LPO : « Grandes promesses grands mensonges »

grandes promesses

France a fait l’objet d’une mise en demeure puis d’un avertissement (c’est la dernière étape avant la poursuite devant la Cour de Justice de l’Union Européenne) de la part de la Commission Européenne pour 3 infractions à la Directive oiseaux :

1) Chasse d’espèces en mauvais état de conservation. Ce qui se traduit par 20 espèces en liste rouge UICN mais toujours chassées, dont deux en danger au niveau mondial. Seules trois ont vu leur chasse suspendue, la tourterelle des bois, la barge à queue noire et le Courlis cendré. La suspension est reconduite annuellement (pour le moment). L’Etat français a bien pris les arrêtés pour les laisser chasser mais la LPO a gagné à chaque fois devant le Conseil d’Etat, plus haute juridiction française. Et encore nous ne parlons ici que des espèces en liste rouge : il y en a d’autre dont l’état de conservation est inquiétant avec des chutes vertigineuses comme l’alouette des champs (- 30% en 15 ans) ou les galliformes de montagnes pour lesquels nos associations obtiennent l’annulation des arrêtés préfectoraux année après année. Quand on voit que la France ne suspend même pas la chasse des espèces en liste rouge UICN, celles qui ne le sont pas encore vont attendre longtemps….

Le principe est pourtant que les Etats membres ne peuvent laisser chasser que les espèces en bon état de conservation, et à condition que la chasse ne mette pas en péril cet état.

Déjà il faudrait que les chasseurs acceptent de suivre les prélèvements de toutes les espèces et de communiquer les chiffres. Sans suivi pas de gestion intelligente possible.

2) Chasse d’oiseaux migrateurs :  sous de faux prétexte fallacieux (dégâts aux cultures, recherche…), l’Etat français a laissé chasser les oiseaux migrateurs au printemps depuis des années. Ce qui est interdit. La LPO a gagné 13 fois devant le Conseil d’Etat en faisant casser les arrêtés autorisant la chasse des oies cendrées après le 31 janvier. Et on chasse aussi les pigeons ramiers au printemps en faisant croire qu’ils causent des dégâts…. Ces chasses de printemps ont des impacts négatifs sur des oiseaux en migration donc fragile, et par le dérangement en période de nidification.

 

3) Les chasses non sélectives dites « traditionnelles ». Le Conseil d’Etat, saisi par la LPO comme chaque année, a en 2020 posé une question jurisprudentielle à la CJUE concernant la légalité ou non du piégeage à la glu. Parce que Malte s’était faite condamner l’année précédente pour la même pratique, et que la France était le dernier pays à laisser cette pratique odieuse et non sélective perdurer. La réponse a été sans ambiguïté : le piégeage à la glu est illégal. Jugement confirmé par le Conseil d’Etat qui a rappelé que l’arrêté dérogatoire de 89 qui sert de base à toutes ces pratiques (glu en PACA pour attraper des grives et merles, cages trappes (matoles) et filets (pantes) dans le Sud-Ouest pour capturer des alouettes, lacets dans les Ardennes pour attraper des grives, merles, vanneaux et pluviers, et on va rajouter les pierre plates (lecques) dans le Massif central pour capturer des merles et grives, est entaché d’illégalité.

 

La plainte est toujours pendante. Si la France devait ouvrir à nouveau la chasse en février, continuer de laisser chasser des espèces en danger, et/oou rétablir les piégeages non sélectifs, elle se retrouverait poursuivie devant la CJUE, avec des amendes de plusieurs millions à devoir payer (par les contribuables). Et des astreintes journalières.

Quand on sait que plus de 80% des français condamnent ces pratiques de manière constante dans les sondages, on souhaite bon courage à tous les candidats qui sont allés faire de fausses promesses au grand oral de la Fédération nationale des chasseurs.

Les girafes sont de retour : leur population se reconstitue

Girafe

117 173 girafes exactement ont été recensées sur le continent africain. Soit 20% de plus qu’en 2015. Un rebond lié aux efforts de conservation, mais aussi à de nouvelles techniques de comptage de ces grandes timides.

franceinfo : Les girafes, qui sont dans la catégorie des espèces vulnérables, sont de retour. Leur population se reconstitue ? 

Mathilde Fontez : Oui, elles restent pour l’instant classées dans la catégorie des espèces vulnérables par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Mais l’état des lieux de leur population qui vient de paraître montre une augmentation de leur nombre. Cette espèce africaine emblématique va mieux.
On compte 117 000 girafes à l’état sauvage aujourd’hui. Soit 20% de plus que lors du dernier recensement, en 2015.

Ce sont les programmes de conservation qui commencent à marcher ?

En partie oui, d’après l’analyse des chercheurs. Les girafes sont menacées par le braconnage, mais surtout par la fragmentation de leur habitat. La création de réserves, notamment au Niger, au Tchad ou en Ouganda, a permis aux populations de retrouver de l’espace.

Les girafes du Nord en particulier, une population qui vit en Afrique centrale et occidentale, ainsi qu’en Ouganda et dans certaines parties du Kenya, était considérée comme l’espèce la plus menacée. On voit aujourd’hui qu’elles retrouvent une croissance : la population est passée de 4780 en 2015, à 5900 aujourd’hui.
Mais ce sont aussi les techniques de comptage qui se sont améliorées.

On a aujourd’hui de meilleures données ?

Oui, la girafe est une grande timide : elle est difficile à repérer et à compter. D’autant qu’elle s’étend sur toute l’Afrique subsaharienne, en une multitude de petites populations, isolées les unes des autres. On a même découvert récemment qu’il y a non pas une, mais quatre espèces de girafes – en 2016 seulement, ce sont des études génétiques qui l’ont montré.

Jusque-là, la plupart des comptages étaient réalisés par avion. Mais les écologues ont mis en place d’autres techniques, basées sur des relevés photographiques. On utilise désormais des programmes informatiques qui analysent automatiquement les images et reconnaissent les individus en fonction de leurs taches. Au Kenya, c’est ce qui expliquerait l’explosion du nombre de girafes détectées : on en compte 16 000 aujourd’hui : plus du double de ce qui était compté en 2015.

 

Les girafes sont sauvées ?

Pour les spécialistes, elles restent en danger. En particulier à cause du réchauffement climatique qui accentue la pression sur les populations. On est loin d’avoir retrouvé les populations de girafes qui s’étendaient en Afrique il y a quelques centaines d’années : on en comptait alors un million. Mais ces chiffres donnent de l’espoir : ils montrent que le plus grand animal du monde peut rebondir lorsque ses conditions de vie s’améliorent.

France Info

Mathilde Fontez, rédactrice en chef d’Epsiloon

Tous mobilisés contre les « méga-bassines » !

