Ours bruns en Ariège : face à un opposant déloyal, la préfecture, One Voice obtient à l’arraché la suspension des arrêtés

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Penseriez-vous pouvoir remporter contre Goliath un duel à mains nues avec votre bras le plus fort attaché dans le dos ? C’est en substance ce que nous avons réussi à faire avec les conseils précieux du cabinet Thouy Avocats pour défendre les ours en Ariège la semaine dernière. La préfecture avait autorisé des tirs d’effarouchement renforcés deux nuits de suite dès le lendemain de la publication des arrêtés. Avec une procédure juridique rarement utilisée et aux résultats incertains, nous avons obtenu une victoire rapide et majeure ! On s’engage potentiellement dans une course de fond à obstacles. Mais pour les ours et avec votre soutien, rien ne nous arrêtera !

Pour flatter à tout prix le lobby de l’élevage en rendant possible l’effarouchement sonore (source de stress pour les ourses brunes gestantes, et potentiellement dangereux pour les oursons pouvant être blessés ou séparés de leur mère), la préfecture joue avec la légalité. Cette année, pour éviter la répétition à l’identiquedu scénario de l’été 2022 où aucun tir d’effarouchement n’avait été possible grâce à notre action en justice, la préfète a mis en place des attaques éclair et ciblées. Ses arrêtés sont très restreints dans le temps (deux nuits) et ont un délai d’application au lendemain de leur publication, rendant tout recours extrêmement difficile à déposer dans un temps suffisant pour qu’une audience soit fixée et une décision rendue avant l’exécution des mesures.

Aux grands maux les grands remèdes

En plus du recours en annulation qui peut rendre illégal un arrêté a posteriori de son application et du référé-suspension qui permet son interruption en quelques jours (et épargne donc souvent la vie des animaux), il existe le référé-liberté, qui permet une suspension encore plus rapide de l’arrêté contesté : sous quelques heures. Mais avec ce dernier, les motifs juridiques que l’on présente au tribunal pour obtenir gain de cause doivent être très spécifiques, et il est rare qu’ils épousent parfaitement la situation. L’extrême réactivité et l’argumentation pointue qu’il nécessite expliquent pourquoi nous n’avions jamais tenté ce type de procédure auparavant.

Rien n’était joué d’avance, et obtenir des décisions justes n’en est que plus savoureux

Comme elle l’avait fait les 3 et 10 juillet, le 17 en fin de journée, la préfète a publié ses trois arrêtés concernant le groupement pastoral d’Arreau, celui du Trapech et l’association foncière pastorale Massat-Le Port. Mais cette fois, nous étions prêts. Nous avons déposé nos recours et référés-libertés le 18 en début d’après-midi, et l’audience a été fixée le soir pour le lendemain matin au tribunal administratif de Toulouse.

Nous allions au contentieux à la fois déterminés et en colère, mais sans préjuger de la décision finale. Et les tirs dans la nuit du 19 au 20 juillet n’ont pas eu lieu : les trois arrêtés ont été suspendus en urgence avant la fin de l’exécution de ceux-ci ! Une magnifique victoire, qui met un point d’arrêt net aux abus de la préfecture.

Pour le juge, les conditions permettant ces autorisations dérogatoires à la protection des ours n’étaient pas remplies concernant le nombre d’attaques de troupeaux, ou leur imputabilité avec certitude aux ours. Cet élément a suffi à suspendre les arrêtés. Ainsi, la stratégie de la préfecture consistant à reprendre chaque semaine des arrêtés similaires sans preuve de nouveaux développements ne sera pas possible. Le juge a aussi précisé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres arguments, notamment l’absence de mesures de protection des troupeaux qui avait fait mouche l’année dernière auprès de son confrère.

Un référé-liberté sur le droit à un environnement sain : une victoire qui fera jurisprudence

Ces décisions sont extrêmement importantes à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elles reconnaissent l’urgence à statuer sur des mesures d’effarouchement, ce qui est essentiel pour la paix des ours et des oursons dans le Massif des Pyrénées.

Mais aussi et surtout sur la liberté fondamentale du droit à un environnement équilibré concernant la défense des animaux, en particulier ceux qui sont inscrits sur la liste rouge de l’UICN. Depuis sa reconnaissance par le Conseil d’État en 2022, ce n’est que la deuxième décision qui intervient sur cette liberté fondamentale au profit d’une association et avec succès.

Elles le sont aussi par rapport à la jurisprudence à venir qui nous permet d’envisager désormais les référés-libertés – extrêmement stricts, et que nous avions toujours écartés faute de précédent en la matière – pour d’autres animaux dans des situations d’urgence particulière.

Le test d’endurance perpétuel

Notre 4e référé, qui demandait à ce que la préfecture soit obligée de publier ses arrêtés dans un délai acceptable, lui, a été rejeté le lendemain du fait des suspensions intervenues la veille. Nous étions pantelants après avoir réussi à déplacer des montagnes. Et le tribunal, à la fois bienveillant et goguenard, a semblé nous dire : « Vous voyez que quand on veut, on peut dépasser l’impossible » !

