivoire. « C’est un environnement de forêt tropicale humide extrêmement dense, dont la canopée se situe à environ une trentaine de mètres de hauteur. De celle-ci, émergent de grands arbres d’une cinquantaine de mètres de haut, tandis que de plus petits se développent plus bas. Sans boussole, un humain qui décide de s’y aventurer se perd dans les 20 premiers mètres. Mais les chimpanzés, eux, évoluent avec aisance sur des territoires de 25 à 30 kilomètres carrés. »

Pour comprendre comment ces primates arrivent à s’orienter dans un milieu aussi complexe, une seule solution : se munir de GPS et les suivre dans la forêt dense, afin de cartographier leurs moindres déplacements. Mais pour cela, le chercheur a dû s’armer de patience. À la différence des études menées en captivité, de loin les plus nombreuses chez les primates, étudier les capacités cognitives des grands singes en milieu naturel demande du temps, beaucoup de temps : il faut près de cinq ans pour qu’un groupe de chimpanzés s’habitue à une présence humaine…

chimpanzés 10 km
Eastern Chimpanzee (Pan troglodytes schweinfurthii) males walking along forest floor, Gombe National Park, Tanzania

Pour trouver les fruits juteux et sucrés qu’il affectionne, le chimpanzé est capable de parcourir chaque jour une distance de 5 à 10 kilomètres dans la forêt dense.

Pour trouver sa nourriture favorite, les fruits juteux et sucrés qui poussent surtout sur les grands arbres émergents, les plus rares dans la forêt, le chimpanzé est capable de parcourir chaque jour une distance de 5 à 10 kilomètres dans la forêt humide. « Nous avons fait une carte complète de tous les arbres de la forêt où les chimpanzés vont manger, ce qui représente près de 15 000 végétaux. Puis nous avons retracé tous les trajets des chimpanzés sur ce territoire durant cinq années. Cela nous a permis de voir s’ils allaient au hasard lorsqu’ils quittaient leur nid, ou s’ils avaient un but précis. »

La notion du temps qui passe

Résultat : non seulement les singes vont en ligne droite d’un arbre à l’autre, en cheminant au sol, mais ils accélèrent à l’approche de leur destination. Comme s’ils avaient une carte mentale précise de la position des arbres qui les intéressent, mais aussi des distances entre ceux-ci. Autre motif d’étonnement : ils se souviennent de la production de fruits d’un arbre et y reviennent la saison suivante au moment de la fructification. « En forêt tropicale, la fructification des arbres peut être très erratique, complète Christophe Boesch. Certaines espèces produisent des fruits tous les ans, d’autres tous les quatre à cinq ans. Quand les chimpanzés inspectent la forêt et qu’ils repèrent un arbre “ irrégulier” en train de fructifier, ils vont inspecter tous les individus de la même espèce. » Preuve que ces primates ont de solides connaissances botaniques en plus de leurs capacités de navigation, puisqu’ils savent différencier les espèces d’arbres et connaissent leurs cycles. Preuve, aussi, qu’ils ont la notion du temps qui passe et sont capables de se souvenir des événements du passé pour prendre des décisions dans le présent.

Cette mémoire des événements, dite « mémoire épisodique » (que s’est-il passé, où, quand ?), les humains, qui s’en croyaient les seuls détenteurs, l’ont longtemps refusée aux animaux. Mais comme de nombreux autres supposés « propres de l’homme », force est de constater qu’elle est bien présente dans le monde animal, comme le raconte l’éthologue Christelle Jozet-Alves, au laboratoire d’Éthologie humaine et animale2 à Caen. « Depuis le début des années 1970 et les études menées chez l’humain après des traumatismes cérébraux, on fait la distinction entre deux types de mémoire, explique la chercheuse. La mémoire sémantique, qui est la mémoire factuelle de toutes les connaissances que nous avons sur le monde qui nous entoure, et la mémoire dite “épisodique”, qui est la mémoire des événements personnellement vécus et ancrés dans un contexte spatio-temporel. C’est cette mémoire épisodique qui est par exemple défaillante chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. »

geai buisonnier

Les humains ont longtemps cru être les seuls à posséder une mémoire des événements, dite « mémoire épisodique » (que s’est-il passé, où, quand ?). Mais comme de nombreux autres supposés « propres de l’homme », force est de constater qu’elle est bien présente dans le monde animal.