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La LPO s’oppose à ces retenues d’eau géantes en faveur de l’agriculture intensive et participera ce week-end au Printemps Maraîchin, manifestation festive et citoyenne organisée dans les Deux-Sèvres par Bassines Non Merci, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre.

L’Etat s’apprête à engager des centaines de millions d’euros dans la construction de 93 méga-bassines en région Poitou-Charentes pour permettre un stockage massif de l’eau à destination de l’irrigation intensive. Nous dénonçons une vaste entreprise d’accaparement d’un bien commun dans le but de figer un modèle de production obsolète sur ce territoire, où d’autres choix doivent être faits pour s’adapter au dérèglement climatique.

Néfastes pour la biodiversité

Les méga-bassines sont de gigantesques trous creusés dans le sol dans le but de retenir l’eau en hiver pour irriguer les champs des agriculteurs en été. Leurs impacts sur l’environnement sont loin d’être négligeables :

  • Les volumes d’eau prélevés dans les nappes phréatiques affectent le fonctionnement des milieux naturels et l’une des plus importantes zones humides d’Europe : le Marais Poitevin
  • Les nitrates et les pesticides utilisés dégradent la qualité de l’eau et la santé des écosystèmes
  • Les produits phytosanitaires, la monoculture, le remembrement, l’arasement des haies affectent la biodiversité dans nos campagnes, où un tiers des oiseaux a disparu en moins de 15 ans.

Ces méga-bassines posent aussi la question de l’accaparement de la ressource en eau par quelques uns au détriment d’une majorité d’agriculteurs responsables et soucieux de préserver la nature.

Le Printemps maraîchin se déroulera du 25 au 27 mars avec une manifestation programmée le samedi 26 mars, à 14h, à la Rochénard (Deux-Sèvres). Plus d’informations 

=> Appel à mobilisation d’Allain Bougrain Dubourg  ICI 

=> La vérité sur les 93 réserves de substitution envisagées en Poitou-Charentes 

 

100 nouvelles espèces découvertes en Birmanie en 10 ans

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Pendant dix ans, qui ont vu la dissolution de la junte birmane et l’ouverture du pays – avant un coup d’État début 2021 -, des scientifiques du monde entier ont pu parcourir le pays à la recherche de nouvelles espèces.

Singe qui éternue, geckos, moules… Au moins 100 nouvelles espèces ont été découvertes en Birmanie en dix ans, un signe de la biodiversité « stupéfiante » du pays, a annoncé l’ONG Fauna and Flora International (FFI).

Cette « séquence incroyable de découvertes » a commencé en 2010 avec le rhinopithèque de Stryker, petit primate noir connu sous le nom du « singe qui éternue« , a indiqué le groupe de protection de la nature. Pendant ces dix ans, qui ont vu la dissolution de la junte birmane et l’ouverture du pays – avant un coup d’État début 2021 -, des scientifiques du monde entier ont pu parcourir les forêts tropicales, explorer les grottes, descendre les rivières et se frayer un chemin à travers les formations rocheuses karstiques.

« La Birmanie abrite des richesses biologiques auxquelles la plupart des pays peuvent seulement rêver. Ses forêts accueillent une des vies sauvages les plus spectaculaires de l’Asie du Sud-Est continentale« , a commenté dans un communiqué FFI qui souligne malgré tout les « menaces » auxquelles fait face cette biodiversité, de l’exploitation forestière à la chasse, en passant par l’agriculture et le développement des infrastructures.

Un catalogue fourni

Ce catalogue que l’ONG avait initialement prévu de dévoiler l’an dernier, au moment du coup d’État, comprend également un crabe habitant des cavernes, un escargot carnivore et 17 espèces de moules d’eau douce. Les scientifiques ont également trouvé 37 espèces différentes de geckos vivant dans des formations de karst dans l’est du pays, de nombreuses d’entre elles très isolées et localisées uniquement sur une seule colline ou une grotte.

En une seule expédition de deux semaines, 15 nouvelles espèces avaient pu être identifiées : « une journée, une nouvelle espèce !« , raconte le biologiste Aung Lin. Et les chances d’en trouver de nouvelles sont « très élevées« , a expliqué à l’AFP Lee Grismer, de l’Université La Sierra, dont l’équipe a trouvé la majorité des geckos et qui espère pouvoir organiser de nouvelles expéditions.

Pendant quelques années, l’ouverture de la Birmanie a permis aux chercheurs de voyager dans des zones isolées du pays auparavant interdites d’accès, a indiqué Ngwe Lwin, responsable de FFI pour la Birmanie. Pas toujours facile pour autant. Comme lorsque son équipe et lui ont traqué en 2010 une nouvelle espèce de singe dans l’État Kachin, près de la frontière chinoise. Les habitants de la région assuraient que l’animal était facile à trouver, surtout sous la pluie, son nez retroussé collectant l’eau le forçant à éternuer. Ils avaient même indiqué l’endroit où le trouver. Mais après des jours de marche infructueuse dans la dense forêt, l’équipe n’avait trouvé qu’un spécimen mort, accidentellement capturé dans un piège à ours, raconte Ngwe Lwin à l’AFP, précisant que depuis une zone de protection a été mise en place et que les chasseurs locaux sont moins enclins à utiliser ces pièges.

Source Science et Avenir

L’État sévèrement condamné pour avoir autorisé la chasse au lagopède alpin et au grand tétras

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La complaisance du gouvernement à l’égard des chasseurs est une nouvelle fois sanctionnée. Mardi 1er mars, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l’État pour faute : il avait continué à autoriser la chasse au lagopède et au grand tétras année après année, alors que la justice avait annulé tous les arrêtés autorisant cette chasse entre 2008 et 2015. À ce titre, l’État a été sommé d’indemniser le Comité écologique ariégeois à hauteur de 30 000 euros pour « préjudice moral ». « C’est très rare, quasiment du jamais-vu », s’est réjoui Thierry de Noblens, du Comité écologique ariégeois, contacté par Reporterre. Le tribunal a également annulé deux arrêtés de 2019 fixant les quotas pour la chasse au lagopède et au grand tétras pour le département de l’Ariège, et pour le grand tétras pour la Haute-Garonne.

Dans les Pyrénées, ces deux galliformes de montagne sont chassés pendant trois à quatre semaines à partir du premier week-end d’octobre. La poursuite de cette chasse scandalise les associations de protection de l’environnement, qui alertent sur le mauvais état de conservation de ces espèces. Du côté du grand tétras, moins de 2 000 coqs et autant de poules avaient été comptabilisés en 2021 dans les Pyrénées, « un effectif en baisse de 80 % depuis 1960 », précise M. de Noblens. Et si l’on ignore le nombre précis de lagopèdes présents dans les montagnes pyrénéennes, « on sait qu’il est en diminution car on aperçoit de moins en moins cet oiseau dans les secteurs où il était observé auparavant ».