Nous savons que la défense des animaux est un combat de longue haleine et non un sprint. Après cette quatrième décision, nous craignions que ce jeu pervers se répète inlassablement. Mais les juges du tribunal administratif de Toulouse ont entendu et retenu suffisamment de nos arguments. Nous ne serons pas en berne, et ne nous gênerons pas pour les présenter à nouveau le cas échéant !

Semblant s’en moquer complètement de se faire condamner, aujourd’hui le 25 juillet, la préfecture de l’Ariège publie un arrêté autorisant les tirs d’effarouchements sur une autre estive les nuits de mercredi à jeudi et de jeudi à vendredi (du 26 au 28 juillet). Nous préparons la contre-attaque.

Plus d’info : One Voice

Bretagne : Le périmètre de la réserve des Sept-Îles passe de 280 à 19.700 hectares

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Un décret publié vendredi 21 juillet au Journal officiel vient d’officialiser son extension.

Avec plus de 20.000 couples d’oiseaux marins et 27 espèces nicheuses, c’est la plus importante réserve naturelle du littoral français. Véritable sanctuaire de la faune sauvage, l’archipel des Sept-Îles dans les Côtes-d’Armor voit son rôle renforcé. Selon un décret publié vendredi au Journal officiel, sa superficie vient ainsi d’être considérablement étendue, passant de 280 à 19.700 hectares.

Réclamée depuis longtemps par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), cette extension « se justifie pour protéger le patrimoine naturel marin, notamment les forêts de laminaires et les champs de gorgones, les hauts plateaux rocheux et les espèces qui en dépendent », selon le décret.

Le refuge des fous de Bassan et des macareux moines

Elle vise également à « renforcer la préservation de l’avifaune marine nicheuse particulièrement riche et diversifiée sur ce secteur ainsi que celle de la colonie de phoques gris », ajoute le texte. L’île Rouzic par exemple abrite la quasi-totalité des populations de fous de Bassan et de macareux moine de l’hexagone.

« Tout le monde à conscience de l’importance et de la richesse de la réserve. C’est une bonne chose », a réagi le maire de Perros-Guirec Erven Léon, rappelant que « ce décret est le résultat d’un long processus qui visait à l’extension de la réserve. » « Ce qui était important c’était le maintien des activités humaines, précise l’élu. Dans la zone de quiétude cela permet de maintenir les activités, de pêche, le nautisme et le tissu associatif. » En 1912, les Sept-Îles étaient devenues le premier espace protégé français de droit privé sous le statut de réserve ornithologique, grâce à la LPO.

Source : 20 Minutes/AFP, 24 juillet

Arbres : les avantages du mélange d’essences

combinaison d'arbres

Loïc Chauveau

La combinaison de plusieurs espèces (pins, bouleaux, chênes…) augmente la biomasse et le carbone stocké tout en réduisant les attaques de ravageurs (ici à Cestas, Gironde).

R.SEGURA – BIOGECO – INRAE

 

47 % des peuplements en France sont considérés comme « monospécifiques » par l’Inventaire forestier national. Pourtant, le mélange d’essences apporte de nombreux bénéfices.

Une même espèce d’arbres plantée en lignes, est-ce bien raisonnable ? La question se pose depuis les tempêtes de 1999 qui ont vu 200.000 hectares de la forêt de pins landaise être détruits par les vents.

De nombreux bénéfices

47 % des peuplements en France sont considérés comme « monospécifiques » par l’Inventaire forestier national. Depuis une vingtaine d’années, le réseau scientifique Treedivnet compare la productivité des espaces en monoculture avec ceux où les essences sont mélangées. « Ici, à Cestas (Gironde), nous observons ainsi les mélanges de pins maritimes avec des bouleaux, des chênes pédonculés et des chênes verts « , expose Hervé Jactel, qui gère 12 hectares où se côtoient 256 placettes en mélange.

Lire aussiUn an après les feux, les Landes veulent se réinventer

Dans les Landes, comme partout ailleurs dans le monde, le match donne toujours le même résultat : la production de biomasse est supérieure de 25 % pour les mélanges, le carbone stocké par les arbres augmente de 70 % et les attaques de ravageurs diminuent de 40 à 50 %.

Un changement encore difficile

« Il y a trois sortes d’explication, note Hervé Jactel. En mélange, on peut planter plus d’arbres à l’hectare parce qu’ils occupent des hauteurs de canopée et des profondeurs de racines différentes. Ensuite, chaque espèce d’arbre aide sa voisine à fertiliser le sol. C’est le cas du bouleau avec le pin. Enfin, le mélange leurre les insectes ravageurs spécialisés dans une espèce d’arbre, qui ont ainsi plus de mal à trouver pitance.  » Le mélange des essences représente donc une solution séduisante.

Sauf que la plantation d’une seule espèce en ligne reste la seule à pouvoir être exploitée industriellement. Les professionnels du bois tendent à enregistrer une première évolution en ce sens : le bocage forestier, qui consiste à planter des feuillus en bordure des alignements de résineux, est une idée qui progresse. De fait, les incendies de 2022 ont au moins montré que ces « haies » arborées ralentissaient l’avancée du feu.

L’étonnante installation d’un oiseau africain dans le Languedoc

Petit migrateur des savanes et forêts tropicales africaines, un martinet cafre a élu domicile dans les causses du Minervois. Une apparition inédite en France, qui titille la curiosité des ornithologues.