Le geai buissonnier a pour habitude de cacher sa nourriture dans une centaine de cachettes différentes et de la récupérer parfois jusqu’à une année plus tard.

 

Faute de pouvoir interroger les animaux pour savoir s’ils avaient des souvenirs, on s’était imaginé que ceux-ci en étaient dépourvus… Jusqu’à la petite révolution intervenue à la fin des années 1990 : un travail mené à Cambridge sur les geais buissonniers, une espèce de corvidés qui a pour habitude de cacher sa nourriture dans une centaine de cachettes différentes et de la récupérer parfois jusqu’à une année plus tard. « En leur fournissant à la fois des vers frais, leur péché mignon, et des noix, on s’est rendu compte qu’une fois passée la date de péremption des vers frais, qui ne présentaient alors plus d’intérêt pour eux, les oiseaux ne ciblaient plus que les cachettes où ils avaient placé les noix. Preuve qu’ils ont la notion du temps qui passe, et des souvenirs spatio-temporels précis. »

Questions pour une seiche

Christelle Jozet-Alves s’est intéressée, elle, à un tout autre genre d’animaux : les céphalopodes. « Si on connaissait leurs exceptionnelles capacités de camouflage, les scientifiques ne s’attendaient pas à grand-chose sur le plan des capacités cognitives de ces invertébrés », raconte la chercheuse, qui a pourtant réussi à démontrer dès 2013 qu’on les avait sous-estimés : quand il s’agit de déguster sa nourriture préférée, en l’occurrence la crevette par opposition au crabe, la seiche démontre qu’elle a tous les attributs d’une mémoire de type épisodique. Elle est capable de faire des voyages mentaux dans le passé, mais aussi dans le futur, pour prendre des décisions dans le présent. Ainsi, quand les seiches qui évoluent dans les aquariums du laboratoire ont la possibilité de manger des crevettes le soir, et qu’on leur présente du crabe dans la journée, elles finissent par délaisser le crabe pour ne manger que les crevettes du soir ; mais si la présence de crevettes le soir devient imprévisible, il leur faut trois jours à peine pour changer de comportement et manger systématiquement le crabe qu’on leur présente en journée.

sèche
Cuttlefish, sepia sp.

La seiche possède une mémoire remarquable des événements du passé.

 

Jamais en manque d’inspiration, les chercheurs vont même jusqu’à poser des questions aux seiches afin de tester leurs souvenirs ! Comme dans cette expérience où la seiche doit toucher avec un tentacule l’un des trois panneaux qu’on lui présente – chaque panneau portant un symbole différent. « On la met dans trois situations : soit face à une proie enfermée dans un tube (stimulus visuel), soit face à une odeur (stimulus olfactif), soit on lui présente un tube vide et pas d’odeur (rien, donc), et après une période d’apprentissage, la seiche arrive sans peine à désigner le panneau correspondant à chaque situation », rapporte Christelle Jozet-Alves.

Une mémoire liée au mode de vie

L’expérience en tant que telle peut alors débuter : l’éthologue refait l’exercice, puis tourne les talons sans poser de question. Trois heures plus tard, elle revient et présente deux panneaux seulement, « je vois » ou « je sens », sans refaire de manipulation. La logique voudrait que la seiche désigne le panneau « rien », mais celui-ci n’est pas proposé… Comprenant qu’on l’interroge sur le précédent exercice, le céphalopode désigne alors le panneau correspondant à ce qui s’est produit trois heures plus tôt.

En matière de déduction, Sherlock Holmes ne ferait pas mieux ! « On a fait cette expérience avec plusieurs individus, une fois par individu, et on a eu 100 % de succès », s’émerveille encore la chercheuse, qui explique l’excellente mémoire de la seiche par son mode de vie très particulier : « La seiche vit 23 heures sur 24 camouflée et se déplace une heure par jour seulement pour chercher sa nourriture, car elle a énormément de prédateurs. Durant ce laps de temps très court, elle doit savoir exactement où aller, quand, et revenir au plus vite à son point de départ. »

Fascinée depuis l’enfance par les céphalopodes, Christelle Jozet-Alves témoigne avoir changé de regard sur ces animaux depuis qu’elle a découvert leurs remarquables capacités cognitives et ne cache pas les contradictions auxquelles son métier l’expose : « La captivité permet de faire progresser la connaissance et le regard que l’on porte sur cet animal, mais elle pose en retour au chercheur que je suis de vraies questions éthiques. » ♦ 

 

LE LOUP EN QUESTION EN CE MOIS D’AOÛT 2023 (3 TEXTES)

loup-nièvre

Tarn : Un quatrième loup identifié dans le département

loup tarn

Des analyses à Albine ont permis d’identifier un nouveau loup gris de sexe masculin.