Pourtant, la routine se reproduit d’année en année : le préfet publie des arrêtés encadrant la chasse aux galliformes de montagne, les associations saisissent la justice administrative en référé, obtiennent la suspension puis l’annulation des textes, le ministère de la Transition écologique fait appel et perd… et la séquence redémarre quelques mois plus tard. « Depuis le 24 mars 2011, pas moins de 53 jugements donnent raison aux associations de protection de la nature et de l’environnement lorsqu’elles demandent l’annulation des arrêtés de quotas ou des plans de chasse concernant le grand tétras et le lagopède alpin dans les Pyrénées », indique le communiqué du Comité écologique ariégeois.

« On aperçoit de moins en moins de grands tétras dans les Pyrénées »

Dans cette lancée, l’arrêté fixant le quota 2021 pour la chasse au lagopède en Ariège, qui fixait à dix le nombre d’oiseaux pouvant être abattus cette année-là, avait été suspendu par le tribunal administratif de Toulouse le 13 octobre 2021 — dix jours après sa parution. « Malheureusement, les dix lagopèdes avaient été tués avant la suspension de l’arrêté », soupireAinsi, l’État tente sa chance tous les ans avec des arrêtés pour fixer les quotas de chasse. Et tous les ans, le tribunal administratif suspend et annule ses arrêtés. Mais ce laps de temps laisse l’opportunité aux chasseurs… de chasser. M. de Noblens.

M. de Noblens dénonce également l’hypocrisie de Barbara Pompili sur le sujet. « En septembre 2020, la ministre de la Transition écologique a annoncé qu’elle suspendait la chasse au grand tétras à cause de son mauvais état de conservation, dit le naturaliste. Ce qu’elle a oublié de préciser, c’est qu’autoriser cette chasse aurait été parfaitement illégal : la reproduction avait été très mauvaise cette année-là, et depuis l’an 2000 le quota de prélèvement du grand tétras est fixé à zéro en-dessous d’un jeune par poule ! »

Le ministère de la Transition écologique avait d’ailleurs fait preuve de moins de scrupules les années précédentes : la secrétaire d’État Bérangère Abba avait refusé en avril 2021 d’accorder un moratoire de cinq ans sur la chasse au grand tétras, et Mmes Pompili et Abba n’ont jamais répondu à la demande des associations de juillet 2021 d’interdire la chasse au lagopède alpin, au grand tétras et au tétras-lyre dans les Pyrénées et dans les Alpes pour la saison 2021-2022, en raison de leur mauvais état de conservation.

Des températures de 40°C au-dessus de la moyenne en Antarctique, un record absolu

iceberg

La calotte glaciaire orientale de l’Antarctique, l’un des endroits les plus froids sur Terre, a connu ces derniers jours un épisode de chaleur sans précédent. Le thermomètre affichait des températures de 40°C au-dessus de la moyenne.

Les scientifiques n’avaient encore «jamais rien vu de tel dans l’Antarctique». Vendredi, plusieurs stations météorologiques y ont enregistré des températures records. La station Concordia, située à plus de 3 000 mètres d’altitude, affichait ainsi -12,2°C, soit environ 40°C de plus qu’en temps normal.

Même constat pour la station de Vostok, connue pour avoir répertorié la température la plus basse jamais enregistrée sur Terre (-89,2°C le 21 juillet 1983). Là-bas, la température est en moyenne d’environ moins -53°C sur le mois de mars. Mais vendredi, la température a «bondi» à -17,7°C.

Jamais une marque aussi élevée n’avait été relevée à Vostok sur la période depuis le début de la tenue des registres climatiques il y a soixante-cinq ans, le précédent record absolu étant battu d’environ 15°C. Certaines simulations suggèrent que les températures pourraient même avoir grimpé à 50°C au-dessus de la normale dans certaines régions du continent. Quant à la baie de Terra Nova, entre le cap Washington et la langue de glace Drygalski, la température relevée était bien au-dessus du point de congélation, à 7°C.

«C’est définitivement un événement inhabituel»

Des pointes anormales, signalées vendredi par le Washington Post, qui ont surpris les responsables du National Snow and Ice Data Center de Boulder, au Colorado. Ces derniers prêtaient déjà particulièrement attention aux températures enregistrées en Arctique, où il fait 50°C de plus que la moyenne et où les zones autour du pôle Nord approchaient ou atteignaient le point de fusion (la température à partir de laquelle la glace fond). Ce qui est vraiment inhabituel pour la mi-mars : «Ce sont des saisons opposées. Vous ne voyez pas le Nord et le Sud [les pôles, ndlr]fondre en même temps, insistait vendredi soir le scientifique du centre des glaces Walt Meier auprès de l’agence américaine Associated Press. C’est définitivement un événement inhabituel.»

Ces températures anormalement élevées ont entraîné des épisodes de fonte des glaces dans la région. Un phénomène assez inhabituel dans cette partie de l’Antarctique, qui ne connaît pas souvent beaucoup d‘épisodes de la sorte. Pas de quoi en revanche affecter la stabilité des glaciers dans cette région, selon les experts. Pour ces derniers, il est encore trop tôt pour lier cet événement au changement climatique. Les spécialistes estiment que ces températures anormales en Antarctique ne sont pour l’instant qu’un événement météorologique aléatoire. Si cela se répète, cela pourrait néanmoins être une source d’inquiétude.

Vendredi, la température moyenne dans tout l’Antarctique était d’environ 4,8°C plus élevée que les moyennes de référence entre 1979 et 2000, selon le site Climate Reanalyzer de l’Université du Maine, qui s’appuie sur les modèles météorologiques de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique des Etats-Unis. Dans le même temps, l’Arctique a enregistré des températures en moyenne 3,3°C plus chaudes que les moyennes recensées sur la période 1979-2000. Si l’on compare avec la moyenne mondiale, celle-ci n’est que de 0,6°C au-dessus des moyennes enregistrées sur la même période 1979-2000.

« Il m’attendait » : récits de rencontres avec de grands prédateurs

Bergers, éleveurs ou naturalistes nous racontent leur rencontre avec un grand prédateur : loup, lynx ou ours. Souvent avec le sentiment que, des deux, c’est l’animal qui maitrise le mieux la situation.

Bon an mal an, les grands prédateurs se réinstallent dans les montagnes françaises. Loups, ours et lynx cohabitent aujourd’hui avec les humains sur les espaces de moyenne ou de haute montagne. Si les médias se font l’écho des conflits que cette cohabitation peut susciter, peu d’histoires rendent compte de la vie quotidienne entre ces différents habitants des montagnes, et notamment du moment particulier de la rencontre. Une rencontre toujours furtive et inattendue, souvent inquiétante et émerveillée. Les témoignages qui suivent, recueillis par Reporterre, ne disent pas si la présence des grands prédateurs est ou n’est pas une bonne chose. Ils racontent une rencontre avec des animaux sauvages qui transforme la perception que ces personnes ont de leurs lieux de vie et de travail.