Minerve (Hérault), reportage

Le souffle de la brise porte l’odeur enivrante de la garrigue. Frôlant les genévriers et chênes kermès, une trentaine de martinets noirs s’adonnent aux plus périlleuses acrobaties. Depuis son nid, un monticole merle-bleu, passereau au plumage bleu-gris, observe ce ballet aérien. Soudain, une exclamation : « Oh je l’ai ! »

Un trille gazouillant a attiré l’attention de Thomas Vulvin. Jumelles clouées aux yeux, l’ornithologue héraultais de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) se précipite maladroitement d’une extrémité à l’autre du sommet de la falaise. L’oiseau tant convoité, une tache noire parmi tant d’autres, fend l’air à toute vitesse, et disparaît soudain dans une cavité. Bingo ! L’écologue sait désormais où niche le nouveau venu.

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Thomas Vulvin : « Le martinet cafre passe sa journée en haute altitude, pour chasser. » © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Ancien bastion cathare, le village de Minerve et ses majestueuses gorges, creusées par le lit de la Cesse, héberge une espèce d’oiseaux migrateurs jusqu’alors étrangère aux contrées françaises : le martinet cafre (Apus caffer).

Petit volatile à l’allure d’un boomerang, il arbore une courte queue fourchue. Deux petites taches blanches, à la gorge et au croupion, contrastent son manteau noir. « Pour la petite histoire, on doit sa découverte à un touriste belge, ornithologue dans l’âme, raconte Thomas Vulvin. En juillet 2020, il zieutait les martinets noirs, et soudain, il a aperçu d’inhabituelles petites fesses blanchâtres. »

La patience des écologues

Ce spécimen s’était-il égaré ? Allait-il revenir à la prochaine saison estivale ? Deux années durant, les écologues héraultais ont dû faire preuve de patience. Pourtant voilà qu’à l’été 2022, le petit baroudeur d’Afrique subsaharienne réapparut. Et bis repetita, cette année.

« Bon, ne volons pas la vedette aux Corses, sourit l’écologue. Je ne voudrais pas me fâcher avec eux. » Si aucun spécimen n’avait encore pris ses quartiers d’été en France continentale, une première nidification avait toutefois été observée en Haute-Corse l’an passé.

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Le martinet cafre se distingue grâce à ses taches blanches. CC NY 2.0 / Derek Keats / Wikimedia Commons

Thomas Vulvin abandonne les vignes du plateau calcaire, et s’engouffre dans le canyon. « Ce chemin ne doit pas être référencé dans le Guide du Routard, concède-t-il, les mollets déjà couverts de griffures. Ou alors, celui des renards et des sangliers. »

Enfant, devant son poste de télévision, il rêvait d’étudier les grands prédateurs. « Manque de chance, il n’y a pas de tigres en France. » Chemin faisant, l’avifaune devint son péché mignon et, au retour d’un tour d’Europe en stop, il intégra la LPO de l’Hérault.

« Peut-être s’est-il trompé de famille ? »

Si les martinets noirs, grégaires, forment de vastes colonies avant d’entreprendre la traversée de l’Afrique, l’arrivée dans le Haut-Languedoc de ce martinet cafre demeure mystérieuse. « Peut-être s’est-il trompé de famille par mégarde ? », s’interroge Thomas Vulvin. Et pourquoi seul ? N’a-t-il pas de partenaire ?

Ces questions resteront sans réponse. Il n’existe en France aucun spécialiste de l’espèce : « Pour l’instant, on se repose sur les données issues des sciences participatives pour en savoir un peu plus. L’observer chez nous est si rare que de nombreux passionnés viennent surveiller ses vas-et-viens. »

 

Dans le ciel minervois, les faucons hobereaux et pèlerins sont les prédateurs du voltigeur. © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Historiquement cantonnée aux savanes arides et forêts équatoriales de l’Afrique subsaharienne, l’aire de répartition de l’animal au croupion blanc s’étend doucement vers le nord et la broussaille méditerranéenne.

Observé au Maroc au début du XXᵉ siècle, il a conquis la péninsule ibérique par le détroit de Gibraltar dès 1966, et semble encore poursuivre son ascension. La hausse des températures et la disparition de ressources en sont-elles responsables ?

« Rien n’est moins sûr, affirme au téléphone Jocelyn Champagnon, chercheur à la Tour du Valat, centre d’études travaillant sur les migrateurs. Les populations victimes du changement climatique ont rarement la force de fuir vers les régions moins hostiles. Elles se cassent la gueule à domicile, comme le héron pourpré en Camargue. » Autrement dit : si des martinets cafres débarquent ici, le temps d’un été, ce serait plutôt par opportunisme.

Disparition des insectes

D’après la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dressée en 2018, l’état de conservation du martinet cafre ne fait l’objet que d’une préoccupation mineure. Si la population européenne est estimée à 110 ou 200 couples, celle-ci constitue seulement 5 % de l’aire de répartition mondiale de l’espèce.

Toutefois, l’usage croissant des insecticides pourrait à terme menacer leur survie. En trente ans, les populations d’insectes ont chuté de près de 80 % en Europe.

Un déclin catastrophique pour la chaîne alimentaire : « Les martinets se nourrissent d’hyménoptères, de petits insectes comme les abeilles, les guêpes, ou les fourmis ailées, qu’ils attrapent en plein vol. » Là où s’assèchent les ruisseaux et disparaît la pluie, ce plancton aérien comble aussi leurs besoins en eau.