  • Un quatrième loup a pu être identifié sur le territoire du Tarn, plus exactement dans la montagne Noire. Depuis 2016, le secteur vit avec les loups.
  • En 2023, quatre dommages sur des troupeaux ont été attribués au loup (contre 21 en 2022 pour la même période du 1er janvier au 25 juillet).
  • Le préfet a délivré 23 autorisations de tirs de défense simple aux éleveurs qui en ont fait la demande dans les secteurs soumis à la prédation.

Depuis plusieurs années, la présence du loup est attestée dans le Tarn. Trois mâles avaient été identifiés génétiquement jusqu’à ce jour. A Caroux-Espinouse, un loup mâle de lignée italo-alpine, identifié en 2016 ; à Somail, un loup mâle de lignée italo-alpine, identifié en janvier 2021 ; dans la montagne Noire, un loup mâle de lignée italo-alpine identifié en novembre 2021 et avril 2022.

Selon la préfecture du Tarn, un autre individu « loup » était présent au premier semestre 2022 dans le secteur de la montagne Noire (présence attestée par pièges photographiques). Les analyses génétiques d’urine récoltée le 24 janvier 2023 à Albine par les agents de l’OFB ont permis d’identifier un nouvel individu de loup gris, de lignée italo-alpine, de sexe mâle, inconnu de la base de données nationale. Il s’agit donc de la quatrième identification génétique de loup gris dans le département. Par ailleurs, il convient de préciser que le loup présentant une pelade n’a été ni photographié, ni vu, ni génétiquement identifié depuis avril 2022. Aucun élément ne permet de savoir s’il s’est remis ou non de sa maladie.

Photo : Un loup gris (illustration). — Jeff Roberson/AP

Source : 20 Minutes / Lucie Tollon

Loup : six représentants LR alertent sur leur prolifération dans les Alpes

réunion éleveurs

Mardi 1er août, les présidents LR de six conseils départementaux ont alerté, dans une tribune, sur la prolifération du loup dans les Alpes, qui menacerait, selon eux, l’élevage pastoral régional. Le futur Plan loup 2024-2029 devrait être présenté à la fin de l’été.

Dans une tribune transmise à l’AFP, ces dirigeants des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, des Alpes-Maritimes, de la Drôme, de l’Isère et de la Savoie affirment que les attaques lupines « ont connu une explosion en 2022 », avec une hausse estimée à 19 %.

80 % des attaques dans les Alpes

Les départements alpins concentrent, d’après eux, « plus de 80 % des attaques » qui « mettent en péril le pastoralisme ».

Les pertes ont été supérieures à 12 500 bêtes en 2022, provoquant « une situation de stress permanent, pour les bêtes comme pour les éleveurs », imposant « des contraintes multiples »,et dissuadant « l’ensemble des éleveurs de poursuivre ces activités », affirment-ils.

Au cours des quatre dernières années, le nombre d’exploitations a baissé de 20 %, alors que la population lupine a augmenté de 114 % sur la même période, avancent-ils encore.

Ainsi, Éliane Barreille (Alpes-de-Haute-Provence), Jean-Marie Bernard (Hautes-Alpes), Charles-Ange Ginesy (Alpes-Maritimes), Marie-Pierre Mouton (Drôme), Jean-Pierre Barbier (Isère) et Hervé Gaymard (Savoie) appellent le gouvernement à prendre « des mesures fortes ».

Ils réclament en substance de « mieux intégrer les attentes légitimes des éleveurs, qu’ils soient ovins, caprins ou bovins, dans le cadre du futur Plan loup (2024-2029, NDLR) qui sera présenté à la fin de cet été ».

Selon eux, « les estimations concernant la présence du loup varient entre 1 000 et 2 000 individus », soit bien au-delà du « seuil de viabilité » des 500 loups fixé comme objectif lors du Plan Loup de 2018.