« J’ai remarqué qu’il manquait une petite agnelle, une que j’avais repérée car elle était un peu maigre. En voyant quinze vautours qui volent au-dessus du parc de nuit, je me dis que le cadavre est là. Je décide d’aller voir sans les chiens de protection et sans mon chien de berger. Je pense que c’est important car sinon je ne l’aurai pas vu. J’y vais en vélo et je tombe nez à nez avec le loup. » Kevin Mouëzant garde 400 brebis dans une vallée boisée du Diois, dans la Drôme. « Ma première réaction, ça a été d’être surpris et ému pendant une seconde ou deux. Puis j’ai eu peur parce que le loup ne m’a pas regardé dans les yeux. J’ai cru qu’il ne m’avait pas vu. Je me suis demandé comment il allait réagir. La rencontre a duré trente secondes, il était à vingt mètres. Pour sortir du parc de nuit, il devait passer devant moi. Il est venu vers moi en trottinant, en m’ignorant. J’ai eu le temps de vivre la peur pour moi, puis de prendre des photos », raconte le berger de 29 ans. « Le loup est parti le long de la piste. Je suis allé chercher le cadavre de la brebis et je ne l’ai pas trouvé. J’ai eu un peu peur car l’éleveur m’avait dit qu’il y avait des meutes, c’est un endroit très boisé, je ne voyais rien. J’ai décidé de partir et, en remontant, je l’ai croisé. Il m’attendait le long de la piste forestière murée par des bois, et il s’est enfui dans les bois quand je suis arrivé à sa hauteur. »

« J’ai senti son odeur, une odeur forte, âcre »

Pierre Boutonnet est venu s’installer il y a sept ans à Villanueva de Santo Adrianno dans les Asturies, une zone de moyenne montage au nord-ouest de l’Espagne, pour vivre du tourisme lié à la présence de l’ours. La rencontre a eu lieu en août, « quand les ours se rapprochent des villages pour manger les fruits dans les vergers. Je me promène le soir tard dans un petit village des Monts Cantabriques en quête d’observations. Avec ma caméra thermique, je le repère dans un jardin en train de manger des figues. Il y a un portail entre nous, heureusement car il est à seulement quatre mètres de moi. À un moment, il se rapproche du portail, affairé à fouiller le sol. Il vient tellement près que j’ai senti son odeur, une odeur forte, âcre, un peu comme celle du cerf. Lui aussi m’a senti et il est parti. Je l’ai revu par la suite : il revenait toutes les nuits manger des fruits dans ce jardin. » Les rencontres avec l’ours, ce naturaliste ne les compte plus. « Souvent, je ne le vois pas mais je l’entends, toujours à farfouiller dans les broussailles. Des rencontres par surprise, ça m’arrive souvent. Dès que l’ours me repère, souvent avant moi, il a très peur et s’en va. Je vois juste son dos qui disparaît. »

lynx dans le juraUn lynx dans le Jura. © Noël Jeannot

Noël Jeannot est un des premiers à avoir vu le lynx dans le massif du Jura. C’était en 1988 mais le souvenir de sa première rencontre est vivace. Près d’un cadavre de chevreuil, il l’attend plus de dix heures sur son escarpolette suspendue à un arbre : « Tout à coup, j’ai l’impression que quelqu’un me regarde. Je me retourne. Il est derrière moi. Mon téléobjectif braqué dans le mauvais sens, je reste cinq minutes du mauvais côté à le regarder de travers. Le lynx est assis. Il attend. » Depuis, le retraité d’un centre de nature a souvent recroisé le félin dans les grandes forêts de résineux du Haut-Doubs, où il vit depuis plus longtemps que l’animal — ce dernier a été réintroduit en Suisse en 1974. « Parfois, le lynx me voit, il reste là, il ne se sauve pas spécialement. Les observateurs de loups ou de lynx racontent souvent que l’animal ne bouge pas quand il est observé. »

« Quand je me relève, j’ai un loup en face de moi »

Encore un berger et un loup. Un vacher plus précisément. Patrick Bernerd garde en estive plus de deux cents vaches et cent chevaux pour sept propriétaires différents dans la réserve naturelle du Vercors. Il se souvient de tous les détails de sa rencontre avec un loup, le 8 mai 2020, à trois heures de l’après-midi « précisément » : « Je suis en train de faire une clôture. Quand je me relève, j’ai un loup en face de moi. À vingt mètres. Tout près. Des yeux jaunes verts, un gros, 45 kilos, couleurs marron-gris. Là, ton corps bouge plus, ton cerveau non plus. Je n’avais rien. Je ne savais pas où était le chien. Les poils se redressent. Qui part ? C’est le loup qui est parti. »

Comment expliquer cette rencontre surprise ? Pour Patrick, elle a été possible grâce au confinement. C’est lorsqu’il retourne pour la première fois dans des alpages déserts qu’il tombe sur l’animal. « Le loup, il ne faut pas le chercher, c’est lui qui vient te trouver. Pourtant il est là, tous les jours à côté de toi. » Le prédateur sauvage l’observe donc, le plus souvent à son insu.

À ce titre, la rencontre n’en est une que pour l’humain, comme le raconte Kévin : « J’avais lu [le livre] Les diplomates de Baptiste Morizot en 2017. Il racontait que quand il avait vu le loup dans les Cévennes, pour lui c’était un événement et pour le loup c’était un non-événement. J’ai exactement le même sentiment. J’ai trouvé la disproportion dans la relation étonnante. » Le berger s’interroge encore : « Je m’attendais en croisant un animal sauvage à ce qu’il me regarde dans les yeux et qu’il fuit, et ça a été l’inverse, il ne m’a pas regardé et il n’a pas fui, poursuit le jeune homme. Il m’a forcément entendu arriver sur mon vélo, qui fait du bruit sur les cailloutis. Pourquoi est-ce qu’il m’a laissé approcher, pourquoi s’est-il laissé voir ? Peut-être un truc de démonstration de force, presque d’humiliation. C’est un peu fort, mais c’est pour forcer le trait : en mode, je suis là et je ne vais pas partir en courant parce que tu arrives. »

ours espagnolUn ours espagnol. © Noël Jeannot

Après une double attaque de son troupeau, Kévin a eu l’impression d’être sur le territoire du loup. « Le lendemain, je vois une crotte sur un chemin que je prends quatre fois par jour, devant ma caravane. S’il voulait que je la voie, il n’aurait pas été ailleurs. Ça crée le sentiment qu’il marque son territoire, qu’il se rend visible. Les éleveurs ont aussi ce discours : le sentiment de se faire narguer, que le loup les défie. » Patrick a lui aussi vu un deuxième loup, la même année. C’était dans le Trièves, cette fois, sur ce plateau agricole au sud de Grenoble où il élève à l’année quatorze vaches allaitantes. « Je travaillais sur mon tracteur en panne et, d’un seul coup, le réparateur se met à hurler. Le loup est en face de lui. Plus jeune, plus maigre, plus gris que l’autre. Il a pissé devant nous et il est parti. » Les hiérarchies se renversent : c’est l’animal qui maîtrise le territoire.