Les martinets peuvent planer des mois durant. CC NY 2.0 / Derek Keats / Wikimedia Commons

À cet écueil s’ajoute celui du bouleversement des paysages : « Les grandes monocultures, les forêts transformées en plantation de conifères, la destruction des vieux bâtis et les ravalements de façade conduisent à uniformiser les habitats », précise Thomas Vulvin.

Résultat : seules les espèces dites « généralistes », c’est-à-dire avec de fortes capacités d’adaptation, s’en sortent. Or, les martinets cafres n’en sont pas.

200 jours dans les cieux

Pour nicher, eux s’approprient les nids des hirondelles rousselines, « en bouillie de terre séchée » ou débusquent une cachette à flanc de falaise. « Et ce n’est pas pour rien ! Une fois au sol, ces martinets sont incapables de s’envoler. Leurs grandes ailes les en empêchent… »

Si le décollage n’est pas leur fort, leurs cousins et eux peuvent planer des heures, des jours, voire des mois durant : en 2012, des chercheurs de la station ornithologique suisse de Sempach ont notamment enregistré un spécimen de martinet à ventre blanc, resté près de 200 jours dans les cieux.

 

Thomas Vulvin : « Ce n’est pas une légende ! Une fois au sol, ils sont incapables de s’envoler. » © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Dans l’hypothèse d’une colonisation du pourtour méditerranéen par les martinets cafres, l’écosystème en place pourrait-il être déstabilisé ? « Non, assure Jocelyn Champagnon. De tels bouleversements peuvent survenir avec l’apparition soudaine d’une espèce exotique envahissante, relâchée volontairement ou pas par les humains.

À l’inverse, l’arrivée d’une population étendant son aire de répartition se fait progressivement, et n’entraîne pas ou peu de concurrence. » Le chercheur prévient toutefois qu’il faudra surveiller la bonne cohabitation avec les humains. « Chaque hiver, dans le Gard, de plus en plus de grues cendrées s’arrêtent en chemin pour manger les céréales tout juste plantées… Ce qui fait naître quelques tensions. »

 

Thomas Vulvin : « Ne sabrons pas le champagne trop vite. » © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Les couleurs flamboyantes du crépuscule en toile de fond, l’ornithologue décide de plier bagage. « Veni, vidi, mais pas vici », lance-t-il comme pour ponctuer l’heure passée à fixer la cavité dont la star du jour n’est jamais ressortie.

« Et dire que d’ici cinquante ans, il suffira peut-être de lever les yeux pour en observer par dizaines, poursuit-il. Enfin, ne sabrons pas le champagne trop vite… Déjà faudrait-il qu’un deuxième vienne partager son nid. » À l’approche de l’automne, le petit éclaireur retournera auprès de ses congénères, en Afrique. Gardera-t-il pour lui le secret de sa grande découverte ? Suspens. Pour l’heure, les cigales chantent encore.

Fédérations de chasse : la Cour des comptes épingle le financement d’actions censées protéger la biodiversité

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Fédérations de chasse : la Cour des comptes épingle le financement d’actions censées protéger la biodiversité

Les magistrats ciblent dans leur rapport publié ce jeudi 13 juillet un certain nombre de projets des associations de chasse financés par le fonds «biodiversité». Ils manquent selon elle de qualité et de pertinence….

… Le gendarme des comptes publics a publié ce jeudi 13 juillet un rapport dédié aux «soutiens publics aux fédérations de chasseurs». Cet audit fait suite à la saisine du collectif anti-chasse Un jour un chasseur sur la plateforme de participation citoyenne ouverte en 2022. Le document… s’intéresse notamment aux différentes missions de service public confiées aux chasseurs, comme la prévention des dégâts de gibier et leur indemnisation. Mais l’une de ces missions, beaucoup moins connue, retient particulièrement l’attention : «La conduite d’actions concourant directement à la protection et à la reconquête de la biodiversité.»

Reposant sur deux conventions liant la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et l’Office français de la biodiversité (OFB), un fonds «biodiversité» a été mis en place en 2019. Géré par la FNC, il vise à donner aux fédérations de chasseurs les moyens de se mobiliser en faveur de la biodiversité. Il repose sur une architecture financière si complexe que tous les acteurs semblent peiner à s’y retrouver.

«Plusieurs faiblesses»

Ce fonds s’élève à environ 14 millions d’euros, dont près de 9,5 millions provenant de l’OFB. Une enveloppe grassouillette, mais pour quoi faire ? Financer des projets en faveur de la biodiversité. Entre octobre 2019 et février 2022, la FNC ainsi que les fédérations de chasse départementales et régionales ont monté 577 projets, soumis par la suite à l’expertise de l’OFB. La fédération régionale des chasseurs des Hauts-de-France a ainsi porté l’aménagement d’espaces agricoles, avec la mise en place de 54 km de haies et de 2 763 ha de couverts favorables à la faune sauvage.