Chiffre stable d’après la préfecture

La préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, qui coordonne le Plan national loup 2018-2023, a récemment indiqué que la population des loups était de 906 à l’hiver 2022-2023, un chiffre stable par rapport à l’an dernier (921 loups) mais battu en brèche par les éleveurs.

Les élus jugent urgent « de mettre en place des indicateurs de mesure de la population lupine qui permettent une juste et incontestable évaluation de sa répartition sur le territoire », ainsi qu’une simplification des procédures de tirs de défense et de réparation des dégâts consécutifs aux attaques.

Source : La Croix

Un loup autorisé à être abattu dans la Nièvre : un scandale !

Pour la première fois, un arrêté préfectoral autorise le tir d’un loup dans la Nièvre (voir communiqué de la préfecture).

Et encore une fois, l’État français s’illustre tristement dans la mauvaise voie concernant la protection de la biodiversité. On vous explique pourquoi.

Les lois européennes permettent la destruction d’individus d’une espèce protégée à deux conditions :

  • si tous les autres moyens ont échoué et si les dégâts aux troupeaux sont importants
  • si les tirs ne nuisent pas à la conservation de l’espèce.

Et la France a tout faux encore une fois dans cette nouvelle représentation de l’absurdité française en termes de gestion du loup :

  • les autres moyens n’ont pas été testés puisque seuls des fils électriques ont été mis en place, apparemment très récemment voire même APRES les attaques (!). Des filets électriques seulement, en général ça ne fonctionne pas… D’autre part, seuls 4 ovins de ce troupeau ont été tués entre le 28 juin et le 1er juillet. Si nous comprenons parfaitement le désarroi des éleveurs quand ils découvrent certaines de leurs bêtes mortes, peut-on vraiment qualifier la mort de 4 ovins comme des dommages importants ?
  • si le loup est tué, sa conservation à l’échelle locale est plus que compromise car seuls des loups isolés vivent dans cette zone ; aucune reproduction n’a été relevée. Tuer un loup dans cette zone, c’est exterminer totalement l’espèce dans le secteur. Au niveau national, ce n’est guère mieux puisque la population de loups est en baissesuite, sans doute, à de trop nombreux tirs…

Sans compter que la « culpabilité » du loup n’est pas établie. Le constat conclut à « responsabilité du loup non écartée », une dénomination pêle-mêle qui fait grossir les chiffres attribués à la prédation du loup.

Pour rappel, les tirs ne loups ne sont pas efficaces pour protéger les troupeaux. Ce sont surtout des décisions politiques. Les solutions sont à chercher ailleurs !

Seuls les moyens de protection des troupeaux sont efficaces, notamment à long terme car on aura beau tuer des loups, d’autres arriveront pour les remplacer…

Alors, si on mettait plutôt le paquet sur les moyens de protection des troupeaux ? (filets de plus de 120 cm de haut ET chiens de protection, surveillance humaine, éventuellement moyens d’effarouchement et si ça n’a pas fonctionné, des tirs d’effarouchement AVANT tout tir létal).

Depuis 1999, FERUS œuvre pour la cohabitation loups / troupeaux avec son programme PastoraLoup. 800 bénévoles se sont ainsi succédé sur les alpages pour prévenir la prédation du loup. Avec succès car nous obtenons des taux de prédation proches de zéro. Cette année, notre action s’est étendue au Jura, notamment avec les troupeaux bovins qui n’ont pas toujours pas droit aux aides de l’Etat pour la mise en place de moyens de protection des troupeaux.

 

Attaques d’ours : les chiffres tronqués de la FNSEA

constat_au_dessus_du_lac_de_suyen_avec_etienne_farand

La Fédération nationale ovine prétend que les attaques d’ours augmentent, avec près de 1 000 brebis victimes par an. Mais ces chiffres comprennent des animaux pour lesquels aucune preuve accablant le prédateur n’a été relevée.

Pour bien tuer l’ours, il faut d’abord vendre sa peau. C’est en tout cas la stratégie que semble avoir adoptée la Fédération nationale ovine (FNO). Fin juillet, cette branche de la FNSEA a diffusé un dossier d’information nommé « Menace sur les Pyrénées » qui prétend que les attaques d’ursidés sont en forte augmentation au point qu’en Ariège, « les pertes reconnues chaque année sont estimées entre 900 et 1 000 brebis ». Sollicitée, l’association spécialisée n’a pas donné suite à Reporterre.