lynx_noël jeannot© Noël Jeannot

« Ça m’a énormément perturbé de devoir être armé »

« L’ours est un animal qu’on ne rencontre pas mais qu’on imagine en pistant ses traces. » Louis Espinassou, « montagnard naturaliste » selon ses termes, est passionné par l’ours depuis son adolescence. « J’ai pu l’observer trois fois, de loin, après huit années de pistage et de compréhension de ses habitudes. Je suis sûr qu’on s’est souvent rencontré mais avec son odorat, il m’a perçu avant que je ne le voie. Parfois, je suis sur une piste, je viens vers lui. Puis cette piste s’arrête brusquement, je sais qu’il est tapi quelque part et qu’il attend que je m’en aille. » L’éducateur à l’environnement est également berger dans la vallée d’Ossau au cœur des Pyrénées. Et là, c’est une autre affaire.

Louis explique qu’il a « toujours une appréhension dans la poitrine. Pour les bergers, c’est un poids sur nos épaules à la limite du supportable. En berger fromager, on a des rythmes de travail de 15-18 heures par jour. Donc on n’a pas beaucoup de temps pour se reposer, et avec la menace perpétuelle que l’ours attaque… La nuit, je dors habillé pour être opérationnel, les bottes en face de moi pour être prêt à intervenir en cas d’attaque. Pour l’instant, je n’ai pas eu de dégât. » L’ours n’a jamais disparu des Pyrénées mais son aire de répartition s’élargit dans les départements français. « Dans la vallée d’Ossau, nous avons toujours vécu avec les ours. Ils ont toujours bouffé nos brebis. Mais quand la pression a augmenté et que je me suis posé la question de dormir avec un fusil, ça m’a énormément perturbé de devoir être armé. » Il conclut : « Je vis avec deux vérités contradictoires et il faut que je me démerde. »

L’attaque n’est pas toujours aussi redoutée. « Une fois que tu es sûr qu’il y a de la présence lupine, tu es plus attentif aux signes des chiens, tu comprends mieux quand il est là. » Après avoir travaillé en Savoie dans les alpages, Kévin a choisi le Diois sachant que cette région abritait des loups : « Je cherchais à travailler dans un endroit boisé, un milieu fermé, là où il y a de la prédation. Je voulais voir comment ça se passait. C’est un choix technique. Ce qui est intéressant c’est moins la rencontre avec le loup que sa présence continuelle. Je ne suis pas tant fasciné par le loup que par le travail avec les patous. » Le jeune berger travaille avec deux chiens de montagne des Pyrénées en plus de son chien de berger, et a placé des filets pour parquer les moutons.

noël jeannotnoël jeannot

« Mon veau s’est fait manger. Aujourd’hui, ça ne me fait plus rien. Mais sur le coup, je voulais tuer le loup », commente Patrick : « Le loup, il restera. Comment faire ? La solution je ne l’ai pas. » L’éleveur reconnaît à ce grand mammifère une qualité : celle de savoir « gérer les bêtes malades ou faibles ». « J’ai perdu une génisse charolaise, probablement d’une crise cardiaque après avoir été coursée par des loups. Je me tourne vers des races plus rustiques, Aubrac, Salers, Herens. Des vaches de combat qui peuvent faire face au loup. Elles sont toujours prêtes à se battre. »

 

« Les chamois, c’est dépassé, les gens veulent voir des prédateurs »

La présence des grands prédateurs dépasse les seuls habitants de la montagne. Elle devient un attrait touristique majeur dans certaines régions. Noël Jeannot est un bon client, lui qui a vu les trois prédateurs dans la péninsule ibérique. « Je suis allée voir le loup avec mon épouse, en camping-car. On m’avait dit : allez vous poster là sur la piste forestière, en fin de journée, vous devriez les voir. On s’est installé avec les sièges, l’apéro, les olives et les jumelles. Et d’un seul coup, ils sont sortis, trois loups d’un coup, qui ont traversé la lande tranquillou. Le lynx pardel dans la sierra Morena crée des rassemblements de touristes encore plus impressionnants. Mon neveu y est allé. Ils étaient cent personnes à regarder deux lynx se bagarrer. J’ai aussi vu des ours à Somiedo. J’avais été arrêté par un garde-chasse car une oursonne rendait la zone dangereuse. Je me suis postée en hauteur et j’ai attendu jusqu’à voir un de ses petits traverser la route. »

lynx dans le jura_2_Un lynx dans le Jura. © Noël Jeannot

Guide nature dans les Asturies, Pierre se félicite de cet engouement : « Les ours attirent les touristes. Il n’y en a jamais autant eu ici que depuis que l’ours est visible. À la différence de la France, l’ours n’est pas un mythe, trop sacralisé ou trop diabolisé, mais une banalité, l’ours a toujours été là. Là, il augmente. Ça ne se passe pas sans problème, mais ça passe. » Le tourisme de faune sauvage est en plein boom et la France s’aligne sur des pratiques déjà développées ailleurs en Europe, notamment en Espagne. « Aujourd’hui, tout le monde veut voir le loup. Les chamois, les bouquetins… c’est dépassé pour les touristes de montagne ; ils veulent voir des prédateurs », confirme Patrick. Dans les alpages où il garde les vaches, il préfère éluder le sujet : « À la question : “t’as vu le loup ?” Je dis non pour ne pas m’éterniser… »

Cet engouement, Noël Jeannot l’observe aussi pour le lynx. « Une crête rocheuse que j’étais seul à parcourir est aujourd’hui connue pour être un passage de lynx : six pièges photographiques y sont installés ! » Didier Pépin, auteur de La forêt du lynx (éd. La Salamandre, 2014) a décidé de ne plus contribuer à la médiatisation de l’animal. « Le lynx, comme d’autres espèces sensibles, moins on en parle, mieux il se porte. Je suis mal placé pour le dire puisque j’ai écrit un livre, fait des conférences, des expositions… Mais à l’époque, on était peu nombreux. Aujourd’hui, il y a des cohortes de photographes animaliers, des pièges photo partout, des clichés repris dans la presse… Certains chasseurs n’attendent que ça : pouvoir dire qu’il y a trop de lynx. La fédération de la chasse du Jura a déjà demandé des tirs de régulation. »