Mais tous les projets, ainsi que leur concrétisation, ne semblent pas aussi bien ficelés. La Cour des comptes évoque les interrogations de l’OFB quant au bien-fondé de certains dossiers et à leurs «critères scientifiques». La Cour pointe elle-même«plusieurs faiblesses» : «Le manque d’information dans les dossiers rendant l’évaluation difficile, que ce soit du point de vue de leur pertinence, de leur qualité scientifique et technique, ou de leur faisabilité ; ou le financement annuel, qui ne permet pas bien souvent de construire des projets de qualité dans le domaine de la biodiversité.»

L’article complet dans Libération du 13 juillet

Photo : Reposant sur deux conventions liant la Fédération nationale des chasseurs et l’Office français de la biodiversité, un fonds «biodiversité» a été mis en place en 2019. (Denis Allard /Libération)

Source : Libération / Sarah Finger, correspondante à Montpellier / 13 juillet 2023

Image & Nature n°129, juin-août 2023 : Quelques chiffres à propos des espèces

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89 espèces chassables en France métropolitaine, la moyenne des autres pays d’Europe : 39

500 000 renards tués chaque année par tir, piégeage, vénerie sous terre

75 000 fouines, martres, belettes piégées chaque année

6 espèces de limicoles encore chassées : bécasseau maubèche, huitrier pie, courlis cendré et corlieu, chevaliers arlequin, aboyeur et gambette

Au moins 1 677 espèces européennes menacées d’extinction : renard polaire, vison d’Europe, phoque moine de Méditerranée, ours polaire…

Une espèce d’abeilles et de papillons sur 10 est menacée d’extinction

Selon l’UICN, depuis 2015, 36 espèces ont complètement disparu d’Europe

Source : Image & Nature 129

Vénerie sous terre en été : cinq nouvelles victoires de One Voice pour les blaireaux !

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Cet été, les déterreurs de l’Aisne, l’Ille-et-Vilaine, la Savoie, la Haute-Loire et le Loir-et-Cher (en plus de tous les autres) devront s’occuper autrement qu’en torturant des animaux. Ces victoires de One Voice ouvrent plus que jamais la voie à la fin du déterrage en été et au printemps, qui s’ajoute à celui déjà autorisé le reste de l’année. Et le combat est loin d’être terminé : des audiences sont d’ores et déjà prévues dans les jours qui viennent pour la Corrèze, le Cantal, l’Allier, la Seine-et-Marne, le Maine-et-Loire et la Creuse.

Un succès inédit pour les blaireautins et leurs parents

3500 : c’est le nombre de blaireaux que nos actions en justice ont pour l’heure permis d’épargner, dans 19 départements sur 24. Chaque victoire est plus satisfaisante que la précédente, lorsqu’on sait la cruauté de ce loisir que notre enquête en infiltration avait bien montrée, et la difficulté à convaincre les juridictions malgré le rejet de cette pratique par plus de 4 Français sur 5 (sondage Ipsos/One Voice, octobre 2022).

Dans les cinq départements où nous venons d’obtenir gain de cause, des centaines de familles de blaireaux auraient dû être décimées, à l’issue de longues heures de traque. Des blairelles et leurs petits tués à bout portant, après avoir cherché en vain à fuir au fond de leur terrier, ce refuge qu’ils ont mis des mois à construire et que les chasseurs auraient détruit en quelques heures.

Dans le Loir-et-Cher, le tribunal administratif d’Orléans a encore une fois balayé les arguments invoqués par la préfecture. Un soulagement, largement partagé par des élus locaux très investis à nos côtés dans ce combat, comme la maire de la commune de Valaire, Catherine Le Troquier. 150 à 200 individus épargnés ! Auxquels il faut ajouter les 250 à 300 en Ille-et-Vilaine, 150 dans l’Aisne, et plusieurs dizaines en Haute-Loire….

Des victoires qui ne sonnent pas la fin du combat

Face à notre détermination, plusieurs départements ont choisi d’abandonner leurs projets d’arrêtés. En Savoie, après un échec cuisant (il n’aura fallu que quelques heures au juge des référés pour rendre sa décision !), le représentant de l’État a tout simplement décidé de ne pas autoriser la vénerie sous terre à partir du 1er juillet, comme il s’apprêtait pourtant à le faire ! Dans la Vienne, notre victoire a elle aussi contraint la préfecture à reculer.

Dans les semaines qui viennent, les audiences suivantes sont programmées : le 17 juillet au tribunal administratif de Limoges (pour la Corrèze), le 18 à Clermont-Ferrand (pour l’Allier et le Cantal), le 25 à Melun (pour la Seine-et-Marne), le 27 à Nantes (pour le Maine-et-Loire) et le 1er août à Dijon (pour la Creuse).

Les préfets nous trouveront toujours en travers de leur chemin pour défendre les blaireaux. Nous avons mis à disposition du public deux pétitions, notamment pour une réforme radicale de la chasse, et pour l’abolition de la vénerie sous terre des blaireaux et changer leur image.

 

* Associations partenaires de One Voice sur les référés mentionnés : Allier : Animal Cross, AVES, FNE 03, FNE AURA, LPO AURA; Aisne, Creuse, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire et Seine-et-Marne : AVES; Cantal : Animal Cross, AVES, FNE 15, FNE AURA, LPO AURA; Haute-Loire : AVES, FNE 43, FNE AURA, LPO AURA; Savoie : Animal Cross, FNE 73, LPO AURA.