Précisément, l’association d’éleveurs avance qu’entre janvier et octobre 2022, 937 animaux ont été indemnisés. Elle indique que ces chiffres sont basés sur les données de l’Office français de la biodiversité (OFB).

attaque d'ours 2

 

Or, l’OFB n’a comptabilisé en 2022 que 590 bêtes tuées où « la responsabilité de l’ours ne peut pas être écartée  ». Une formule prudente — qui signifie que des indices de prédation de l’ours ont été trouvés — mais ne permettent pas de trancher la responsabilité entre l’ours ou un autre prédateur.

Néanmoins, le Réseau Ours Brun de l’OFB reconnaît dans son dernier rapport annuel que les chiffres de la prédation sur le cheptel domestique « sont certainement une sous-estimation de la prédation réelle car les dégâts indemnisés au bénéfice du doute ne sont pas ici comptabilisés ».

« Ils achètent la paix sociale »

Ce qui ne semble pas empêcher les éleveurs de compter l’ensemble des bêtes indemnisées comme des victimes potentielles de l’ours, même quand la prédation n’est pas avérée. « La préfecture de l’Ariège indemnise presque tout. C’est politique : ils achètent la paix sociale », observe Patrick Leyrissoux, le coordinateur Ours de l’association Ferus.

De fait, 86 % des dossiers d’indemnisation déposés auprès de la préfecture de l’Ariège en 2022 ont été validés, certains avec la mention « cause de mortalité indéterminée (ours possible) ». C’est-à-dire que malgré l’absence de preuve, le doute a bénéficié aux éleveurs.

FNO affirme également que, depuis 2016, « une forte augmentation du nombre d’attaques est constatée : 95 attaques de plus par an en moyenne sur l’ensemble des Pyrénées ».

Moins d’attaques depuis 2020

Pourtant, la lecture des données de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie (Dreal) dément cette assertion.

Si la prédation a bien connu un bond en passant d’une moyenne de 122 dossiers par an entre 2007 et 2017 à 327 en 2018, elle reste stable voire diminue depuis : 362 attaques ont été répertoriées en 2019, 383 en 2020, 333 en 2021 et 331 en 2022.

oursdreal

Le nombre d’attaques répertoriées est en légère baisse ces dernières années, d’après les chiffres de la Dreal. © Dreal Occitanie

L’association d’exploitants ovins pointe aussi que le nombre de constats d’attaque est en hausse cette année : 150 dossiers de dommages des troupeaux ont été enregistrés entre janvier et juillet 2023, contre 123 l’an dernier sur la même période. Soit une augmentation de 21 %, qui reste cependant à considérer avec précaution : ces dossiers sont en cours d’expertise, il est donc prématuré d’en tirer des conclusions.

Derrière cette présentation anxiogène des chiffres, l’objectif de FNO est écrit en toute transparence : « Les éleveurs exigent que l’État décuple les moyens humains et matériels affectés à l’effarouchement des ours. Il n’est pas tolérable pour les éleveurs, les bergers et leurs troupeaux risquent leur vie sans autre moyen d’action que les flashs lumineux et les pétards utilisés par l’OFB. »

De quoi convaincre l’État d’acheter la peau de l’ours selon Patrick Leyrissoux : « Plus ils sont mécontents, plus l’argent de l’État tombe. Ils ont tout intérêt à continuer. »

 

Le putois retiré de la liste des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts »

putois

Le Conseil d’Etat avait jugé en juillet 2021 que l’espèce était dans un « état de conservation défavorable. » Les espèces qui restent sur la liste, anciennement liste des nuisibles, peuvent être chassées toute l’année.

Le Monde avec AFP le 04/08/2023

Le putois ne pourra plus être chassé toute l’année. A l’exception de cette espèce, la nouvelle liste, publiée vendredi 4 août par le gouvernement, des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD), autrefois qualifiées de « nuisibles », est quasi identique à celle établie en 2019.

Dans la nouvelle version de cette liste, qui sera valable jusqu’en 2026, la belette, la fouine, la martre, le renard, le corbeau freux, la pie bavarde, le geai des chênes et l’étourneau sansonnet peuvent être « piégés toute l’année » ou « détruits à tir » avec autorisation préfectorale, selon le texte publié au Journal officiel à l’issue d’une consultation publique. Certaines espèces peuvent aussi être « déterrées », c’est-à-dire capturées en détruisant leur terrier.