 

Les loups à nouveau protégés aux Etats-Unis

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Les loups gris sont à nouveau une espèce protégée dans la majeure partie des Etats-Unis continentaux après la décision jeudi d’un juge fédéral de Californie, qui revient ainsi sur une mesure de l’administration Trump.
Le service américain de gestion et de préservation de la faune « n’a pas pris en compte de façon adéquate les menaces qui pèsent sur les loups en dehors des populations principales dans les régions des Grands Lacs et au nord des montagnes Rocheuses en retirant la protection à l’espèce entière », a indiqué le juge Jeffrey White dans sa décision.
En octobre 2020, l’administration Trump avait en effet décidé de retirer aux loups gris leur statut d’espèce protégée, mis en place dans les années 70 après leur quasi-extinction aux Etats-Unis. Bien que la décision ait été prise sous Donald Trump, le gouvernement de Joe Biden avait continué à défendre la mesure devant la justice. »Aussi bien chez les gouvernements démocrates que républicains, on constate chaque année cette envie de mettre fin au rétablissement des loups », souligne auprès de l’AFP, Collette Adkins du Center for Biological Diversity. »C’est frustrant car la loi qui encadre le statut d’espèce protégée prévoit le rétablissement de ces animaux pour qu’ils puissent remplir leur rôle dans l’écosystème », poursuit-elle.
Depuis son entrée en vigueur en janvier 2021, le nombre de loups abattus dans certains Etats avait explosé, comme dans le Wisconsin où plus de 200 loups ont été tués en moins de trois jours, forçant les autorités à mettre un terme à la saison de chasse plus tôt que prévu, rapporte le New York Times. Selon le jugement de jeudi, il est désormais interdit de chasser le loup dans 44 Etats et ceux qui s’en prennent à ces bêtes risquent des amendes ou de la prison. »C’est une victoire cruciale pour les loups gris et pour tous ceux qui apprécient la nature », a estimé dans un communiqué Jamie Rappaport Clark, présidente de Defenders of Wildlife, l’une des associations qui a combattu en justice la mesure de l’administration Trump. »Redonner une protection fédérale va permettre à ces animaux essentiels de recevoir le soutien nécessaire pour se rétablir et prospérer dans les années à venir », a-t-elle ajouté.
Près de 250.000 loups vivaient aux Etats-Unis avant l’arrivée des colons européens qui ont décimé la population de ces canidés au fil de leur expansion vers l’ouest. Il ne reste désormais que quelque 6.000 loups disséminés à travers le pays, hors Alaska.Des études sont venues confirmer le rôle crucial de ces canidés dans le contrôle de la taille des troupeaux de wapitis -qui peuvent brouter trop d’herbe- permettant ainsi d’éviter la destruction de l’habitat.
Source GEO

Le réchauffement de l’hiver fait perdre la boule à la nature

bourgeons

Des bourgeons éclosent trop tôt, des oiseaux sont balayés par des cyclones, des insectes se reproduisent à gogo… Les hivers sont plus chauds et plus courts, et cela bouleverse les écosystèmes.

En ce début mars, un petit air de printemps flotte au-dessus des jardins parisiens. Les bourgeons de magnolia gonflent doucement au pied des immeubles. Entre les troncs encore décharnés des platanes, les fleurs roses et blanches des prunus se mettent à poindre. Une envie d’ôter sa veste et de languir au soleil semble gagner les promeneurs. Un peu trop tôt pour la saison ? À cause du réchauffement climatique, les hivers sont de plus en plus doux et de plus en plus courts, rappellent les météorologues. Celui qui s’achève a été marqué par plusieurs records de chaleur, avec des températures allant à 21 °C à Marseille en décembre et à 23,2 °C à Toulon en février. En Europe, l’hiver a été 0,6 °C plus chaud que la moyenne enregistrée entre 1991 et 2020, selon le programme Copernicus. Cela a des conséquences désastreuses pour la biodiversité.

Les plantes, et notamment les arbres, sont les premières victimes de la disparition de l’hiver. « Beaucoup d’espèces de l’hémisphère Nord ont besoin d’hivers froids », explique à Reporterre Camille Parmesan, écologue, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et spécialiste des conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité. Pendant des millions d’années, les plantes qui poussent sont nos latitudes se sont adaptées à des hivers marqués. « Les plantes pérennes et ligneuses ont développé un système qui leur permet de reconnaître lorsque l’hiver arrive, et de se protéger en endormant leurs bourgeons et en faisant tomber leurs feuilles, explique Iñaki Garcia de Cortazar, directeur d’unité à l’Institut national pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Le froid est là pour annoncer que l’hiver est là, et que le printemps lui succédera. Il permet à toutes les plantes de se mettre au diapason pour la saison suivante. »

Certaines espèces, comme les pommiers, ont besoin de « comptabiliser » un grand nombre de jours de froid avant de fleurir. « Il y a une raison à cela, explique Camille Parmesan. Il est toujours possible d’avoir une journée douce en plein milieu de l’hiver. Mais cela ne signifie pas forcément que la saison froide est terminée. Il ne faut surtout pas que ces espèces sortent leurs feuilles, ou pire, leurs fleurs, à ce moment-là. Lorsque la température est très basse, des substances chimiques leur disent de rester endormies. Une fois qu’un certain nombre de jours de froid a été atteint, ces signaux disparaissent, et la plante peut se réveiller au retour des beaux jours. » Ce système empêche les plantes de sortir de leur dormance trop vite. « Un peu comme un réveil-matin », sourit la chercheuse. « Lorsque les besoins en froid sont bien remplis, on sait que la floraison sera très bien structurée et homogène et que l’on aura des fruits », note Iñaki Garcia de Cortazar.

pommierLes pommiers ont besoin de « comptabiliser » un grand nombre de jours de froid avant de fleurir. Flickr / CC BYNC 2.0 / Gilles Péris y Saborit

Le problème est que le réchauffement de l’hiver bouleverse les repères des plantes : « La rythmicité des saisons est cassée », constate Jonathan Lenoir, chercheur en écologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « On voit des arbres un peu perdus, qui sortent leurs fleurs trop tôt, ou mettent du temps à démarrer, ou ont des floraisons bizarres », dit Iñaki Garcia de Cortazar. Les vignes et certaines variétés de cerisiers, qui n’ont pas besoin de « comptabiliser » beaucoup de jours de froid pour sortir de leur dormance, peuvent bourgeonner ou fleurir avant que le risque de gel ne soit complètement écarté. Ce fut le cas l’année dernière. Des vignerons avaient dû allumer des braseros au pied de leurs plantations pour éviter qu’elles ne se perdent. « C’est également le cas pour beaucoup d’essences forestières, comme le chêne, dont la période de débourrement [1] peut survenir avant que le risque de gel ne soit complètement écarté, précise Jonathan Lenoir, du CNRS. Le risque est que l’arbre ne se développe pas bien, ou passe une saison difficile. » « Ils gaspillent de l’énergie en refaisant des fleurs. Ce n’est pas bon pour leur santé à long terme, et peut réduire leur longévité », ajoute Camille Parmesan.