Sortie du film « Algues vertes » ou le récit d’un mensonge d’Etat en Bretagne (et aujourd’hui les algues vertes ? )

Ines Léraud

Sylvie Rouat

Le film Les Algues vertes de Pierre Jolivet et Inès Léraud est sorti sur les écrans le mercredi 12 juillet 2023. Il s’agit à la fois d’une enquête journalistique fouillée sur un scandale environnemental et sanitaire affectant le littoral breton et ayant provoqué des morts, et du portrait sensible d’une enquêtrice confrontée à des hommes coupables et victimes à la fois, otages sans retour de l’engrenage du système agro-alimentaire industriel mis en place après la Seconde guerre mondiale. Un véritable coup de poing à l’estomac.

Directement inspiré du roman graphique d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove, Algues vertes. L’histoire interdite (2019, plus de 150.000 exemplaires vendus), le film éponyme de Pierre Jolivet est sorti le 12 juillet 2023 sur les écrans. Cette fois, ce n’est plus la seule dénonciation d’un scandale sanitaire et environnemental, car le réalisateur a décidé d’en faire une fiction centrée sur le personnage de la journaliste indépendante – joué par Céline Sallette – qui enquête sur la pollution du littoral breton par les algues vertes.

On suit son cheminement depuis Paris et les antennes de France Culture, radio pour laquelle elle travaille, jusqu’à cette petite communauté rurale des Côtes-d’Armor où elle pose en 2015 ses bagages, le temps de l’enquête, pense-t-elle. Ses entretiens avec les acteurs de ce monde agricole vont d’abord nourrir son Journal breton, diffusé sur la radio nationale. « Elle découvre peu à peu l’omerta imposée autour de la question des algues vertes par les élus locaux et régionaux. Ainsi que les syndicats agricoles, avec en tête de pont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), le syndicat majoritaire agricole en France, qui participe directement à la nomination des ministres de l’Agriculture », selon l’enquêtrice.

Le dossier noir des algues vertes s’ouvre dans les années 1980. A cette époque, les plages bretonnes sont régulièrement envahies par ces fines pellicules vertes qui s’amassent sur les plages et y pourrissent. On s’y habitue, on apprend à ne pas glisser sur ces tapis gluants durant les vacances. La presse s’en alarme. Mollement. Certaines plages, trop polluées, sont délaissées par les touristes.

 

En juin 1989, le corps d’un joggeur de 27 ans est découvert dans des amas d’algues vertes en décomposition sur la plage de Saint-Michel-en-Grève (22). Alerté par l’odeur pestilentielle qui émane du corps, le Dr Philippe, médecin urgentiste, réclame une autopsie… dont le rapport se perd ! Dix ans plus tard, un conducteur de tractopelle qui ramassait des algues sur cette même plage perd connaissance au volant de son engin. Secouru par deux joggeuses par ailleurs infirmières, il demeure dans le coma pendant cinq jours.

Dans les années qui vont suivre, deux gros chiens (plage d’Hillion, près de Saint-Brieuc en 2008) et un cheval (Saint-Michel-en-Grève en 2009) vont trouver la mort sur des plages engluées d’algues vertes. En cette même année 2009, Thierry Morfoisse, un transporteur routier qui venait de vider trois énormes chargements d’algues vertes, a été retrouvé mort au volant de son camion. Deux ans plus tard, les cadavres de 36 sangliers sont découverts dans l’estuaire du Gouessant à Morieux. C’est là aussi que l’on trouvera, en 2016, le corps sans vie de Jean-René Auffray, un sportif sans antécédent médical de 50 ans, venu faire un jogging matinal. En 2019, un jeune ostréiculteur de 18 ans décède brutalement en baie de Morlaix, alors que des associations environnementales avaient alarmé les autorités publiques d’une inquiétante marée d’algues vertes sur ces côtes.

sangliers et algues vertes

Découverte de corps de sangliers victimes des algues vertes. Extrait du film de Pierre Jolivet.

A chaque fois, une chape de plomb politique et économique empêche ou caviarde les autopsies, annule les résultats d’analyses, clôture prématurément les enquêtes… « Tout le monde a peur dans cette affaire, explique dans le film le personnage incarnant le vice-président du Conseil régional chargé de l’environnement à la région Bretagne. Les algues vertes sont un véritable fléau pour la Bretagne. Un décès humain dû aux algues vertes aurait des conséquences dramatiques sur le tourisme, donc l’immobilier, et plus largement sur le modèle agricole développé en Bretagne. C’est un sujet hautement politique. »

« Un décès humain dû aux algues vertes aurait des conséquences dramatiques sur le tourisme, l’immobilier et surtout le modèle agricole breton »

Le premier coupable est en fait l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz toxique à l’odeur d’œuf pourri dégagé par les algues vertes en décomposition. Plus lourd que l’air, il s’accumule au niveau du sol quand il n’y a pas de vent. Lorsqu’elles pénètrent les voies respiratoires, ces poches empoisonnées peuvent tuer comme autant de mines invisibles. Les autres coupables, humains, sont historiques, économiques et bancaires. Loin d’être une charge contre les agriculteurs bretons, ce film sensible fait entendre des voix justes, souvent poignantes. De fait, les héritiers de terres souvent ancestrales sont eux-mêmes les victimes et otages d’un système industriel d’agriculture imposé par l’État après la Seconde guerre mondiale, dans le cadre du plan Marshall. Les décennies qui ont suivi ont transformé une société de petits paysans, pour nombre d’entre eux miséreux, en une industrie agro-alimentaire prospère, devenue l’un des fleurons de l’industrie française. « L’exportation de poulets français au Moyen-Orient rapporte plus que les ventes d’armes », explique dans le film Inès Léraud.