Ces huit espèces appartiennent au groupe 2 des ESOD, qui en comporte deux autres : l’un concerne les espèces exotiques envahissantes (ragondin, rat musqué…) et l’autre est défini en fonction de spécificités locales (lapin de garenne, pigeon ramier…). Le putois figurait dans ce groupe 2 jusqu’à maintenant, mais à la suite d’une décision du Conseil d’Etat en date de juillet 2021 jugeant l’espèce dans un « état de conservation défavorable », il n’y apparaît plus, comme la précédente secrétaire d’Etat à la biodiversité, Bérangère Couillard, s’y était engagée.

Différentes ONG remettent en cause la légitimité des arrêtés ESOD, jugeant archaïque l’idée d’autoriser à tuer « sans limite » des animaux « dans le contexte de l’urgence écologique et de l’effondrement de la biodiversité », et fustigeant la méthode d’établissement de la liste, qui résulte de simples déclarations ne faisant l’objet d’aucun contrôle, aussi bien sur la véracité des faits que sur l’estimation des dégâts.

Chasses suspendues pour trois espèces « à l’agonie »

« C’est un cadeau fait aux chasseurs, qui reprochent à pas mal d’ESOD de s’en prendre au gibier qu’ils vont relâcher », a aussitôt dénoncé Allain Bougrain-Dubourg, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). L’association a déposé vendredi un « recours juridique » à ce nouvel arrêté. « On aura une double action en local devant les tribunaux administratifs et d’autre part au niveau national », a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) son président. Il a aussi dénoncé le « mépris avec lequel on traite tous les contributeurs » de la consultation publique, dont 71 % s’étaient opposés au projet d’arrêté.

Le cabinet de la nouvelle secrétaire d’Etat à la biodiversité, Sarah El Haïry, a précisé à l’AFP « vouloir engager une réflexion pour rendre le cadre plus lisible et efficace conformément aux attentes des acteurs ». Une mission de l’inspection générale du ministère est prévue pour « identifier comment font les autres [pays] et pouvoir comparer et alimenter la réflexion collective ».

 

Le gouvernement a par ailleurs publié vendredi trois arrêtés pour suspendre la chasse de trois espèces d’oiseaux jusqu’à fin juillet 2024 : le courlis cendré, la barge à queue noire et la tourterelle des bois. Il s’agit d’espèces « particulièrement menacées », a fait valoir l’entourage de Sarah El Haïry. « Ces trois arrêtés moratoires s’inscrivent dans la doctrine qui est que lorsque la science nous dit que l’état de l’espèce ne le permet pas, l’Etat ne délivre pas de quotas de chasse et peut prendre des moratoires », a-t-on expliqué de même source.

Mais pour M. Bougrain-Dubourg, cela ne suffit pas : « On donne un an de sursis pour ces espèces qui sont à l’agonie alors qu’au minimum on devrait leur accorder cinq ans de répit pour tenter d’endiguer leur déclin et espérer une renaissance. »

Le Monde avec AFP

Jour du dépassement : à partir du 2 août 2023, l’humanité tapera dans le « capital » de la Terre

le bois

Loïc Chauveau le 01.08.2023

Au cours des cinq prochains mois et à partir du 2 août, la consommation des biens et produits des humains excédera la capacité annuelle de la Terre à les produire. Cet indicateur stagne depuis une décennie, démontrant ainsi que les grands accords internationaux sur l’environnement ne sont pas encore entrés en application.

Ce 2 août sera le « jour du dépassement ». À partir de cette date, le bois notamment, ne peut plus être reconstitué par les capacités biologiques de la planète.

Pixabay

Ce 2 août sera le « jour du dépassement ». À partir de cette date, l’énergie, la nourriture, le bois, les poissons, etc. ne peuvent plus être reconstitués par les capacités biologiques de la planète. L’activité humaine utilise donc des ressources non renouvelables provoquant l’épuisement de la Terre. Cela fait désormais vingt ans cette année que la Fondation pour les données sur l’empreinte écologique (FodaFo) issue de l’ONG Global Footprint Network (GFN) et de la Faculté des études environnementales de l’Université de York à Toronto (Canada) publie cet indicateur imageant l’impact de l’humain sur les milieux naturels.