« On ne le voit pas forcément, mais ces plantes sont complètement bouleversées »

Toutes les espèces ne se mettent pas à fleurir trop tôt. Paradoxalement, le réchauffement de l’hiver peut conduire certaines à le faire trop tard. Camille Parmesan s’est penchée sur ce phénomène dans le cadre d’une grande étude portant sur 490 essences. Avec ses collègues, la chercheuse s’est aperçue qu’environ 15 % des espèces reculaient leur date de floraison, parfois de plusieurs semaines, en raison du réchauffement de l’hiver. Les plantes dont les besoins en froid sont importants étaient les plus affectées. « Ces plantes ne font qu’attendre, attendre et attendre le froid, qui n’arrive jamais. Au bout d’un moment, elles abandonnent, et sortent leurs fleurs. » Malheureusement, ces floraisons adviennent rarement à un moment idéal pour elles. Il fait parfois déjà trop chaud lorsque les bourgeons pointent le bout de leur nez. « Ces plantes reçoivent des signaux contradictoires. On ne le voit pas forcément, mais elles sont complètement bouleversées. »

vigneronUn vigneron du domaine viticole de Luneau-Papin allume des bougies antigel dans le vignoble du Landreau, près de Nantes, le 12 avril 2021. © Sebastien Salom-Gomis/AFP

Le manque de froid peut également troubler certaines plantes annuelles, comme le blé et l’orge. [2] « Sans froid, on peut avoir de grosses pelouses partout, et pas une seule montée en épi », dit Iñaki Garcia de Cortazar, de l’Inrae. Le phénomène inquiète moins le chercheur, car car les producteurs peuvent choisir des variétés qui ont moins besoin de froid, ou peuvent être semées au printemps. « Mais le risque est là. »

Du côté des animaux, les conséquences du réchauffement de l’hiver diffèrent selon leur température interne. « La température corporelle des animaux ectothermes [3] est celle du milieu, comme s’ils étaient une maison passive sans thermostat, explique l’océanographe et chercheur au CNRS David Grémillet. Lorsque la température augmente, leur métabolisme augmente également, et devient plus rapide. Les animaux homéothermes [4], tels que les oiseaux, les mammifères et certains poissons, peuvent davantage réguler leur température. »

Au lieu d’hiberner, certaines espèces restent actives toute l’année

Les insectes sont, dans leur grande majorité, des animaux ectothermes. Même si toutes les espèces répondent de manière spécifique au réchauffement de l’hiver, le chercheur Kévin Tougeron observe qu’un grand nombre d’entre eux ont tendance à ne plus entrer en diapause, qui correspond, « pour faire simple, à leur hibernation ». Au lieu d’interrompre leur développement pendant les mois les plus frais, certaines espèces restent désormais actives toute l’année. D’autres cessent leurs activités en décembre plutôt qu’en octobre, et la reprennent au mois de février plutôt qu’en mars. « Cela leur permet de continuer à exploiter leur environnement, de faire davantage de générations. »

Si les insectes ont de quoi se réjouir, ce n’est pas nécessairement le cas des espèces dont ils se nourrissent. On peut évoquer l’exemple bien connu des scolytes, des petits coléoptères qui dévorent les forêts d’épicéas du Grand Est. « Lorsque les hivers sont plus doux et les périodes de végétation plus allongées, certaines espèces végétales peuvent s’affaiblir (surtout en cas de sécheresse) et devenir plus vulnérables aux ravageurs. Dans les forêts en monoculture, tous les arbres sont touchés en même temps. Cela peut aller très vite », explique Jonathan Lenoir.

« Certaines espèces végétales peuvent devenir plus vulnérables aux ravageurs »

Tous les insectes ne sortent cependant pas gagnants de l’adoucissement des conditions hivernales. « Certains, comme les carabes (de la famille des scarabées) ont besoin de froid, voire de gel pour terminer leur cycle de développement et atteindre la maturation de leurs organes sexuels, note Kévin Tougeron. On peut imaginer que si les hivers se réchauffent trop, cela pourrait leur poser problème. »

Du côté des animaux homéothermes, les oiseaux font partie des plus affectés. Certaines espèces, comme les mésanges, sont parvenues à s’adapter génétiquement au réchauffement des températures. « En moyenne, elles nichent huit jours plus tôt depuis vingt ans », dit le biologiste Jacques Blondel. Toutes ne s’en sortent pas aussi aisément.

L’une des causes ? La « désynchronisation » entre les espèces. Elles ne répondent pas au réchauffement de l’hiver de la même manière, ni au même rythme. Ces différences peuvent « casser » des interactions vitales. Le biologiste américain Thor Hanson en donne un exemple marquant dans son ouvrage Lézards d’ouragan et calmars plastiques : les conséquences inquiétantes et fascinantes du changement climatique sur la biodiversité (Basic Books, 2022) [5]. Aux alentours de l’étang de Walden, où le poète américain Henry David Thoreau séjourna dans une cabane en 1845, les températures ont augmenté de 2,4 °C depuis 160 ans. Les fleurs s’y épanouissent en moyenne sept jours plus tôt. Le problème est que d’autres espèces, comme les oiseaux-mouches, détectent la fin de l’hiver par la durée du jour, et non par la température. Elles continuent donc d’arriver sur le site à la même date qu’à l’époque de Thoreau, et peuvent « rater » la période durant laquelle les fleurs contiennent le plus de nectar. Les hirondelles montrent elles aussi le bout de leur bec bien après l’éclosion des insectes dont elles se nourrissent.