Au cours de son enquête, les questions de la journaliste se heurtent à des fins de non-recevoir des préfectures, à des menaces de procès en diffamation. Dans le même temps, la population porcine atteint les 14 millions de têtes, quatre fois plus que le nombre d’habitants, selon la journaliste et co-auteure du scénario, qui s’est aujourd’hui installée durablement en Bretagne.

agriculteur et algues vertes

Confrontation avec un agriculteur en souffrance. Extrait du film.

Ce film clé, qui s’attache à la véracité des faits, nous plonge dans le monde agricole contemporain, en souffrance silencieux et pourtant quasiment absent de l’univers cinématographique ! Dans le même temps, les eaux saturées de nitrates des rivières bretonnes continuent à alimenter les algues vertes et à polluer l’eau potable.

Aujourd’hui:

« Le phénomène est en décroissance par rapport à il y a vingt ans » : une prolifération d’algues vertes limitée en Bretagne

Le Parlement européen donne un premier feu vert au projet de restauration des écosystèmes

parlement européen

Sciences et Avenir avec AFP

Le Parlement européen a donné mercredi 12 juillet 2023 un premier feu vert au projet de loi de restauration des écosystèmes, un texte-phare du Pacte vert de l’UE proposé par Bruxelles auquel s’opposaient les élus de droite et d’extrême droite.

Cette législation vise à imposer aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité. Les eurodéputés devront désormais en négocier le contenu avec les Etats membres.

« Nous sommes au rendez-vous de notre avenir »

C’est un échec pour les conservateurs du PPE qui avaient dénoncé un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique. Ils avaient proposé une motion de rejet de l’intégralité du texte, qui a été écartée à une courte majorité. Le Parlement européen a cependant approuvé mercredi une version du texte « largement édulcorée » par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne, selon les écologistes. Cette position a recueilli 336 voix pour (300 contre, 13 abstentions).

Le rapporteur du texte, l’eurodéputé espagnol César Luena (S&D, gauche) a salué une « victoire collective » et « une bonne nouvelle pour la nature, les États membres et l’UE elle-même ». « Nous sommes au rendez-vous de notre avenir », s’est également réjoui sur Twitter l’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement. « L’opération de l’extrême droite et de Manfred Weber (le président du PPE) a échoué ».

« Victoire au goût amer »

L’ambition du texte a toutefois été revue nettement à la baisse. La position du Parlement est proche de celle adoptée le 20 juin par les Etats membres. « Le texte est totalement vidé de sa substance », a affirmé Anne Sander, rapporteure PPE du texte pour la commission Agriculture. Mais le groupe conservateur estimait avoir défendu une ligne soutenue par de nombreux électeurs, notamment du monde agricole, hostiles à des régulations environnementales qu’ils jugent excessives.

« Je suis bien sûr déçu, mais notre engagement n’a pas été vain. Je continuerai à défendre la volonté des habitants des zones rurales« , a déclaré l’élu conservateur allemand Peter Liese. L’eurodéputée écologiste Caroline Roose a reconnu une « victoire au goût amer » et déploré « l’obstruction de la droite » aboutissant à l’adoption d’une version « largement édulcorée ». Le projet de législation vise à enrayer le déclin de la biodiversité et à mieux contrer le changement climatique en imposant de réparer les écosystèmes abîmés.

Jusqu’à 70% des sols sont en mauvaise santé

Pollution, urbanisation, exploitation intensive… selon Bruxelles, plus de 80% des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70% des sols sont en mauvaise santé. Le texte proposé mi-2022 par la Commission européenne imposerait aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent.

Des eurodéputés de gauche et du centre avaient dénoncé une opération politicienne du chef du PPE Manfred Weber, évoquant une stratégie de rapprochement avec l’extrême droite. Une posture électoraliste, selon eux, à un an du scrutin européen de juin 2024. Les conservateurs, de leur côté, avaient brocardé un texte mal conçu et contre-productif. « Le Parlement européen a voté en faveur d’objectifs juridiquement contraignants visant à restaurer les zones naturelles dégradées », s’est cependant réjoui Greenpeace, saluant « le premier texte législatif depuis 30 ans pour protéger la biodiversité dans l’UE ».

Qu’est-ce que les NGT, ces « nouveaux OGM » qui font débat ?

NGT:Nouvelles techniques génomiques

IGOR STEVANOVIC / SCIENCE PHOTO / IST / Science Photo Library via AFP

Rachel Mulot

On les appelle NGT (« new genomic techniques », en français, « nouvelles techniques génomiques ») ou NBT (« new breeding techniques », en français « nouvelles techniques de sélection »). Depuis 2018, elles sont classées comme OGM et leur culture est donc interdite dans l’Union européenne, leur importation autorisée sous condition d’étiquetage. Aujourd’hui, la Commission européenne demande un assouplissement de ces règles, « pour aider à assurer la sécurité d’approvisionnement alimentaire ».