Ce jour du dépassement est calculé à partir des surfaces nécessaires pour produire les ressources consommées et la capacité des espaces (champs cultivés, forêts, zones de pêche) à renouveler ces prélèvements. Actuellement, la biocapacité de la Terre est évaluée à 12,1 milliards d’hectares, soit 1,6 hectare par habitant en moyenne. 32 % de ces surfaces sont des terres cultivées, 12 % des pâturages, 43 % des forêts, 9 % des pêcheries et 4 % des terres productives occupées par les routes et les infrastructures urbaines. La surconsommation actuelle est de 21 milliards d’hectares soit 1,75 planète Terre. Pays développé et donc bien plus consommateur que les pays en développement, la France voit son jour de dépassement rester au 5 mai, comme en 2022. Pour assurer le niveau de vie d’un Français, il faudrait 2,86 Terres.

60% de l’empreinte écologique provient des émissions de gaz à effet de serre

Cette empreinte écologique est nourrie par les diverses statistiques des différents organismes de l’ONU comme le Fonds pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). En utilisant les données anciennes, on peut ainsi remonter dans le temps. Ainsi, en 1970, le dépassement s’est effectué le 29 décembre, en 1980 le 4 novembre, en 2000 le 23 septembre et en 2010, le 7 août. En 2022, c’était le 28 juillet. La date du 2 août pourrait donc constituer le signal que le combat écologique engrange ses premiers résultats. Ce n’est pas le cas.

« En réalité, ces cinq jours n’ont pas été gagnés par un effort international mais par l’utilisation de nouvelles données plus précises, pondère Jean Rousselot, spécialiste des questions d’eau au WWF France. Ainsi, les déclarations de productions aux niveaux nationaux sont plus justes, les données de production des cultures et pâturages ont été revues et l’empreinte s’est affinée avec les progrès scientifiques sur la séquestration de carbone par les océans. » L’empreinte de 2022 a ainsi été recalculée au 1er août, ce qui ne fait qu’un gain de 24 heures, le premier cependant enregistré depuis 1970. En revanche, le GFN ne peut préciser si cette journée est due à un ralentissement de la croissance mondiale ou aux premiers effets des efforts de décarbonation de l’industrie et des services internationaux.

jour de dépassement 2023

L’évolution du jour du dépassement depuis 1970. Une stagnation est constatée depuis environ une décennie mais pas de progrès enregistré. © GFN

Car 60% de l’empreinte écologique proviennent des émissions de gaz à effet de serre. Le changement climatique qui en découle affecte directement la biocapacité de la planète. « Pour tenir la feuille de route climatique recommandée par les experts du Giec – soit une réduction des émissions mondiales de 43 % d’ici à 2030 -, il faudrait parvenir à gagner au moins 19 jours par an sur les sept prochaines années« , signale Jean-Louis Bergey, expert national de la direction Exécutive Prospective et Recherche (DEPR) de l’Ademe. Ainsi, la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre telle qu’adoptée principalement par l’Union européenne au niveau mondial avec son « Green deal » permettrait de voir le jour du dépassement s’effectuer à la mi-novembre dès 2030. Un véritable retournement de tendance.

Des solutions existent mais elles ne sont pas pleinement appliquées

GFN a ainsi calculé les gains cumulés des actions qui doivent être entreprises dans cinq secteurs pour retrouver une consommation qui respecte les limites planétaires : l’environnement, l’énergie, la nourriture, les villes et la population. Et c’est, sans surprise, l’action climatique, notamment à travers la taxation des émissions de CO2, qui permet le plus grand gain avec 63 jours effacés de la colonne débit. Plus discutée, la seconde solution la plus efficace selon l’ONG est la limitation des naissances (un enfant de moins par famille et recul du premier enfant pour chaque femme de deux ans) avec un gain estimé de 49 jours si en 2050 la population est à 7,7 milliards d’humains contre 9,7 milliards selon la tendance de croissance actuelle. La troisième solution sur le podium, ce sont les politiques publiques du type « Green deal » accélérant la décarbonation des activités humaines avec 42 jours gagnés.

Des solutions existent donc pour respecter la capacité de la Terre à renouveler les services rendus à l’humanité. Mais elles ne sont pas encore appliquées. « Le fait que le jour du dépassement stagne montre que l’on n’a par exemple pas encore mis en œuvre l’accord de Paris sur la réduction des gaz à effet de serre », note Jean Rousselot.