Autre exemple avec le gobemouche, un oiseau migrateur. « La réponse au réchauffement climatique des chenilles dont ils se nourrissent est plus rapide que la leur, explique Jacques Blondel. Lorsqu’ils remontent vers le nord pour se reproduire au mois d’avril, ils arrivent trop tard par rapport à la période de disponibilité en nourriture, et les populations baissent. »

macareuxCertains oiseaux marins, dont des macareux moines, pourraient se retrouver pris dans des cyclones. © Didier Flury/Reporterre

Certains oiseaux marins sont eux aussi en peine. Dans le cadre de sa thèse, réalisée sous la direction de David Grémillet, la chercheuse Manon Clairbaux a étudié l’évolution des habitats hivernaux de cinq espèces (le macareux moine, le mergule nain, le guillemot de Troïl, le guillemot de Brünnich et la mouette tridactyle), qui représentent à elles seules 75 % des communautés d’oiseaux marins en Atlantique Nord. « Ces espèces ont tendance à se retrouver en hiver dans une zone très froide mais riche en nourriture, à environ 1 500 kilomètres au sud du Groenland, dit David Grémillet. Mais avec le réchauffement climatique, les trajectoires des cyclones risquent de traverser cette zone. » L’auteur des Manchots de Mandela (Actes Sud, 2021) craint qu’ils ne tuent beaucoup d’oiseaux. « Lorsqu’il y a une tempête, les oiseaux ont du mal à se nourrir. Ils sont pris dans une sorte de grosse machine à laver et attendent qu’elle passe en flottant comme un bouchon à la surface de l’océan. Comme ils ont peu de réserves corporelles, après deux ou trois jours, ils peuvent mourir. »

Avec le réchauffement de l’hiver, les poissons dont ils se nourrissent pourraient également se déplacer vers le nord, et les tempêtes devenir plus fréquentes. Cela pourrait avoir une forte incidence sur la taille des populations. Les oiseaux marins peuvent en effet vivre (et se reproduire) pendant plusieurs dizaines d’années. « Tout adulte mort pendant la phase hivernale représente un gros déficit de poussins. » Ces pertes pourraient être d’autant plus graves que la communauté mondiale d’oiseaux marins a déjà décliné de moitié depuis les années 1970. Si le retour des températures douces en cette fin d’hiver peut faire frissonner de plaisir, pour le vivant, la disparition du froid n’annonce rien de bon.

 

Chasse : les munitions en plomb empoisonnent les rapaces

Des données récoltées depuis les années 1970 dans treize pays le prouvent : le plomb des munitions des chasseurs finit par intoxiquer les rapaces. « Cette menace pourrait être évitée facilement », dit un chercheur.

La nouvelle a de quoi mettre du plomb dans l’aile aux efforts de conservation de la biodiversité. Selon une étude parue mercredi 16 mars dans la revue Science of the total environnement menée par des chercheurs de l’université de Cambridge, l’ingestion de plomb issu des munitions de chasse empoisonne fortement les rapaces.

Les auteurs de l’étude estiment que les populations européennes de rapaces adultes de dix espèces cibles — les plus vulnérables au plomb — sont en moyenne 6 % plus petites qu’elles ne le seraient si elles n’avaient pas avalé ce métal. En cause, le saturnisme, une intoxication liée à l’ingestion de plomb qui cause chez les animaux des troubles neurologiques et moteurs. Résultat ? 55 000 oiseaux adultes en moins dans le ciel européen. 8 000 tonnes de plomb seraient déversées chaque année dans la nature, selon un chiffre relayé par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 1999 — sans compter les amateurs de tir sportif et les pêcheurs au plomb.

Le vautour fauve (Gyps fulvus), l’aigle royal (Aquila chrysaetos), le pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla), la buse variable (Buteo buteo) ou le milan royal (Milvus milvus) sont en tête de liste. Ces rapaces sont en partie nécrophages, c’est-à-dire qu’ils consomment des cadavres. Or leurs proies ingèrent des petites billes de plomb, ou peuvent avoir été blessées à cause d’un tir de chasseur, contaminant ainsi toute la chaîne alimentaire. « Il a fallu des décennies aux chercheurs de toute l’Europe pour accumuler suffisamment de données pour nous permettre de calculer l’impact du saturnisme sur les populations de rapaces », déclare dans un communiqué la professeure Debbie Pain de l’université de Cambridge, coautrice de l’étude.

Plus il y a de chasseurs, plus il y a empoisonnement

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé des données recueillies depuis les années 1970 à partir du foie de milliers de rapaces morts dans treize pays et ont établi une relation avec le nombre moyen de chasseurs par kilomètre carré. Les résultats sont clairs : les endroits où la densité de chasseurs est la plus élevée comptent davantage de rapaces empoisonnés.

« Jusqu’à maintenant, les études portaient à un niveau individuel seulement. Cette étude est importante car elle s’est focalisée sur les populations », dit à Reporterre Julien Terraube, chercheur au Vulture Conservation Foundation. « Beaucoup de menaces comme la perte d’habitat ou les collisions avec les infrastructures électriques peuvent être difficiles à enrayer, mais pas le plomb. Cette menace pour ces rapaces pourrait être évitée facilement. »

Julien Terraube pointe le fait que l’étude s’est intéressée à de forts taux de contamination au plomb, de l’ordre de 20 parties par million (ppm). « Ces doses entraînent la mort, mais on ne sait pas ce qui se passe pour des valeurs plus faibles, le succès reproducteur [1] pourrait diminuer par exemple. L’impact sur les populations de rapaces est certainement encore plus fort que l’on ne le pense. » D’après d’autres études, l’intoxication au plomb perturberait le vol de l’aigle royal causant ainsi des collisions.

Une prise de conscience européenne

Actuellement, seuls le Danemark et les Pays-Bas ont interdit la grenaille de plomb — des petites billes qui partent en gerbe pour tuer un animal en vol par exemple — avec de très bons résultats sur la démographie des rapaces, indique l’étude de l’université de Cambridge. Depuis, le Danemark prévoit d’interdire aussi les balles de fusil en plomb. Fort de ces constats, le Parlement européen a voté en novembre 2020 l’interdiction de l’utilisation de munitions au plomb dans les zones humides d’Europe. Le plomb est en effet majoritairement utilisé pour le gibier présent dans les zones humides, comme les canards. Le texte doit être appliqué dès février 2023. La zone d’interdiction devait initialement être de 400 mètres autour des zones humides, mais sous la pression du lobby de la chasse, elle a été abaissée à 100 mètres. En France, l’emploi de la grenaille de plomb dans les zones humides mentionnées a été interdit en 2006 (mais l’utilisation de balles reste autorisée).

aigle royal

L’Union européenne et le Royaume-Uni envisagent tous deux d’interdire toutes les munitions au plomb mais de nombreux groupes de chasseurs s’y opposent, notamment en France. L’idée : les remplacer par des munitions en acier. Celles-ci seraient moins efficaces — de densité inférieure, elles perdent plus vite de la vitesse —, beaucoup plus chères, et rendraient obsolètes un certain nombre de vieilles armes. La transition est jugée trop rapide selon le patron des chasseurs Willy Schraen. « On peut probablement abandonner les balles de plomb en trois à cinq ans. Mais sur la grenaille, il nous faudra au minimum huit à dix ans », a-t-il dit dans Le chasseur français.

« L’interdiction totale du plomb dans tous les écosystèmes est urgente. D’autres pays ont réussi leur transition facilement, la France y viendra à court terme. Le problème prendra forme dans le respect de l’interdiction à l’échelle locale : il y a un gros manque de personnel pour s’assurer que les lois environnementales sont respectées », conclut Julien Terraube.