À l’heure actuelle, il n’existe aucun produit obtenu par des NGT commercialisés dans l’UE. En dehors de l’UE, il existe un soja avec un profil d’acide gras plus sain.

Après trois années d’études impliquant notamment l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Centre commun de recherche (JRC), la Commission européenne propose de revoir ses règles sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) afin de lever les restrictions sur certaines plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NGT). Selon l’exécutif européen, la directive OGM de 2001 n’est plus « adaptée » à ces biotechnologies qui permettraient aux agro-industriels de fabriquer des semences plus résistantes au changement climatique tout en utilisant moins d’engrais ou pesticides

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait estimé quant à elle en 2018 que la directive de 2001 s’étendait bien aux nouvelles techniques de modification du génome, quelles que soient leurs promesses. Dans ses conclusions, nourries par des scientifiques, la CJUE estimait ainsi que les « organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM (…) soumis aux obligations prévues par la directive 2001/18 », celle-ci devant inclure les organismes issus des techniques apparues depuis son adoption.

Un génome modifié sans insertion d’ADN étranger

À la différence de la transgenèse, la mutagenèse est un ensemble de techniques permettant d’altérer ou modifier le génome d’une espèce vivante sans insertion d’ADN étranger. Les techniques de mutagenèse ont permis de développer des variétés de semences résistantes à des herbicides sélectifs. Récemment, elles ont aussi servi à la sélection d’un blé résistant à la dévastatrice rouille noire, en exposant des semences à des rayonnements ionisants. Elles peuvent également recourir, dans le cas de la cisgenèse, aux ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9, mis au point par la Française Emmanuelle Charpentier. Exception à la règle : « les organismes obtenus par des techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps sont exemptés de ces obligations, précisait en 2018 la Cour de justice de l’Union européenne, étant entendu que les États membres sont libres de les soumettre, dans le respect du droit de l’Union, aux obligations prévues par la directive ou à d’autres obligations« . La sélection de plantes portant des caractères d’intérêt agronomiques est pratiquée depuis des siècles.

Dans sa proposition de juillet 2023, la Commission européenne suggère de diviser les NGT en deux catégories, en exonérant de la législation sur les OGM les NGT donnant lieu à des modifications pouvant survenir naturellement ou via un processus de sélection par mutagenèse ou cisgenèse. Tous les autres produits NGT seraient traités de la même manière que les OGM, avec une évaluation des risques et une demande d’autorisation.

Un soja, une tomate… très peu de NGT commercialisés aujourd’hui dans le monde

« À l’heure actuelle, il n’existe aucun produit obtenu par des NGT commercialisés dans l’UE, précise le service de communication de l’UE. Il existe quelques produits commercialisés en dehors de l’UE : un soja avec un profil d’acide gras plus sain, une tomate enrichie d’acide gamma-aminobutyrique et une bactérie pour féconder le sol agricole. » En revanche, « de nombreux produits sont en phase de pré-commercialisation, et encore plus sont en cours de développement. » C’est l’incertitude pesant sur les récoltes à venir avec le changement climatique en cours, ainsi que le souci de compétitivité qui a poussé certains législateurs à demander un assouplissement des règles. Les procédures d’autorisation (lire l’encadré ci-dessous) sont longues, et l’étiquetage « OGM » peut rebuter les consommateurs, certains ignorant d’ailleurs que le bétail dont ils se régalent est parfois nourri avec des aliments importés et génétiquement modifiés.

La proposition doit être encore approuvée par le Parlement européen et le Conseil européen. Les écologistes estiment que ces « nouveaux OGM« , qui impliquent une modification génétique, doivent rester soumis aux règles actuelles. Rappelons que c’est la Confédération paysanne, alliée à diverses associations françaises qui avait obligé le Conseil d’Etat français et la Cour de justice de l’Union européenne à clarifier leur position et leur expertise sur ces techniques émergentes de génomique et de sélection.

OGM : quelle définition pour quelle législation ?

Un organisme génétiquement modifié (OGM) est un « organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » selon l’article 2.2 de la Directive européenne 2001/18. En Europe, les OGM utilisés pour l’alimentation humaine font l’objet d’une régulation stricte. Avant d’être autorisée à l’importation ou à la production en Europe, chaque culture est ainsi soumise à un protocole visant à « protéger la santé humaine et l’environnement « , qui inclut une évaluation au cas par cas des risques pour l’environnement et la santé. Chaque produit fabriqué avec des OGM et commercialisé en Europe doit par ailleurs être étiqueté, par souci de transparence. Le lait, les œufs et la viande issus des animaux nourris avec des OGM sont les exceptions notables à cette règle. Les principales lois qui réglementent les OGM sont la Directive 2001/18, le Règlement 1829/2003 et le Règlement 1830/2003. Ces textes n’interdisent pas la dissémination d’OGM ou de produits dérivés d’OGM dans l’environnement. Mais ils exigent l’évaluation des risques, la détectabilité et l’étiquetage. Enfin, c’est la Directive 2001/18, aujourd’hui contestée, qui détermine si un organisme doit se soumettre ou non à la réglementation relative aux OGM.